Anatomie d'un scandale : critique d'un pétard mouillé sur Netflix

Alexandre Janowiak | 22 avril 2022 - MAJ : 23/04/2022 08:13
Alexandre Janowiak | 22 avril 2022 - MAJ : 23/04/2022 08:13

David E. Kelley n'arrête plus d'envahir le petit écran depuis quelques années. Entre Big Little LiesThe Undoing, Mr. Mercedes, Goliath, Big Sky, Big Shot ou encore Nine Perfect Strangersle scénariste, producteur et showrunner ne cesse de créer des séries, peu importe la plateforme. Et à vraie dire, le monsieur ferait peut-être mieux de faire une petite pause tant elles baissent peu à peu en qualité comme le prouve sa dernière née, Anatomie d'un scandalesérie Netflix co-développée avec Melissa James Gibson et menée par Sienna MillerMichelle Dockery et Rupert Friend.

gros petits mensonges

Anatomie d'un scandale avait évidemment tout de la recette parfaite pour David E. Kelley. Adaptée du roman éponyme de Sarah Vaughan, la mini-série de six épisodes raconte en effet le procès du Secrétaire d'État de l'Intérieur britannique chargé de l'immigration, James Whitehouse. Alors qu'il vit une vie de rêves avec son épouse Sophie et leurs deux bambins, les tabloïds révèlent qu'il a eu une liaison avec l'une de ses assistantes.

Et c'est le début d'une longue procédure judiciaire lorsque la jeune assistante, Olivia Lytton, va carrément le poursuivre en justice en l'accusant de viol. James Whitehouse va devoir répondre de ses (possibles) actes devant la Cour criminelle et affronter l'avocate déterminée d'Olivia, Kate Woodcroft (superbement incarnée par la trop rare Michelle Dockery). Autant dire qu'avec un pitch pareil, David E. Kelley ne pouvait qu'être dans son élément.

 

Anatomy of a Scandal : photo, Sienna Miller, Rupert FriendUne famille a priori parfaite...

 

Après avoir exploré, avec plus ou moins de réussites, la haute bourgeoisie californienne et new-yorkaise avec Big Little Lies puis The Undoing, il s'attaque donc cette fois carrément à l'élite politique britannique. Encore une fois, le récit va nous plonger dans les coulisses d'un couple semblant mener une vie parfaite pour mieux sonder les fausses apparences de leur idéal illusoire. Et encore une fois, il va évidemment le faire en grande partie à travers les yeux d'une héroïne, ici Sienna Miller, pour mieux mettre en avant la masculinité toxique entourant une forme de pouvoir (encore).

Bref, c'est du tout fait pour David E. Kelley et lorsqu'on découvre les six épisodes d’Anatomie d'un scandale, on ne peut pas dire que le monsieur a totalement perdu la main. Indiscutablement, avec son format très resserré, la série Netflix parvient à captiver. Son rythme est d'une efficacité redoutable et ses petits cliffhangers de fin d'épisodes donnent envie de s'accrocher, voire de lancer immédiatement l'épisode suivant. Problème : c'est à peu près tout ce qu'on retiendra de son nouveau cru, puisque passé son merveilleux tempo, Anatomie d'un scandale ne s'élève jamais.

 

Anatomie d'un scandale : Photo Sienna Miller, Rupert Friend... où le doute va s'immiscer

 

AuTOPSIE D'UN VIOL

Il y avait pourtant des pistes scénaristiques (et sociales) passionnantes dans la série Netflix. D'abord, le thriller judiciaire autour du scandale sexuel et de l'accusation de viol, offrant de multiples questions énormément traitées sur les écrans post-#MeToo sur le consentement, la culpabilité, la perception et la quête difficile (voire impossible) d'une vérité ou justice pour ce genre d'affaires. Puis, le thriller politique et la descente aux enfers d'un homme de pouvoir, dont le récit se fera un plaisir de le confronter à ses privilèges et finalement à ceux de toute une élite de quasi-intouchables (oui, le Premier ministre n'est pas tout net dans cette fiction).

