Critique : Le Promeneur du Champ de Mars

Marion Seandrei | 20 janvier 2005
Marion Seandrei | 20 janvier 2005

Grosse surprise : pour son dernier opus, Robert Guédiguian quitte les quartiers populaires de Marseille, passe de l'autre côté du miroir, et se retrouve au cœur de l'Élysée, dix ans en arrière, en adaptant Le Dernier Mitterrand, livre d'entretiens entre le journaliste Georges-Marc Benamou et le défunt président, paru en 1998. L'unicité et l'audace d'un tel projet sont à souligner, puisque c'est la première fois qu'un homme politique « post-de Gaulle » est incarné au cinéma, les producteurs se montrant généralement frileux face à ce type de sujets.

Découvrir Guédiguian, artiste clairement de gauche, aux commandes de cette entreprise, peut laisser perplexe, l'objectivité étant en effet la clause première de réussite d'un film traitant de politique, pour ne pas verser dans l'hagiographie ou la calomnie pure et simple. Mais l'impartialité et le jeu sans aucun ornement de Michel Bouquet, qui confie ne pas être à l'origine un admirateur du politique, viennent accréditer le travail du réalisateur et convaincre d'emblée les spectateurs les plus sceptiques.

Les années Mitterrand, et plus encore la maladie et le décès du président, truffées de secrets et de scandales, fourniraient une matière première formidable pour un cinéaste. Or, Le Promeneur du Champ de Mars délaisse les plans historique, politique ou même people (inutile de chercher, vous ne trouverez pas de détails croustillants sur l'affaire Mazarine ou les maîtresses du président !) : c'est avant tout la peinture du Mitterrand intime, de l'homme pris dans le compte à rebours de la mort, obsédé par l'héritage qu'il laissera derrière lui, qui a intéressé Guédiguian. Celui-ci n'a d'ailleurs conservé que les extraits du livre de Benamou allant dans ce sens, se débarrassant au passsage des lignes polémiques qui avaient choqué les proches du milieu mitterrandien à la sortie de l'ouvrage. Sous les traits de Michel Bouquet, évident dans ce rôle dès les premières minutes, qui a le génie de ne pas imiter mais d'avoir créé un Mitterrand, ce dernier apparaît comme un personnage complexe, cynique, lettré, hédoniste, ironique, agaçant… la liste des adjectifs est inépuisable. La proximité de la mort est alors le révélateur de la vitalité hors norme de cet homme qui cherche à tout contrôler, jusqu'à son agonie et sa fin.

Robert Guédigian s'offre donc une parenthèse spectaculaire et réussie dans sa carrière aux accents marseillais, grâce au portrait d'un être ultra romanesque, qui ne peut laisser indifférent.

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