Phénomènes : critique

George Lima | 10 juin 2008 - MAJ : 04/01/2019 00:03
George Lima | 10 juin 2008 - MAJ : 04/01/2019 00:03

Avec Signes, M. Night Shyamalan avait déjà flirté avec l'incohérence scénaristique : des aliens allergiques à l'eau et soi-disant supérieurement intelligents envahissaient la terre, recouverte 70% à d'eau. Avec Phénomènes, il enfonce le clou.

(Attention pour ceux qui veulent conserver la surprise totale du film, il est conseillé de s'arrêter là, le développement qui suit, révèlant des éléments clés du récit pour justifier la note catastrophique donnée au film).

Le réalisateur (surestimé ?) de Sixième Sens revient avec une histoire grotesque dotée d'une morale écolo aussi absurde que téléphonée. Les plantes, en rage contre l'humanité, se rebellent et laissent échapper des vilaines toxines qui poussent les humains au suicide... Et Shyamalan de nous balancer la sempiternelle ritournelle environnementale : « Sauve toi en sauvant ta planète ». Le discours est évidemment louable mais, pour le comprendre, un conseil : regardez plutôt Une vérité qui dérange, le documentaire d'Al Gore. Ici, le scénario manque d'argumentaire et n'est qu'un prétexte à poncifs. Shyamalan, citoyen responsable, en profite d'ailleurs pour nous balancer un scoop : le plus grand mal de notre époque n'est pas le terrorisme mais la destruction de l'environnement.

 

 

Déjà pauvre sur le papier, le niveau ne pouvait être relevé que par la mise en scène. Mais, malgré une scène d'exposition assez réussie sur les premiers suicides, Shyamalan s'essouffle en choisissant d'illustrer la menace par une succession de plans fixes sur des fougères et des peupliers agités par le vent. Certes, le réalisateur se revendiquera d'un hommage aux films de genre des années 50 et 60 mais il ne faut pas confondre hommage et caricature. Tout ici est prévisible, pataud et plombé par une musique plus agaçante qu'angoissante. Les portes qui grincent et les vieilles folles hystériques façon Norman Bates ne font recette que sous l'œil averti d'un Hitchcock. Et il ne suffit plus de deux jets de sang ou d'un crash de bagnole pour affoler le spectateur. Autant se retaper un bon vieil épisode de La Quatrième Dimension.

 

 

Et difficile de rattraper le coup avec les acteurs. Mark Walhberg avait déjà prouvé qu'il était capable du meilleur (Boogie Nights, The Yards...) comme du pire (inoubliable Shooter). Et malheureusement pour Shyamalan, c'est la version outrancière qu'il choisit ici. Les scènes avec la dingo (tout aussi mauvaise) qui les recueille dans sa maison sont à ce titre anthologiques. Mais ce n'est rien comparé aux exaspérantes mimiques d'une Zooey Deschanel, option yeux mouillés et écarquillés. La crise conjugale entre les tourtereaux est d'ailleurs des plus ridicules, le spectateur apprenant après 1h de suspense insoutenable que l'objet de la dispute n'est qu'un tiramisu que la dame a partagé avec un collègue. Cerise sur le gâteau, le réalisateur ajoute un nappage bien sirupeux en  faisant triompher l'amour.

(Attention gros spoiler sur la fin du film)

Mais bon, Shyamalan ne vit quand même pas au pays de Candy et son ending n'est pas complètement happy : la menace ne meurt pas mais déménage. Et devinez où ? Chez ces crados de Frenchy que le cinéaste humilie en offrant à Stéphane Debac une réplique finale à inscrire au panthéon des nanars.

 

Résumé

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commentaires
Bob
05/03/2023 à 11:37

Quand soi-même on s'est déjà perdu de nombreuses fois en forêt, dans des espaces loin de toute activité humaine, quand le silence s'épassit, quand les heures de marche solitaire nous font percevoir les bruissements des feuilles comme des messages, alors je pense qu'on est bien plus sensible à ce film qu'un citadin perpétuellement noyé de bruit et de mouvements.
Question de contexte individuel.

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