Birdman : critique déplumée

Simon Riaux | 22 septembre 2018 - MAJ : 24/03/2021 16:55
Simon Riaux | 22 septembre 2018 - MAJ : 24/03/2021 16:55

Porté à l'époque par une campagne promotionnelle atmosphérique ainsi qu'un buzz savamment orchestré autour de son comédien principal et du rapport qu'il entretient avec son personnage, Birdman d'Alejandro González Iñárritu, avec Michael Keaton, s'est depuis taillé la réputation de grand film intello, notamment grâce à sa mise en scène majestueuse. Est-ce mérité ?

CHÉRIE, ÇA VA PAS COUPER

S'il est bien un domaine dans lequel le film devrait tenir la dragée haute à la concurrence, c'est bien celui de la technique pure. Alejandro González Iñárritu et son chef opérateur Emmanuel Lubezki se sont sortis les doigts pour emballer une performance hors du commun, à savoir un métrage pensé quasi-intégralement comme un faux plan séquence. En effet, dans Birdman, la caméra ne s'arrête jamais de tourner, joue avec le spectateur, le décor, la lumière et les personnages pour donner vie aux ellipses et rebondissements du scénario.

Le défi est énorme et relevé avec un panache souvent ahurissant, d'autant plus que tous les comédiens semblent s'amuser comme jamais de cette contrainte supplémentaire. Si Birdman les invite à cabotiner, ils s'en donnent à cœur joie avec une énergie contagieuse, à l'image de Michael Keaton, transfiguré dans chaque séquence. Le reste du casting est à l'avenant et compose une mémorable brochette d'allumés, qui s'amuse avec malice d'une étiquette hollywoodienne trop encombrante.

 

photo, Michael KeatonMichael Keaton et son ombre

 

1 KG DE PLUMES, 1 KG DE PLOMB

Mais au-delà du plaisir brut du cinéphile, le nouvel effort de Alejandro González Iñárritu souffre de plusieurs tares évidentes. Le réalisateur n'a jamais été un conteur d'une grande subtilité, mais il touche ici le fond de la balourdise. Son message est terriblement convenu (les artistes sont narcissiques mais bouleversants, Hollywood est un repaire de fous superficiels, les critiques sont des salauds aigris), et se prend les pieds dans le tapis rouge que lui lèguent ses glorieux ancêtres. On a ainsi la désagréable impression d'assister à un remake ultra-simpliste de Opening Night de John Cassavetes.

 

photo, Emma StoneQuand Emma Stone ne suffit pas

 

Plus embarrassant, le film entretient l'idée d'une opposition totale entre un cinéma indépendant intelligent et virtuose, menacé par une institution, des studios cannibales, capitalistes et incultes. Une représentation schématique stupide, qui ne tient absolument pas compte de la réalité de l'industrie américaine. Venant d'un Alejandro González Iñárritu qui justement bénéficie depuis longtemps de la présence de stars hollywoodiennes à ses côtés, la proposition semble d'une terrible malhonnêteté. Malhonnêteté encore renforcée par les Oscars que remporte le film, qui viennent rappeler l'hypocrisie de son discours et la balourdise avec laquelle il l'assène.

Comme si à travers cette expérience tantôt lourdaude tantôt éclatante, se trouvait simplement un petit égo affamé de compliments et attendant fébrilement que nous l'applaudissions. Une limite qui empêche le film de s'élever, mais heureusement n'écrase pas totalement la singularité de ce festin visuel.

 

Affiche officielle

Résumé

Birdman n'est pas le grand film espéré. Malgré la maîtrise évidente de sa mise en scène, il se révèle un soufflet balourd et ennuyeux, qui préfère flatter le cinéphile plutôt que le stimuler.

Autre avis Alexandre Janowiak
Plus qu'un simple tour de force technique avec son unique (faux) plan-séquence, Birdman est une réflexion ironique et tragi-comique sur l'industrie du cinéma, la critique et la frontière fine entre fiction et réalité. Un portrait meta du showbiz entre poésie et surréalisme, absolument brillant.
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commentaires
diseurdeveritedanstaface
24/08/2022 à 00:50

Hahaha alors Simon riaux , on se sent frustré d'entendre la réalité de votre "metier" aigri et hautain . Une critique fade et sans saveur aussi courte qu'insipide.

Rudy Mako
24/09/2019 à 19:20

Ce que je trouve dommage, c'est que l'un des plus grands acteurs ait eu son oscar avec une autre purée d'Inharitu, j'ai nommé The Revenant

Rudy Mako
24/09/2019 à 19:15

Quand je me mets à regarder les films estampillés oscar du meilleur film de ces 10 dernières années, j'ai seulement envie de me suicider. Birdman n'est pas un film. C'est un ramassis exagéré de travelling, de voix off chiante, l'intringue est surestimée. Inharitu n'a rien d'un virtuose, Cuaron oui. Et quand je pense que le mec a deux oscars, alors que Nolan n'a rien, Tarantino zéro et Scorsese qu'un seul....... Je me dis, que c'est connerie. Au lieu de Birdman, je vote pour burnman

Raoul
23/09/2019 à 11:14

Un très très grand film.

Thibault
23/09/2019 à 07:51

Poussé par les critiques élogieuses, les oscars, j'ai commencé à regarder le film , et pendant 1 heure je me suis dis « putain mais c'est chiant, le réal se regarde trop, c'est de la masturbation intellectuelle, mais non allez regarde , il a eu des oscars, montre que t'es un cinéphile regarde!» Et puis non , j'en pouvais plus de ces travelling , de ce cabontinage , de ce faix élitisme, et j'ai arrêté et plus jamais vus le reste du film.C'était aussi le problème de The revenant, vraiment très bon la première partie, et puis très molasson ensuite et le traitement des trappistes français, une pitoyable réécriture de l'histoire.


22/09/2019 à 23:01

Toujours un régal à revoir ce film !
Une claque cinématographique comme on en voit que très rarement .

Alfred
28/09/2015 à 13:54

Juste un film boursouflé et prétentieux où l'ego surdimensionné d'Inaritu n'en finit pas de nous dire "Et là, vous avez vu ? Je suis un sacré bon cinéaste, non. Et inventif avec ça !" Sauf qu'il n'a jamais rien inventé et s'est juste contenté de pomper ses aînés sans jamais les citer. Humainement minable.

effaré
30/03/2015 à 07:01

Ce film n'est que du marketing fait avec d'énormes moyens financiers, puisque l'argent attire l'argent. La bande sonore est tellement insupportable qu'elle s'apparente à du harcèlement. On y a comblé le vide avec du bruit. Ce sont des salves de batteries sans fin sans la moindre note de musique qui tapent sur les nerfs. J'aurais préféré un film muet au lieu d'être soumis à ce supplice. Le sujet est creux à l'instar de la façon dont la bande sonore a été meublée. C'est un non-problème résolu avec des tonnes de crème fouetté et des gadgets techniques. Tout est artificiel. Pour y trouver quelque chose, on devrait interpréter tout cela au cinquième degré, tandis que ce n'est clairement pas conçu de cette façon. Une salve de batterie ne traduit que du vide et ne s'interprète pas au cinquième degré. La seule chose qui est valable est l'excellente prestation des acteurs.

Michlspdo
05/03/2015 à 19:05

Tellement heureux d'avoir revu Michael Keaton dans un vrai et beau projet, pas comme ce robocop inutile. Il cabotine sérieusement à tel point que ça en devient jouissif !

Balodi
04/03/2015 à 14:11

Du travail de virtuose, le meilleur travail à ce jour de Innaritu.

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