Breaking Bad - Saisons 1 et 2 : Pure à 99,9%

Stéphane Argentin | 20 octobre 2009
Stéphane Argentin | 20 octobre 2009

Méthamphétamine : Drogue synthétique psycho-stimulante qui provoque une euphorie, une forte stimulation mentale et qui est hautement addictive lorsque prise au-delà des dosages médicinaux.

 

Telle est, peu ou prou, la définition que l'on peut donner de cette substance illicite concoctée par le personnage principal de Breaking Bad. Définition qui pourrait tout aussi bien s'appliquer à cette bombe sérielle du moment. Et pourtant, à voir l'affiche (un mec en calbute, gun dans une main en plein milieu d'un no man's land) ou encore la séquence d'ouverture (le même type, masque à gaz sur la tronche, pied au planché au volant d'un vieux camping-car tout déglingué sur une route en plein désert avec deux macchabés qui se baladent à l'arrière), difficile d'imaginer dans quoi le téléspectateur vient de mettre les pieds. Mais à y regarder de plus près le pédigrée de la série, quelques indices mettaient pourtant la puce à l'oreille.

 

À commencer par la chaîne à l'origine du show : AMC pour American Movie Classics, une chaîne du câble américain née en 1984 qui se focalise, comme son nom l'indique, sur les classiques du Septième Art, soit en gros tous les longs-métrages datant d'avant les années 1950. En 2007, AMC décide de se jeter dans le grand bain de cette nouvelle merveille créative qu'est le petit écran et dégaine Mad Men, création signée Matthew Weiner (ancien scénariste / producteur sur Les Soprano) qui, dès sa première saison, décroche coup sur coup Emmy Awards et Golden Globes de la Meilleure Série Dramatique. Début 2008, la suite des réjouissances ne se fait pas attendre et AMC dégoupille sa deuxième grenade : Breaking Bad, née de l'imaginaire d'un certain Vince Gilligan.

 


Ancien de la Chris Carter team à qui l'on doit quelques uns des épisodes les plus mythiques de la série X-Files, devenu entre temps scénariste très en vue grâce au succès planétaire de Hancock (625 millions de dollars de recettes mondiales), Vince Gilligan faisait déjà preuve d'un esprit bien retors sur ses précédents scripts. Enfin libéré du cadre castrateur de la censure américaine (X-Files était diffusé sur FOX, un network grand public, tandis que Hancock a écopé d'un gentil « Déconseillé aux moins de 13 ans non accompagnés d'un adulte » pour sa sortie en salles), le petit Vince se lâche et accouche d'une série protéiforme à nulle autre pareille. Débutant tel un drame (se découvrant un cancer en phase terminale, un prof de lycée, Walter White, va user de ses talents de chimiste pour mettre sa famille à l'abri du besoin en prévision de sa mort imminente), Breaking Bad va rapidement pénétrer, tant sur le fond que sur la forme, dans un maelstrom merveilleux, effrayant et enivrant, de noirceur, de thriller, de comédie et de quantité d'autres genres mélangés comme par magie au sein d'une seule et même fiction.

 

Capable de passer, d'une scène à l'autre, de la quiétude familiale d'un petit quartier populaire au QG inquiétant du baron local de la drogue, du coït passionné entre Walt et son épouse enceinte jusqu'au cou à la strangulation de sang froid d'une petite frappe dans un sous-sol miteux avant de finir en une bouillie de chair et de sang, Breaking Bad est un véritable OVNI télévisuel comme il en existe peu. Dans le rôle du prof à priori BCBG, tour à tour touchant et inquiétant, victime et calculateur, prêt à toutes les extrémités et à puiser dans des ressources dont lui-même ne soupçonnait pas l'existence, Bryan Cranston (le gentil papa de Malcolm) traverse chacune de ces séquences dans un tourbillon d'expressions toujours appropriées et n'a certainement pas volé ses deux Emmy Awards consécutifs obtenus pour son interprétation de Walter White. Une performance qui agit tel un miroir tendu en permanence en direction du téléspectateur qui n'a dès lors de cesse de se poser la question récurrente mise en exergue par la série : « Jusqu'où serais-je prêt(e) à aller pour protéger les miens ? »

 

Réservée toutefois à un public averti en raison de scènes « graphiques », de brusques revirements de genre et de certaines thématiques difficiles (ce qui explique sans doute sa programmation délicate dans l'Hexagone), Breaking Bad aura connu une naissance quelque peu chaotique puisque prise dans la tourmente de la grève des scénaristes d'Hollywood de l'hiver 2008. De fait, la première saison ne compte que 7 épisodes tandis que la deuxième comptabilise le quota usuel de 13 épisodes en vigueur sur les chaînes câblées américaines. Soit un total de 20 épisodes qui explosent quasiment tout ou presque parmi ce qui se fait actuellement sur le petit écran et ne manquera pas de rendre dépendant quiconque osera l'essayer. Et avec un chimiste de la trempe de Walt comme fournisseur, on en redemande sans hésiter. Vivement la saison 3 (et les suivantes)...

 

Breaking Bad : Tous les samedis soirs à 22h25 sur Arte, à partir du 9 octobre 2010.

 

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