Insidious : oubliez Conjuring, c'est ça le meilleur film d'horreur de James Wan

Geoffrey Crété | 8 juillet 2023
Geoffrey Crété | 8 juillet 2023

Avant Conjuring et après Saw, il y avait le malin film d'horreur Insidious, réalisé par James Wan. Et ça reste un petit modèle du genre.

Impossible de passer à côté du réalisateur James Wan. Il a lancé deux sagas d'horreur à succès avec Saw et Conjuring (qui ont continué sans lui), et rejoint deux méga-franchises de blockbusters avec Fast & Furious 7 et Aquaman (qui existaient avant lui). En l'espace d'une décennie, il s'est ainsi imposé comme l'un des réalisateurs les plus malins du cinéma américain.

Son retour à l'horreur avec le WTF Malignant a rappellé une petite chose : Insidious. Sous l'hommage à Poltergeist se cache un petit cauchemar très efficace, qui est encore plus réussi quand on voit les suites décevantes (dont le très mauvais Insidious 5 : The Red Door en 2023).

 

Insidious : The Red Door : photoInsidious 5, probablement le pire

 

RETENIR LA LE-SAW

Sans Saw, il n'y aurait pas eu d'Indisious. Pas seulement parce que le succès phénoménal de ce petit film sorti de nulle part et réalisé avec trois bouts de ficelle a propulsé James Wan sur le devant de la scène. Mais aussi et surtout parce qu'il a réalisé Insidious en réaction à Saw, pour (se) prouver quelque chose.

Wan n'avait même pas eu le temps de réaliser son deuxième film, Dead Silence, en 2007, que la machine Saw avait livré trois suites. Il n'était plus que producteur exécutif, mais son nom était intimement lié à ce grand retour du torture porn. Pour le meilleur, et pour le pire. En 2013, avec la tête froide de quelques années de recul, le cinéaste expliquait à Entertainment Weekly :

"Il y a eu du bon et du mauvais dans Saw. C'était bien parce que ça a lancé ma carrière, mais ça a été négatif parce que ça m'a vraiment marginalisé en tant que réalisateur. Beaucoup de gens à Hollywood se disaient que j'étais le mec qui avait fait ça, que je ne pouvais faire que ce genre de film - même si j'ai réalisé le premier Saw et aucune des suites. Mais comme j'ai créé Saw, mon nom était attaché à la franchise, dont je suis très fier par ailleurs.

 

photoBientôt : Billy vs Annabelle

 

C'est l'une des raisons qui m'a poussé à faire Insidious, parce que je voulais prouver aux gens que je pouvais faire un film de maison hantée très classique, à l'ancienne, et que je pouvais faire un film effrayant qui ne repose pas sur le sang et le gore. Ce qui d'ailleurs est très peu présent dans le premier Saw, comparé aux suites, ce que plein de gens oublient."

Néanmoins, James Wan et son acolyte scénariste Leigh Whannell ont retenu une leçon de Saw : le manque d'argent est une liberté. L'expérience pas très agréable de Dead Silence chez Universal (qui a particulièrement traumatisé le scénariste) les en avait plus que jamais convaincus. Insidious va donc être moins cher que Saw, qui avait gagné finalement coûté un peu plus d'un million une fois Lionsgate impliqué. Là, ce serait dans les 700 000 dollars selon le duo, interviewé chez Collider. Soit un budget minime (à titre de comparaison, le premier Paranormal Activity aurait coûté environ 230 000 dollars).

Derrière Insidious, il y a justement Blumhouse, ce petit géant du cinéma de genre, qui a été propulsé par ces activités paranormales mais lucratives. Insidious est l'un des premiers films post-Paranormal Activity, avec l'inévitable Paranormal Activity 2, et c'est certainement ce phénomène qui convainc Patrick Wilson (qui sort de Watchmen) et Rose Byrne (qui sort de Sunshine, 28 semaines plus tard et Prédictions, et tourne X-Men : Le Commencement dans la foulée) de tourner ce petit film au budget très serré pendant trois semaines.

