L'Incroyable Hulk sur Netflix : pourquoi c'est la pire et la meilleure adaptation du héros Marvel

Lucas Jacqui | 2 mars 2023 - MAJ : 02/03/2023 11:18
Lucas Jacqui | 2 mars 2023 - MAJ : 02/03/2023 11:18

Avant d'être tout de numérique, Hulk a été Lou Ferrigno peint en vert dans L'Incroyable Hulk, dont le film pilote à la série arrive sur Netflix le 1er mars.

Dans des temps anciens (les années 70-80), il y a eu la première grosse vague de super-héros sur les écrans, grands comme petits. Wonder Woman, Spider-Man, Shazam !, Superman ou Captain America étaient les prémisses d'un phénomène culturel et sociétal. À cette période, la série L’Incroyable Hulk de 1977 est l’une de ses productions adaptées de comics. Et contrairement aux autres projets du genre, le programme de Kenneth Johnson (L'Homme qui valait trois milliards) va prendre très au sérieux son sujet.

Toujours culte pour beaucoup encore de nos jours, la série avec Bill Bixby en docteur Banner et Lou Ferrigno en Hulk peinturluré a démarré par un film pilote (en fait deux épisodes réunis) réalisé, scénarisé et produit par Kenneth Johnson. Après cette introduction, cinq saisons et cinq téléfilms vont suivre. Ainsi, avant qu'Eric Bana soit vert de rage, qu'Edward Norton se change en monstre de CGI et que Mark Ruffalo soit dans le MCU, L’Incroyable Hulk tapait fort en étant à la fois la pire et la meilleure adaptation du géant vert de Marvel.

 

 

Résumé express

Au cours d’un accident de voiture, la femme de David Banner meurt alors qu’il échoue à la sauver. Ce drame va tellement obséder le docteur qu'il va étudier des gens ordinaires ayant fait preuve d’une puissance herculéenne dans des situations extrêmes. À base d'interviews et de données scientifiques, Banner va essayer de comprendre pourquoi d'autres ont réussi à sauver ceux qu'ils aimaient, là où lui n'y est pas parvenu.

À force de recherches, Banner et sa collègue, la docteur Elaina Marks, comprennent que des pics de rayons gamma ont influencé la constitution des sujets au moment de leurs exploits. Enfin, le scientifique endeuillé a la réponse à la question qui le hante. Désormais, il veut lui aussi tutoyer ce pouvoir et va se bombarder de ces rayons. Pas très malin, Banner ne prend pas en compte le scotch cachant la quantité de gamma qu'il s'envoie (véridique). Résultat, pas grand-chose pour Banner, jusqu'à ce qu'il ait encore un accident de voiture. L'incident réveille en lui une colère qui le fait se transformer... en Hulk.

 

L'Incroyable Hulk : photo, Lou FerrignoHulk smash

 

Après une balade champêtre en chemise déchirée, Banner trouve de l'aide auprès de Marks. Ensemble, ils vont faire une batterie de tests pour comprendre ce qu'est ce gros truc vert en lequel se change le doc. Malheureusement, un journaliste trop curieux et des produits toxiques mal rangés vont déclencher l’explosion de l'institut où travaillent les deux chercheurs. La catastrophe cause la mort de la collègue, et amoureuse inavouée, de Banner. Plutôt que de dévoiler la vérité, le scientifique colérique se fait passer pour mort et prend la route, tandis que le Hulk est accusé de deux meurtres.

 

L'Incroyable Hulk : photo, Bill Bixby, Susan SullivanUn duo réellement touchant

 

Les fans sont verts

Étonnamment, cette adaptation de Hulk est confiée à Kenneth Johnson qui n'a jamais caché son désamour total des comics. Ce rejet du médium va pousser le créateur de la série à s'éloigner un maximum de l'œuvre d'origine, coupant tout lien qui pourrait rattacher son travail aux BD de Marvel. Cette distance commence par le changement de nom du héros, Bruce Banner devient David Banner. Il est dit que Johnson trouvait que le nom faisait “trop gay”. Plus tard, le réalisateur démentira en affirmant qu’il ne voulait pas de ce nom à cause de son allitération typique des personnages créés par Stan Lee. À son goût, ce détail sonnait trop comics.

Pour en rajouter une couche aux trahisons faites à la BD, Johnson va revoir les origines de la transformation de Banner. Ce dernier n'est plus un scientifique dans le nucléaire victime d'un essai de bombe, mais un chercheur dans le médical. Avec ça, la résistance du Hulk est considérablement réduite. Le titan au teint kiwi ne résiste plus à un tir de char, puisqu'un chasseur le fait saigner avec un fusil pour tuer le lapin. Sa puissance est aussi drastiquement diminuée, puisque le Goliath peine à soulever une voiture et un tronc d'arbre (par contre il n'a aucune pitié pour une tente de camping).

 

L'Incroyable Hulk : photo, Bill Bixby"J'espère devenir assez fort pour ouvrir ce pot de cornichons."

