American Fiction : critique d'un réjouissant cauchemar à l'américaine sur Amazon

Owen Carrel | 5 mars 2024
Owen Carrel | 5 mars 2024

Ce n'est peut-être pas le film qui fait le plus parler de lui dans la course aux Oscars, mais mine de rien, American Fiction a fait des remous outre-Atlantique, devenant un outsider sérieux. Avec 5 nominations à la prestigieuse cérémonie, dont meilleur film et meilleur acteur pour l'excellent Jeffrey Wright, le film de Cord Jefferson est sorti dans l'anonymat le plus total en France, bazardé sur Amazon Prime Video. Et c'est bien dommage, car cette satire vaut le coup d'oeil.

american satire

Dans American Fiction, un écrivain noir, surnommé Monk, décide pour relancer sa carrière défaillante d’écrire un roman qui représente la culture afro-américaine sous des traits complètement caricaturaux, prenant une fausse identité de gangster en cavale. Problème, l’ouvrage satirique, écrit comme une blague provocatrice, rencontre un succès ravageur chez le public, notamment l’intelligentsia blanche. 

Pas de doute, ce long-métrage se présente comme une satire acide et engagée, qui tire bien souvent sur le grotesque (et c'est sans doute aussi pour cela qu'il a autant marqué aux États-Unis). Il joue allègrement sur des clichés poussés à l'extrême, notamment dans la représentation des élites blanches, ce qui donne par ailleurs ses dialogues les plus drôles. 

Ceci dit, en grossissant autant le trait (cette lecture lunaire du personnage d’Issa Rae en introduction, la discussion avec les éditeurs sur le changement de titre du livre), American Fiction devient tout de suite bien plus pertinent quand il s'accorde un peu de sérieux. En résulte quelques saillies bien senties, comme lors de la discussion entre Monk et l'auteure Sintara Golden. 

 

American Fiction : photo, Jeffrey WrightAvec un Jeffrey Wright au sommet de son art

 

gangsta's paradise

Dans le traitement de son sujet social, le long-métrage privilégie néanmoins un humour grinçant, avec une mise en scène qui assume parfois visuellement le surréalisme du scénario. L'ensemble est relativement sobre, mais Cord Jefferson, dont c'est le premier film en tant que réalisateur, se permet quelques écarts amusants, par exemple en faisant apparaître dans la maison de Monk ses personnages de gangsters clichés. 

Le point fort du film reste son écriture au cordeau, dans lequel on retrouve le talent premier de Jefferson, scénariste réputé qui a notamment remporté un Emmy pour la brillante série Watchmen de HBO. Il y a ainsi quelque chose d'assez jouissif dans le fait de voir Monk, personnage qui porte l'étiquette de "coincé", s'enfoncer dans un cauchemar complètement absurde, aux antipodes de son quotidien

Cette dimension surréaliste reste cependant au stade d'ébauche, loin des délires d'un Sorry To Bother You par exemple, au profit de ce qui est sans doute la force et la faiblesse du long-métrage : un drame fort et sincère, mais qui l'ancre dans un classicisme paradoxal

 

American Fiction : photo, Sterling K. Brown, Jeffrey Wright, Erika AlexanderUne famille qui va bien (non)

 

the (w)right man

En parallèle de la critique acerbe de la société américaine, American Fiction déploie donc un drame familial émouvant, où le casting a une belle opportunité pour briller, en particulier Jeffrey Wright et le génial Sterling K. Brown. En dichotomie totale avec sa nouvelle identité de faux gangster à succès, Monk navigue ainsi dans un quotidien fait de (quelques) joies et de (beaucoup) de peines

C'est ici qu'on retrouve les éléments thématiques les plus classiques du film : le deuil, la réconciliation, la famille dysfonctionnelle... Une partie fondamentalement plus ordinaire donc, qui perd l'originalité de ses écarts comiques. Mais c'est aussi là que le long-métrage fait mouche sur le plan émotionnel avec une belle mélancolie, et ce héros malheureux qui perd progressivement le contrôle de sa vie. 

La vie est brutale dans American Fiction, qui refuse le traditionnel happy ending, s'en amusant même avec sa fin méta en forme de cruelle mise en abîme. En tranchant totalement avec son aspect caricatural et grotesque, il constitue un bien étrange (et possiblement frustrant) paradoxe. Mais c'est ici qu'il trouve son âme, et que son amertume y est la plus efficace

American Fiction est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 26 février 2024 en France

 

American Fiction : Affiche officielle

Résumé

Une satire drôle et amère menée par un brillant casting, qui a la bonne idée de ne jamais perdre de vue le cœur émotionnel de son récit.

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Lecteurs

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commentaires
RaidenX
14/04/2024 à 13:20

Nullissime et d’un ennui abyssal. La satyre c’est 5%, les 95% restants c’est un drame familial caricatural. Un beau gâchis tant certaines scènes fonctionnent et Wright est impeccable. Pas étonnant que ça ait fini sur Prime, personne n’a dû vouloir le distribuer.

Nico1
12/03/2024 à 18:22

Déçu, je m'attendais à quelquechose de plus rentre dedans même si il y a de belles saillies. Mais globalement mou du genou.

Rorov94m
06/03/2024 à 17:27

Merdique.

Vomito
05/03/2024 à 23:50

À peine entendu parler.
Hâte de voir ça du coup.
Meric pour la critique.

Jojo
05/03/2024 à 18:01

Amazon achete de belle pépite !

raoul speck
05/03/2024 à 16:51

Il s'agit d'une adaptation du Roman de Percival Everett, Effacement, qui est à se tordre de rire. Hâte de le voir pour le coup

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