 

photo, Patrick WilsonRéunion de prépa avec zéro budget

 

POLTERGASTRAL

James Wan a beau avoir été marqué à vie par Poltergeist qu'il a découvert au cinéma à 6 ou 7 ans, Insidious est d'abord né d'une autre envie, comme l'expliquait Leigh Whannell à Den of Geek :

"Le premier Insidious est né parce qu'on voulait raconter une histoire autour de la projection astrale. On échangeait des idées et qu'on a réalisé que personne n'avait fait de film d'horreur impliquant des projections astrales. (...) On se disait que ce serait intéressant de raconter l'histoire de quelqu'un dont l'âme a quitté le corps et n'est pas revenue, laissant un réceptacle vide derrière. Là, ça ne fait pas très Poltergeist et on pensait que c'était très original à ce niveau. Mais après, une fois qu'on est véritablement entré dans le film de maison hantée, avec la medium qui arrive pour sauver l'enfant, on comprend les comparaisons avec Poltergeist."

C'est la première bonne surprise du film : offrir un troisième acte inattendu qui se déroule dans The Further, cette zone de l'au-delà et réalité parallèle peuplée d'âmes perdues. Une idée amusante qui redynamise la formule et évite un énième climax d'exorcisme dans une chambre, en plus d'apporter quelques couleurs bienvenues en flirtant avec la vraie série B.

 

photo, Patrick WilsonAu-delà du réel, l'aventure continue

 

Autre intention de départ : penser l'horreur dfféremment des films mainstream du genre. C'est là qu'Insidious se pose en embryon très intéressant de Conjuring : c'est strictement le même cadre (une famille ordinaire frappée par des choses extraordinaires, dans une maison qui n'aime pas les enfants), mais avec une approche sensiblement différente de l'angoisse. Ce n'est pas une révolution, puisque la formule reste la même, mais il suffit de légers petits décalages pour donner à Insidious une force inattendue, à côté des inévitables jumpscares.

James Wan racontait à Collider : "Leigh et moi avons eu beaucoup de libertés pour que la peur fonctionne, parce que si on était passé par le système des studios, on nous aurait dit, 'Si vous avez un fantôme ou quelque chose dans un coin, vous devez le souligner, avec un effet musical très fort !'. Et j'aurais dû me battre, et dire, 'Non, c'est plus effrayant si le personnage marche à côté et qu'on ne le souligne pas dans la mise en scène. Et que le personnage ne le souligne pas, puisqu'il ne le sait pas.' Le public regarde ça, et d'un coup, se demande s'il a vu quelque chose. Parce qu'il n'est pas sûr. Et je pense que c'est le genre de petite chose dans la mise en scène, dans ce type de film d'horreur, qui apporte quelque chose. Et je pense que j'aurais fait un film très différent si c'était passé par les studios."

 

photoVoile sur la peur

 

Et c'est effectivement l'une des touches les plus marquantes d'Insidious : ce désir de jouer avec les codes et donc, les réflexes du public. Lorsque Renai va dans la chambre du bébé en pleine nuit et ne remarque pas immédiatement la silhouette du fantôme derrière le voile, c'est un moment de trouble délicieux. S'il n'y a pas de crescendo de musique, d'habillage sonore ou d'escalade de la tension appuyée par la mise en scène, il ne peut rien se passer d'important à l'écran, si ? Il suffit de quelques instants d'hésitation pour imprimer durablement ce visage immobile sur la rétine, bien plus fortement qu'un sursaut facile.

Même chose pour la première apparition du môme-fantôme dans la deuxième maison, encore plus discrète puisque Renai passe à côté en rangeant du linge, sans que la mise en scène ne le souligne au-delà d'une courte et presque imperceptible pause. Ou comment laisser le public devenir réellement acteur du cauchemar, à guetter les recoins et les portes ouvertes - chose que Mike Flanagan reproduira sur The Haunting of Hill House par exemple, avec un jeu diabolique.