Malheureusement, aucun des deux n'a le droit à un traitement digne de ce nom. Au contraire, la série est d'une superficialité désespérante, ne s'attardant jamais réellement sur ses thématiques puisqu'elle préfère se concentrer sur l'efficacité de sa narration. Et c'est dommage, car avec ses sujets, Anatomie d'un scandale aurait pu être une grande réflexion sur le consentement sauf que la victime, Olivia Lytton, disparait très vite du récit (sans qu'on ne comprenne vraiment comment ni pourquoi).

La série aurait aussi pu faire le portrait mordant des élites se croyant tout permis sauf qu'elle survole trop le sujet, relégué à quelques coups de fil entre deux couloirs. Enfin, elle aurait pu critiquer violemment les fraternités de grandes universités/écoles (dont les membres masculins et leurs agissements inappropriés sont trop souvent excusés sans raison valable autre que leur argent et futur pouvoir), sauf que cela ressemble plus à un exposé qu'une véritable dénonciation.

 

Anatomie d'un scandale : Photo Sienna MillerUne mise en scène pleine de fausses bonnes idées

 

Bref, non seulement Anatomie d'un scandale aurait pu être un divertissement hyper-rythmé, jouant admirablement avec les codes sériels, tout en menant à bien sa grande analyse des affres d'une sphère politique faisandée et d'une société malade, où les apparences comptent souvent plus que la vérité. Mais finalement, la grande série n'est qu'une petite distraction pleine de suspense, reposant uniquement sur son histoire et restant à la surface des riches propos qu'elle dissimule. 

Ainsi, si la série est régulièrement tendue, elle s'appuie sur des lignes de dialogues très fades (même lors des plaidoiries ou témoignages au tribunal) n'explorant jamais le regard de ses personnages (puisqu'elle jongle des uns aux autres sans fil conducteur). Pire, avec sa sur-utilisation agaçante des flashbacks, baignant eux-mêmes au coeur d'une surabondance de plans flous idiots (quelle horrible idée de mise en scène signée S.J. Clarkson), et de plans débullés (ou ralentis) trop nombreux pour avoir un quelconque écho sur la psyché des personnages, Anatomie d'un scandale finit par plonger tête la première dans le soap (avec un twist saugrenu dans l'épisode 4). Décevant.

Anatomie d'un scandale est disponible en intégralité sur Netflix en France depuis le 15 avril 2022

 

Anatomie d'un scandale : Affiche US

Résumé

Au lieu de pousser grand les portes de ses sujets passionnants, Anatomie d'un scandale ne fait que les effleurer et finit surtout par céder aux sirènes du soap.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.1)

Votre note ?

commentaires
bof
24/04/2022 à 11:19

Je partage l'avis du rédacteur: une série rondement menée et excellemment interprétée (outre les trois actrices impeccables dans leur rôle, on retrouve avec grand plaisir Rupert Friend de Homeland), mais qui laisse sur sa faim par sa superficialité. En effet, le twist de l'épisode 4 est un peu ridicule et dessert le propos. Dommage, le potentiel était là. Mais ça se laisse quand même bien regarder.

Alfred
23/04/2022 à 16:51

Série extraordinaire, à ne pas manquer.

Basic Politic instincts
23/04/2022 à 09:36

Il y a Fatale de Louis Malle sur un sujet très proche
Probablement nettement plus trash vu la critique de la série

Indeed
23/04/2022 à 08:22

Absolument !
Il n’y a que chez nous que les écoles de commerce et d’ingénieurs sont séparées des universités ce qui n’est pas sans poser de problème dans les classements mondiaux et pour l’attractivité !

Alexandre Janowiak - Rédaction
23/04/2022 à 08:16

@Rectification

Je ne voulais pas uniquement parler du Royaume-Uni ici, mais j'englobais la plupart des pays comme les Etats-Unis, France...

Mais j'ai précisé en effet, car ce sont des universités la plupart du temps hors de France.

Merci

Rectification
23/04/2022 à 07:31

Il n’y a qu’en France qu’il y a des grandes écoles

votre commentaire