Test Trek to Yomi : plus fort que Sekiro et Ghost of Tsushima ?

JL Techer | 5 mai 2022 - MAJ : 05/05/2022 19:46
JL Techer | 5 mai 2022 - MAJ : 05/05/2022 19:46

Devolver Digital a toujours produit des jeux à part, hors cadre, avec des propositions parfois extrêmes, comme Hotline Miami ou Carrion.... Trek to Yomi ne déroge pas à la règle et s'inscrit dans cette droite ligne éditoriale : ni beat'em up, ni jeu d'action, le titre est un simulateur de samurai qui dégueule d'amour pour Akira Kurosawa et Hideo Gosha. Un amour si extrême qu'il en est presque toxique...

Plus Kurosawa que Kurosawa

Dès son écran titre et l'apparition de son menu, aucun doute n'est permis : Trek to Yomi s'annonce comme un vibrant hommage à l'âge d'or du film de samurai. Affichant un noir et blanc intégral, et un filtre légèrement granuleux, comme si l'on allait se délecter d'une VHS trop de fois regardée, le jeu de samurai produit par Devolver Digital s'impose comme une machine à voyager dans le temps, avec un atterrissage prévu dans les années 50 et 60, aux côtés des maestros Akira Kurosawa, Kenji Misumi et Hideo Gosha.

Le voyage n'est pas que visuel. Les premières lignes de dialogues cueillent immédiatement par leur sincérité et la qualité du doublage. Devolver a sorti le grand jeu sur ce volet : de très grands noms des seiyû (les doubleurs d'anime) ont signé pour livrer des prestations de haut vol : Masayuki Katou (Danzo de Naruto Shippuden) incarne Hiroki, le protagoniste principal, Sarah Emi Bridcutt (Myne de The Rising of the Shield Hero) est Aiko, la charismatique épouse d'Hiroki, Hiroshi Shirokuma (Riz de Beastars) donne de la voix pour Sanjuro, le mentor du héros...

 

Trek to Yomi : photoToshiro Mifune dans le rôle d'Hiroki et c'était le fantasme ultime

 

De quoi conférer à Trek to Yomi une ambiance unique, hors du temps, à la fois poétique et mélancolique. Le soft subjugue les rétines, tant dans par ces étranges filtres granuleux, désactivables à tout moment, que par la finesse et la splendeur de ses décors. Ceux-ci sont criants de vérité et débordent de vie. Qu'il s'agisse de traverser un village dévoré par les flammes, de confronter des bandits sur un pont qui s'écroule ou de traverser un temple maudit, chaque décor est un enchantement et a bénéficié d'un degré de polissage impressionnant. 

Ce soin transpire jusque dans le choix du placement des caméras. Chaque angle de caméra a été savamment choisi : entre grand angle permettant d'avoir une vue sur l'immensité du territoire, cadre fixe parfait pour donner une belle lisibilité de l'action et travellings rares mais de toute beauté. Fort d'une direction artistique hors norme, le titre réalisé par Leonard Menchiari (déjà auteur de l'expérimental The Eternal Castle, et du brulot anti-fasciste Riot) montre un emballage graphique et artistique complètement fou

 

Trek to Yomi : photoDeux samurais sur un toit brulant

 

Chanbara porn

Mais si en tant que spectateur Trek to Yomi est un orgasme visuel, manette en main la soupe n'est plus la même. Passé l'émerveillement des premiers moments, impossible de ne pas déchanter en découvrant que les qualités ludiques du titre sont en deçà de ses qualités visuelles. Le titre se veut un authentique chanbara vidéoludique, et à ce titre se devait de mettre le combat au sabre au coeur de son gameplay.

Basé sur un système d'affrontement à mi-chemin entre les joutes au katana d'un Sekiro et le Free Flow System de la saga Batman : ArkhamTTY se situe quelque part à la croisée des chemins du beat'em up et du versus fighting. La progression se fait à grand renfort de duels sur un plan 2D aux allures de jeux de rythme, le gameplay s'enrichissant de nouveaux combos au fil de l'aventure. Les ennemis se succèdent bien sagement, et les résolutions se font sur le même schéma : parade au bon moment lors de l'assaut de l'adversaire, contre-attaque, et l'affaire est pliée. 

