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Comment le DLC d’Elden Ring révèle l’histoire la plus tragique (et importante) du jeu

Par Léo Martin
6 juillet 2024
Comment le DLC d'Elden Ring révèle l'histoire la plus tragique (et importante) du jeu

Shadow of the Erdtree raconte l’histoire secrète de la reine Marika, personnage central et énigmatique d’Elden Ring. Et ça explique tout.

L’un des aspects les plus controversés d’Elden Ring, c’est sa narration. Bien que le jeu soit riche en récits et en personnages, il (comme les autres titres de From Software) ne facilite pas la compréhension de son scénario à ses joueurs. D’ailleurs, beaucoup ont joué et terminé Elden Ring en passant complètement à côté de son histoire. La mythologie du jeu (co-écrite par George RR Martin et Hidetaka Miyazaki) n’est jamais explicite et fonctionne même comme un puzzle, qu’il appartient au curieux de reconstituer… ou non.

Chaque objet, chaque bâtisse, chaque arbre… raconte une histoire

Pour certains, cette particularité est un défaut : on ne devrait pas à avoir à regarder des vidéos de 13 heures (sans exagération) pour assimiler tout un scénario, aussi cryptique soit-il. Pour d’autres, c’est du génie. Rarement un jeu aura créé une épopée d’une telle envergure sans recourir à des cinématiques ou de longs dialogues explicatifs. Dans Elden Ring, tout est affaire d’évocations et de légendes. Même si certaines demeurent incomplètes pour laisser de la place à l’imaginaire. L’un de ses mythes les plus importants du jeu, celui de la reine Marika, est d’ailleurs resté longtemps une énigme.

Mais avec le DLC, Shadow of the Erdtree, on a enfin le fin mot de l’histoire. Si vous êtes passé à côté de cette poétique tragédie, on vous résume tout. ATTENTION GROS SPOILERS !

La reine Marika l’éternelle, déesse de l’Ordre d’or

Qui est Marika ?

En démarrant Elden Ring, que sait-on de Marika ? Pas tant de choses. Et pourtant elle est bien la figure centrale du jeu. Ses statues et ses églises sont partout. Les demi-dieux qu’on passe notre temps à massacrer sont tous ses enfants. Enfin, elle est la plus haute autorité de l’Ordre d’or (le système théologique qui régit l’Entre-Terre) et la déesse-reine de ce monde. En bref, Marika semble être l’Alpha et l’Oméga dans Elden Ring. Et ça aurait pu s’arrêter là.

Elle aurait pu se contenter d’être une déesse fondatrice à la nature mystique, génitrice d’une progéniture que le joueur doit abattre pour leur dérober le trône ultime. C’est bien plus intéressant que ça. Ce qui intrigue le plus dans l’histoire d’Elden Ring, c’est le caractère très humain des dieux. Leur fragilité et leur hubris. On rappelle que George RR Martin n’est pas très loin… et donc Les Rois Maudits de Maurice Druon non plus. Marika n’échappe pas à la règle. En creusant la mythologie d’Elden Ring, on apprend à discerner la reine derrière la déesse, avec ses contradictions. Dans Shadow of the Erdtree, on aperçoit enfin la femme derrière la reine, et le secret qu’elle cachait.

Messmer, le fils caché de Marika, apparaît pour la première fois dans le DLC

Des questions en pagaille

Après avoir terminé Elden Ring et en commençant Shadow of the Erdtree, on est toujours bien perdu sur le compte de Marika… même si on en sait un peu plus. En étant attentif, on aura donc appris que la reine était à l’origine une Numen (la race qu’incarne le joueur). Une fois devenue une déesse (on ne sait comment), elle aura œuvré à créer un monde sans mort (l’Ordre d’or) dans le but de rendre sa famille immortelle. Un objectif a priori noble, qui ne l’a pas empêché malgré tout de vouer une haine incompréhensible envers certains de ces enfants – Mogh et Morgott – tout ça car ils sont nés avec des stigmates et cornes. Pas très sympa.

Plus bizarre encore, on apprendra à la fin du jeu de base que Marika partageait son corps avec l’un de ses rois-consorts, Radagon (l’avant-dernier boss). Une fois dans le DLC, de nouveaux mystères viennent s’ajouter. Marika serait originaire du Royaume d’ombres (le monde miroir de l’Entre-terre). S’y trouve aussi son fils caché, Messmer, à qui elle aurait commandé l’éradication de toute une civilisation, rien que ça. Celle des kérastiens. Quand on arrive sur place, le Royaume d’Ombres est effectivement en cendres et les quelques survivants nous décriront Marika comme une femme cruelle. À partir de là, on va enfin commencer à avoir des réponses… et à comprendre l’ampleur du personnage.

Les kérastiens avaient des stigmates comme les réprouvés (Morgott et Mogh)

Le passé de Marika

Si Shadow of the Erdtree va donc éclaircir le passé pour nous faire comprendre l’ensemble de ses agissements et sa destinée. En effet, tout commencera à devenir plus clair à la découverte d’une certaine zone du DLC. Si le Royaume d’Ombres est plongé dans le chaos et la destruction (ça nous change pas trop du reste du monde), une petite ruine est sereine, préservée du mal : le village des chamans. Celui-ci est bien caché et ressemble à un havre de paix, sans âme qui vive et recouvert d’or. L’endroit est magnifique et la musique (l’intro du thème principal d’Elden Ring) est reposante. On y trouvera un petit arbre-monde et une tresse de cheveux dorés. Celle de Marika.