  

photoPorte-manteau hanté

 

LE MUSÉE DES HONNEURS

Sous ses petits airs modestes, Insidious regorge ainsi de malice, rien qu'avec le casting de Lin Shaye (un visage discret mais bien connu des fans de genre, apparu deux fois dans la saga Freddy) et Barbara Hershey (L'Emprise). James Wan tenait ainsi à avoir deux maisons, afin de briser la règle de l'unique demeure hantée où les personnages tournent en rond du début à la fin. Ce double décor lui permet de rebattre les cartes spatiales à mi-parcours, mais amène également une touche de fraîcheur dans l'intrigue sinon convenue : pour une fois, le mari croit sa femme terrifiée, et la famille fuit le lieu de l'horreur avec un minimum de bon sens. Tout ça menant en plus à un merveilleux twist : "Ce n'est pas votre maison qui est hantée. C'est votre fils." (frissons garantis).

Autre facette incontounable d'Insidious : la musique de Joseph Bishara. Comment oublier ces violons semblant sortir d'outre-tombe, mi-envoûtants mi-glaçants ? James Wan et Leigh Whanell voulaient d'emblée jouer sur les silences et les grands bruits, comme le montre parfaitement la scène de l'alarme en pleine nuit. La musique suit ce schéma, avec de longues nappes sonores et quelques saillies terrifiantes et dissonantes, particulièrement mémorables sur les écrans-titres.

Le nom du compositeur Joseph Bishara est d'ailleurs devenu central dans la galaxie James Wan, puisqu'il a composé plusieurs musiques du Conjuring-verse (du premier Conjuring jusqu'à Annabelle 3), et qu'il a en plus prêté son corps à plusieurs horreurs de cet univers - la Nonne, le démon d'Annabelle, et ce fameux démon d'Insidious.

 

photo, Lin Shaye, Leigh Whannell"Je crois que le musicien est au plafond"

 

Insidious n'est pas parfait. Plus la menace se précise et plus James Wan tombe dans les écueils du genre, avec une dernière ligne droite qui compile quelques uns des pires effets de style en la matière. L'imaginaire fantastique est souvent pauvre, avec la vieille dame sous son voile, les jumelles cadavériques et souriantes, le bambin type gavroche qui danse, ou encore la femme en robe de mariée - bienvenue dans le futur catalogue neuneu de Conjuring. Sans oublier quelques très mauvais effets de style, qui rappellent les heures sombres de 13 fantômes et La Maison de l'horreur.

Leigh Whannell empile les idées familières jusqu'à l'overdose, avec notamment l'équipe de Ghostbusters comico-geek et l'empreinte sur les photos (pensée pour Shutter), quand certaines scènes ressemblent presque à des parodies tant elles dénotent de la sobriété générale. Difficile de rester sérieux face à la baston entre le père de famille et le fantôme gothique, ou lorsque la séance de spiritisme se transforme en ménage de printemps avec Dalton qui renverse la table sous une lumière stroboscopique. Dans les pires moments, deux films semblent se dérouler en parallèle, comme lorsque le duo de chasseurs de fantômes se lance dans un sketch, sous le regard très sérieux des parents terrifiés.

Ce qui est d'autant plus dommage que le casting est impeccable, à commencer par Rose Byrne, parfaite dans un rôle périlleux d'ultra-sensibilité passive. Patrick Wilson mène sa danse avec brio, et Lin Shaye et surtout Barbara Hershey s'imposent elles aussi. Comme dans tout bon film d'horreur, le talent des acteurs et actrices est vital pour donner vie au fantastique.

 

photoTwilight version hardcore

 

INSIPIDIOUS

Et ainsi, Insidious exauça le voeu secret de James Wan : le placer comme un réalisateur honnête et respectable de film d'horreur. Avec un tel carton en salles (près de 100 millions, soit à peu près 100 fois le budget de départ), le film lui a ouvert les portes de Warner Bros. pour Conjuring. Quelques mois après, le cinéaste tournait déjà autour des Warren.