 

Trek to Yomi : photoOverdose de Kurosawa

 

Certes, on louera le "réalisme" des affrontements, puisque les antagonistes tombent après un rapide passage au fil de la lame du héros, comme l'exigent les codes du chanbara. On rapprochera même cela du feeling procuré par le légendaire Bushido Blade. Seuls les boss offrent quelques résistances aux assauts du joueur. L'ajout de shuriken, d'un grand arc et d'une ozutsu (mousquet japonais du XIXe siècle) aurait pu apporter un peu de variété, mais leur usage reste trop anecdotique pour être convaincant. 

Là où le titre déçoit véritablement, c'est dans l'aspect pataud de son héros, et dans la technique pure du soft. Les animations manquent clairement de soin, les personnages souffrent d'une raideur quasi permanente. Un fait d'autant plus déconcertant étant donné les égards apportés aux décors, au design et à la modélisation des personnages. Un fait qui pourrait être imputé à un manque de temps de développement, ou à une équipe trop réduite au vu de l'ambition du titre. Pourtant, malgré cet écueil, la mayonnaise, ou plutôt la wasabi, prend. 

 

Trek to Yomi : photoInsérer musique au shamisen 

 

Assurance Dommage Hommage

Si l'habillage graphique de Trek to Yomi  est sa colonne vertébrale, son coeur palpitant est son scénario, simple en apparence mais diablement efficace. Le jeune Hiroki voit son maître, Sanjuro, tué lors d'une rixe menée sur son village par le Seigneur de Guerre Kagerou. Une fois adulte, Hiroki voit la possibilité d'accomplir sa vengeance s'offrir à lui. Une occasion qu'il saisit sans hésiter, mais qui l'emmène sur le chemin de la colère, jusqu'aux portes du Yomi, les enfers de la tradition shintoïste. 

Sur la variation d'une histoire de vengeance très traditionnelle, le titre de Devolver parvient à happer les joueurs, et à captiver tout au long de ses cinq à six intenses heures de jeu. Loin de se contenter d'un récit de vendetta, le périple se transforme en un conte onirique pétri de folklore shinto, où les créatures surnaturelles sont autant de métaphores de la dangereuse voie de la haine qu'emprunte le héros. 

 

Trek to Yomi : photoEncore un qui ne prend pas soin de ses cheveux

 

Grâce à cette bascule dans le fantastique, le soft retrouve alors un second souffle, et pose une ambiance proche de la saga Onimusha. À l'opposé d'un Ghost of Tsushima qui se voulait proche de la réalité, où le folklore n'était qu'accessoire, Trek to Yomi va marcher sur les terres d'un Sekiro ou d'un Ninja Gaiden, assumant un lore fabuleux, sur lequel va se bâtir une mise en scène fascinante. Ainsi, de manière presque naturelle, les duels contre des ronins cèdent leur place à des combats face à des samurais aux corps enflammés, des onis apparaissent et Hiroki combat des démons.

La quête de vengeance se mute en une exploration des territoires infernaux, où la raison a disparu. C'est dans ce cadre que Trek To Yomi s'exprime le mieux, en s'éloignant de sa volonté de réalisme. Paradoxalement, il faut que le titre de Devolver s'éloigne de son envie première d'être l'ultime hommage au cinéma de Kurosawa pour parvenir à faire oublier ses quelques défauts. Il devient alors une magnifique fable, une expérience hors du temps à laquelle on pardonne une technique perfectible. 

Trek to Yomi est disponible sur PlayStation 4 et 5, Xbox One et Series, et PC dès le 5 mai 2022. Le titre sera disponible Day One sur le Game Pass. Ce test a été réalisé a partir d'une version Xbox Series fournie par l'éditeur.

 

 

Trek to Yomi : photo

Résumé

Claque visuelle et artistique, Trek to Yomi n'est pourtant pas un jeu tout public. Il s'adresse avant tout aux passionnés de chanbara et du cinéma de Kurosawa, et à ceux qui ont faim d'un nouveau Sekiro et de Ghost of Tsushima. Pour ceux-là, le titre sera une épiphanie vidéoludique, une expérience jouissive et mémorable. Les autres n'y verront qu'une expérience de jeu techniquement perfectible.

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commentaires
Ray1
07/05/2022 à 15:12

On a des années lumières d'un Sekiro ou d'un GoT, le scénario déjà vu un milliard de fois (Hello Sifu) et un game play éclaté au sol. Visuellement il est sympa mais c'est bien un des rares points forts du jeu.
Une petite aventure a faire si y'a rien mais vraiment rien d'autre à se mettre sous la dent

Porter
05/05/2022 à 19:14

Après got je prend avec plaisir ce jeu.

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