Le village des chamans est en effet le berceau de la reine de l’Ordre d’or. Elle y a grandi et l’aura ainsi préservé de la croisade incendiaire de Messmer. Pourtant, il n’y reste personne. C’est en découvrant un autre lieu, le village de Bonny, et en y enquêtant, que le joueur apprendra ce qui est arrivé aux chamans et comment Marika s’est probablement retrouvé à partager le corps de Radagon. Enfin, la colère de la déesse-reine envers les kérastiens sera expliquée.

Le village des chamans

La chaman brisée

Sans entrer dans les détails, les kérastiens emprisonnaient apparemment les chamans dans des jarres (que l’on verra sous forme de monstres et d’agglomérats de chair, durant le jeu) après les avoir démembrés. Le but de la manœuvre n’est pas très clair. Mais en gros, on suppose que les kérastiens cherchaient à les faire fusionner pour les faire évoluer en être supérieurs, proches de la divinité qu’ils vénéraient. Dans le cas de Marika et Radagon, ça semble avoir plutôt bien fonctionné. On ne peut pas en dire autant pour les autres. Marika, seule survivante de son peuple, aurait alors décidé de se venger avant de créer un monde dans lequel plus aucun de ses êtres chers ne connaîtrait la mort.

Pour accomplir son plan, Marika aurait ensuite fait appel aux fameux Deux Doigts (une entité alien qui guide aussi le joueur dans Elden Ring) et dont on trouvera d’ailleurs le culte dans le DLC. La mystérieuse chose venue des étoiles la poussera à utiliser le Portail Divin des kérastiens (que l’on voit dans la zone du dernier boss, au sommet d’Enir-Ilim) afin de devenir une déesse. Entre temps, elle n’a pas oublié sa rancœur envers les kérastiens et sa première mesure sera de demander à son premier fils, Messmer, d’en finir avec ceux-là.

Marika utilise le portail divin pour devenir une déesse

Le châtiment de la reine

Comme toute bonne tragédie, les actes de Marika ne seront bien sûr pas sans conséquence. Et grâce au DLC, on peut enfin comprendre toute l’ampleur et l’ironie de ce qui s’est passé pour la déesse. Après la création de l’Ordre d’or, presque chacun des précieux enfants de Marika semble être devenu comme l’incarnation de ses pêchés. Si l’on ignorait dans le jeu de base quel avait été le crime de la reine qui avait maudit sa lignée, désormais on le connaît. Et quand bien même Marika s’est vengé, c’est bien sur des cendres et des cadavres qu’elle aura tenté de bâtir son monde parfait. Ça n’a donc pas marché.

Comme dit avant, Morgott et Mogh naîtrons ainsi à l’image des kérastiens, ses ennemis mortels. Elle les jettera dans les égouts pour les cacher de sa vue. Malénia sera maudite par la putréfaction écarlate, un fléau créé par la déesse Romina (boss du DLC) suite à l’incendie de l’arbre-monde des Kérastiens par Messmer. Radhan lui aussi sera affligé par cette même putréfaction. Rykard, quant à lui, décidera de renier sa nature et de fusionner avec un serpent. Une possible punition pour Marika d’avoir abandonné son fils Messmer (car possédé par un serpent).

L’assassinat de Godwyn qui mettra fin à tous les espoirs de Marika

Enfin, le fils préféré de la reine, Godwyn, sera assassiné. Malgré tout ce qu’elle aura fait pour empêcher la disparition de ses êtres aimés, quelqu’un trouvera tout de même le moyen de ramener la mort dans son royaume. Pour ne rien gâcher, c’est aussi un enfant de Marika (du moins de Radagon), Ranni, qui se révélera être l’autrice de cette infamie.

En somme, la famille immortelle de Marika, qu’elle avait tant rêvée, est un désastre. Et ça ne va faire qu’empirer. Désespérée, Marika ne fera plus confiance aux Deux Doigts et brisera le Cercle d’Elden. Chose qui est l’élément déclencheur de tous les évènements d’Elden Ring et que nous connaissons. Le joueur arrivera alors pour essayer de remettre de l’ordre dans tout ça. Marika, elle, renonce à la vie et à sa famille maudite… Il ne restera que sa légende pour être entendu.

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Renaud

Super résumé, pour la première fois je pense comprendre quelque chose à cette histoire. Il me reste juste la dernière zone du DLC, qui est exceptionnel évidemment.

Coucouhibou

Très très beau résumé. Et effectivement, les commentaires sur la supposée inutilité de la participation de G.R.R Martin à la mythologie d’Elden Ring sont complètement à côté de la plaque. Je tiens Hidetaka Miyasaki pour l’un des meilleurs auteurs de fantasy de ces 20 dernières années, mais je ne crois pas qu’il aurait réussi à construire aussi bien cette saga familiale interconnectée, exercice auquel Martin est davantage rompu.