Critique : Les Seigneurs de Dogtown

Erwan Desbois | 8 juillet 2005
Erwan Desbois | 8 juillet 2005

Après le documentaire Riding giants sur l'historique du surf sorti l'été dernier, la culture underground américaine poursuit avec Les seigneurs de Dogtown sa route vers la maturité par le biais de l'adoubement du cinéma grand public. Le sujet est cette fois-ci le skate-board, mais le lien de parenté entre les deux films est évident dès les premières images : récit inspiré de faits réels (bien que dans le cas présent ils soient présentés sous forme de fiction), personnages qui ne troquent leur skate que pour une planche de surf, et dont les noms sont ceux des véritables pionniers de ce sport. Parmi eux, les plus attentifs reconnaîtront celui de Stacy Peralta, scénariste du film et auteur-réalisateur de Riding Giants, qui est donc devenu une sorte d'ambassadeur officiel de ces deux sports.

Avant cela, Peralta fit partie en compagnie de Tony Alva et Jay Adams du trio qui donna ses lettres de noblesse au skate-board en en bousculant les règles et la pratique. C'est cette révolution effectuée au cœur des années 70 par des gamins de quatorze ans que raconte Les seigneurs de Dogtown en suivant scrupuleusement - tout du moins en apparence - les règles du film de sport hollywoodien : héros venant de nulle part, révélation au monde de leur talent au cours d'une flamboyante première compétition, rivalités au sein du groupe engendrées par la découverte de la gloire et de l'opulence, et amitié finalement sauvegardée par le retour aux vraies valeurs de leur sport.

Le film serait donc un long fleuve tranquille et sans surprises s'il n'y avait la vitalité inhérente au sujet. Car le skate-board, à l'instar des autres sports dits « extrêmes », c'est avant tout un état d'esprit rebelle (terme malheureusement de plus en plus galvaudé) et la recherche de sensations fortes. Deux points que la mise en scène de Catherine Hardwicke (Thirteen) retranscrit à merveille grâce à un montage énergique, une bande-son décapante (de Jimi Hendrix à Deep Purple en passant par David Bowie, le meilleur du rock pur et dur des années 70 a été appelé en renfort), et des séquences de skate-board filmées au plus près de l'action, c'est-à-dire… sur les skates. Sensations garanties, et tout ça en restant confortablement installé dans son fauteuil sans risquer la gamelle.

Les seigneurs de Dogtown a donc indéniablement la mentalité skate (renforcée par des apparitions amicales réussies comme celle, hilarante, de Tony Hawk), mais le scénario de Stacy Peralta va au-delà en portant un regard singulier, empreint de nostalgie et de réalisme, sur cette époque dorée. Il nous fait en effet partager d'inattendus regrets, qui font du film une œuvre personnelle et passionnante plutôt qu'un simple coup marketing sans âme et sans imagination. La dernière séquence est emblématique de ce parti-pris mélancolique : Les seigneurs de Dogtown s'achève sur tout ce qu'ont perdu les trois héros (l'innocence, l'amitié, le pur plaisir de pratiquer le skate sans se poser de questions), et n'évoque ce qu'ils ont gagné que par de lapidaires cartons ne pesant pas lourd face à l'intensité des figures de skate réalisées en arrière-plan.

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