 

Kenneth Johnson va également retirer tous les personnages existants des comics, pour en créer de nouveaux, comme la docteur Elaina Marks (Susan Sullivan) et le journaliste avide de scoops Jack McGee (Jack Colvin). Néanmoins, Stan Lee n’a pas cédé à toutes les envies de Johnson, puisque celui-ci voulait carrément que le Hulk soit rouge, comme l'explique le réalisateur à IGN en 2006 :

« J'ai appelé Stan Lee et j'ai dit : "Mec, quelle est la logique pour qu'il soit vert ? Est-ce un Hulk envieux ? Est-il vert de jalousie ?" La couleur de la rage est rouge, ce sur quoi j'insistais parce que c'est une couleur humaine – vous savez, quand les personnes deviennent rouges de colère. Ça fait sens, mais le Hulk devient vert. [...] J'ai dit : "Stan, ce n'est pas vraiment organique !". Mais c'était une bataille que je ne pouvais pas gagner ; au moins j'ai fait changer le nom de Bruce Banner en David. Mais je ne pouvais pas faire le Hulk rouge parce qu'il était simplement déjà trop iconique dans les comics. »

Finalement, si le film pilote s'éloigne tant des histoires de Marvel, c'est parce que Johnson va surtout puiser son inspiration du côté de Les Misérables et de Dr Jekyll et M. Hyde, selon ses propres mots. Ainsi, la série qui découle de L'Incroyable Hulk prend la forme du programme Le Fugitif, plus que d'une aventure de science-fiction issue de comics.

 

L'Incroyable Hulk : photo, Susan Sullivan"Salut mon grand, le soleil va bientôt se coucher."

 

marvelous Mr. banner

Toutes ces libertés d’adaptation permettent cependant à la série de se recentrer sur une vision plus terre à terre du personnage. Avec un Banner en type endeuillé dont la culpabilité le pousse à se mettre en danger, L'Incroyable Hulk fait de son héros un être plein de fragilité et suscitant l'empathie. Et c'est justement dans ce traitement que l'on retrouve l’esprit des comics Marvel. En effet, la Maison des Idées a toujours cherché la part d’humanité chez ses êtres surpuissants, afin d'en ressortir des problèmes auxquels chacun peut s'identifier.

 

L'Incroyable Hulk : photo, Bill Bixby, Jack Colvin"Dégage d'ici, journalope !"

 

L’incroyable Hulk n'est pas exempt de nombreuses longueurs puisque ses péripéties se résument à regarder deux laborantins enchaîner des raisonnements absurdes devant des écrans affichant des branches d'ADN – une idée visuelle très comics soit dit en passant. Néanmoins, cette quête de réponse dans la science à un deuil inconsolable trouve sa finalité dans le seul élément fantastique du programme : le Hulk. Ce dernier, incarné par un Lou Ferrigno débutant dans le métier d'acteur, ne se contente pas de tordre de la tôle en bandant les muscles. Le bodybuilder parvient à incarner une tendresse infantile et brute qu'il interprète sans dialogue puisque le Hulk est muet, contrairement aux comics.

Alors que dans les BD, le monstre vert naît des traumatismes d'enfance de Banner, L'Incroyable Hulk fait du colosse de jade une réponse au chagrin du docteur. Par cette justification, le téléfilm fournit une raison logique et tragique à la naissance du Hulk, une chose complètement oubliée du MCU. Plus intéressant encore, le scientifique devient son propre ennemi et prive le long-métrage d'un antagoniste, un point suffisamment rare dans les productions super-héroïques pour être souligné.

 

L'Incroyable Hulk : photo‌L'ADN, donc

 

Une fois la série L'Incroyable Hulk arrêtée, trois films vont voir le jour, Le Retour de l'Incroyable Hulk, Le Procès de l'Incroyable Hulk et La Mort de l'Incroyable Hulk. Parmi ces suites, on retrouve d'autres personnages de l'écurie Marvel, comme Thor et Daredevil, qui devaient chacun apparaître dans leurs propres projets ensuite. Même le Spider-Man cheap de la série des années 70 a été prévu un temps dans l’un des longs-métrages Hulk. En fin de compte, trente ans avant le début du MCU avec Iron Man, Marvel tentait déjà de créer son univers étendu.

Désormais, Hulk ne connaît toujours pas de nouvelle adaptation depuis 2008 à cause de droits en partie détenus par Universal. Cela ne l'empêche pas d'apparaître dans d'autres projets, du moment qu'il reste au second plan. Pour se consoler, on a notre Incroyable Hulk à nous, She-Hulk : Avocate, dont la meilleure scène est sans aucun doute la reprise du générique de la série de Johnson. Décidément, la nostalgie l'emporte toujours.

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commentaires
pc
06/03/2023 à 13:25

Kitch mais madeleine de Proust.

souleater34
02/03/2023 à 18:22

Les deux pires adaptations de l'époque furent Spider-Man et Captain America!

Sébastien
02/03/2023 à 15:11

Et il y avait aussi Mark Harris, le Aquaman de l'époque interprété par Patrick Duffy

Bubble Ghost
02/03/2023 à 14:42

Et pourtant, comparait à la version seventies de Wonder Woman, c'est presque du Kubrick. Sinon, dans le même genre de kitch fantastique sous l'ère disco, il y a aussi L'homme Qui Valait Trois Milliards et son spin-off Super Jaimie, L'homme de L'atlantide et Dossier Brulant avec l'inoubliable Kolchak ^^