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Un exorcisme en direct à la TV : Late Night with the Devil, le petit film d’horreur (trop ?) malin

Par Mathieu Jaborska
15 septembre 2024
Late night with the devil : le film d’horreur qui fait sauter la TV (à une polémique sur l’IA près) © Canva Shudder

Présenté au PIFFF 2023 (où nous l’avons découvert) et à l’Étrange festival, Late Night with the Devil est disponible en Blu-ray, DVD et VOD. Et il vaut le coup d’œil.

Peu à peu, David Dastmalchian est devenu l’un des seconds couteaux les plus remarqués de l’industrie hollywoodienne. L’interprète de Polka-Dot Man dans The Suicide Squad, souvent cantonné aux personnages… dérangés, devait encore prouver sa valeur en tête d’affiche. C’est chose faite avec le film d’horreur Late Night with the Devil réalisé par Colin et Cameron Cairnes, fort d’une longue tournée de festivals où il a beaucoup fait parler de lui.

C’est l’histoire d’un talk-show qui dérape très sérieusement, à mi-chemin entre le found-footage, le documenteur et la parodie télévisuelle. Et c’est effectivement assez réussi, bien que le film ait contribué au débat sur l’utilisation de l’intelligence artificielle au cinéma.

En attendant les nouilles dans le slip

Vu à la TV

Dastmalchian joue le présentateur d’un talk-show à l’américaine des années 1970, dont l’épisode spécial Halloween nous serait présenté ici agrémenté d’images off. Le bonhomme affiche un sourire de façade : autrefois couronné de succès, il a dû faire face à la mort de sa femme, emportée par le cancer, ainsi qu’à une baisse d’audience dangereuse.

Tout au long de la soirée, les invités se succèdent. Des charlatans à première vue. A moins que…

C’est le dispositif qui emporte directement l’adhésion. Les réalisateurs alternent faux documentaire et faux talk-show avec malice, usant de l’urgence du direct comme un ressort de malaise ou d’humour noir supplémentaire, quitte à carrément semer la confusion dans l’esprit du spectateur.

Les horreurs auxquelles il assiste (la scène d’exorcisme est assez exemplaire à ce niveau) sont-elles l’émanation de l’émission ou de ses participants ? Est-il lui aussi hypnotisé ? Un jeu sur le degré de réalité qui vire au mystère complet dans une dernière partie qui brouille les frontières entre les médias.

Les aléas du direct

Parfois, le concept dépasse un peu les envies narratives du duo et l’intrigue a bien quelques défauts (le faux documentaire en coulisses est un peu artificiel, le sous-texte fantastique reste fort classique). Mais l’ensemble tient la route, allant jusqu’à détourner un peu le twist attendu pour exploiter son idée jusqu’au bout.

D’autant qu’il doit énormément à la performance des comédiens, chargés de maintenir le film sur le fil de la réalité enregistrée. Le tout avec en fond évidemment une critique plus ou moins subtile de la télévision américaine et des barrières morales qu’elle a franchies dans les années 1970, préfigurant le cancer de la télé-réalité.

Faux sceptique

IA pas de mal

En outre, Late Night with the Devil a fait office de test de Turing pour l’auteur de ces lignes. Et il a échoué.

Lorsqu’il l’a découvert au PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival), il n’a pas remarqué que le film faisait parfois usage de l’intelligence artificielle générative. C’est un utilisateur Letterboxd qui a exprimé en premier son mécontentement, entraînant un débat dans les sphères d’amateurs d’horreur.

A l’issue d’une grève à Hollywood en 2023 qui a remis sur la table le sujet de l’utilisation potentiellement prédatrice de tels outils par les studios, était-il nécessaire d’insérer ces quelques plans dans un long-métrage qui allait faire la tournée des festivals ? Toutefois, le film n’ayant de toute évidence pas un budget de blockbuster, est-ce un mal nécessaire ? Enfin, la question de l’incidence humaine n’est-elle pas au cœur de ses enjeux ?

Le meilleur, tout simplement

Des questions complexes, dans un débat que Late Night with the Devil n’a fait qu’épaissir encore un peu plus. Colin et Cameron Cairnes se sont eux fendus d’un communiqué.

« En accord avec notre équipe graphique et de production design, laquelle a travaillé sans relâche pour donner à ce film l’esthétique 70’s que nous avons toujours imaginée, nous avons expérimenté avec de l’I.A pour trois images fixes que nous avons retouchées et qui apparaissent finalement en tant que brefs interstitiels. Nous avons beaucoup de chance d’avoir un casting, des techniciens et une équipe de production qui ont fait le maximum pour donner vie à ce film. »

Late Night with the Devil est sorti le 28 aout en VOD et le 11 septembre en Blu-ray et DVD.

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Flo1

« Late night a demon kill my life… »

Les frères australiens Cameron et Colin Cairnes s’amusent avec le dispositif du Found footage, par le biais d’un Late show fictif où la situation va a priori déraper vers l’horreur.
Même si moyennement respecté, ce dispositif (ces scènes en coulisses dont on ne voit pas les caméras, ces changements de formats).
Et ils s’attaquent à l’Amérique des années 70, ses insécurités, ses sectes satanistes émergeant régulièrement, bref une sale ambiance depuis la fin des années 60 – et étrangement aucune référence à « L’Exorciste ».
D’ailleurs en montrant plus des invocations démoniaques que de la répudiation… et avec un hôte d’émission montré à la fois comme ayant fréquenté des milieux occultes et obsédé par la course à l’audience face à l’indéboulonnable Johnny Carson… tout le film en est prévisible, et même les apparitions diaboliques suscitent des incohérences – Abraxas ? Le Tortilleur ? Madeleine ? Ou bien la jeune Lilly est juste un Nexus pour n’importe quelle entités ?

Mais bon, dans cette histoire il est plus question de démon cathodique plutôt que anticatholique, évidente critique du sensationnalisme télévisuel, voire même hommage malicieux aux films Mondo.
Et niveau terreur, sa grande qualité c’est qu’il prend tout son temps… on n’est pas sur un bateau ivre (même si ça aurait été plus énergique), le suspense est distillé pour tenir jusqu’à la fin et ne pas mettre fin à l’émission en enchaînant trop tôt les jeux de massacre (un seul se finira hors-champ). Faisant comme si tout avait vraiment existé, jusqu’à reproduire le look mais aussi les effets surnaturels tels qu’ils étaient représentés à l’époque – et avec une discrète couche d’IA, décriée mais complètement oubliée aujourd’hui.
L’appréhension y crée la peur, surtout sans savoir où se cache le démon parmi de nombreux suspects : Gus le comparse souffre douleur et bien trop affable (costumé en diable au début) ? Le producteur qui passe entre toutes les gouttes (trop facile) ? Ce spectateur muet en costume de squelette ? Le démystificateur bien trop roublard et instigateur d’un faux twist ? Ou bien est-ce la solution la plus simple..?

Une histoire de culpabilité, de damnation, de dette, grandement portée par David Dastmalchian, pour une rare fois en tête d’affiche principale (mais entouré de seconds rôles encore plus obscurs que lui)…
De toute façon, rien que sa tête est une attraction à elle seule. Et ce film, c’est un peu un petit cadeau pour services rendus au cinéma de genre.

Vincent Terranova

Hâte de le découvrir !

desastre

Merci pour cet article.
on a pu regarder le film hier soir, un très bon moment.
la direction artistique est top, le film est original.