Et tout était déjà là dans Insidious : un enfant hanté, une mère extra-sensible, Patrick Wilson, le compositeur Joseph Bishara, le monteur Kirk Morri, et le directeur de la photo John R. Leonetti.

 

Photo Lin ShayeY a t-il encore un scénariste quelque part ?

 

En 2013, double ration de James Wan dans les salles, avec la sortie à quelques mois d'écart de Conjuring et Insidious : Chapitre 2. Double tour de train fantôme, et double succès. L'insidieuse saga continuera sans lui, sans Patrick Wilson et Rose Byrne, et disons-le : sans âme. Leigh Whannell se fera la main comme réalisateur avec le prequel Insidious : Chapitre 3 (histoire de pouvoir ramener Lin Shaye), puis écrira Insidious 4 : La Dernière Clé dans la lignée, en laissant Adam Robitel le mettre en scène. A la fin, la boucle est bouclée : la medium est appelée par la grand-mère du premier épisode.

Le cauchemar continue en 2023 avec Insidious : The Red Door, réalisé par Patrick Wilson. C'est le "vrai" Insidious 3, qui reprend l'histoire de la famille, en se concentrant sur les traumas du père et du fils. Sans trop de surprise, c'est très mauvais. A ce stade, svp, laissez Insidious reposer en paix.

Tout savoir sur Insidious

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Bat-jp
10/07/2023 à 10:29

Dark maul avec des cheveux ca fait bizarre quand même !

Maski mask
06/09/2021 à 14:44

@Burola merci de ta réponse j'en ai entendu beaucoup au sujet de ce film, je vais aller le voir au plus vite et me faire mon propre avis, de tout les façon james wan avais prévenu que ce film allait diviser, et qu'il n'allait pas plaire à tout le monde.

Burola
06/09/2021 à 08:28

@ Maski mask
Je suis allé voir Malignant pour retrouver le premier Insidious et le premier Conjuring.
Ça a été la douche froide. Ne surtout pas aller voir ce film avec l’idée de retrouver le James Wan des deux films précités.
Je ne jugerai pas Malignant ici mais ce n’est pas un film de « peur »

Maski mask
06/09/2021 à 00:15

Franchement je n'ai pas encore vu malignant mais tout ce que je veux dire c'est que je suis content de savoir qu'il retourne vers ses premiers amour et j'espère qu'après aquaman 2, qu'il va continué dans cette lancé

real
05/09/2021 à 22:55

Par contre, Insidious Chapter 2 est une purge: tous les effets y sont soulignés jusqu'à l'overdose, sans recul. Pour ma part, passé le 1, je préfère le 3. Et le 4 me semble plus anecdotique.

Madame z
05/09/2021 à 22:39

Le premier Insidious c est le meilleur ! Il m'a hanté un moment après l avoir vu !!!!

974 eric z
05/09/2021 à 19:27

Franchement écran large incompétence jusqu'à la racine c incroyable en dirait que vous juger en regardant les bandes annonces

Maski mask
05/09/2021 à 16:39

Vous oublier death sentence qui est mon préféré personnellement même death silence et saw sont de très bonne facture j'adore les deux insidious mais la carrière de james wan ne s'arette pas a conjuring 1 et 2

Poulet
05/09/2021 à 16:17

Me tapez pas mais pour moi son meilleur film c'est Fast and Furious 7 !

ZakmacK
05/09/2021 à 14:43

C'est le premier film de James Wan que j'ai vu, sur le tard donc, et il reste mon préféré, devant les 2 conjuring (le couple Warren me fatigue un peu même s'il y a des scènes vraiment très cool) James Wan a des idées de mise en scène des mouvements de caméra qui me font rêver à ce qu'il pourrait faire s'il tombait sur un scénario cool. (comme celui d'aquaman par exemple, heu pardon je sors)

Plus