David Michôd : Australian decent criminal

Simon Riaux | 25 avril 2011
Simon Riaux | 25 avril 2011
Quand une première oeuvre laisse une empreinte aussi durable que celle d'Animal Kingdom dans l'esprit de celui qui la visionne, on est forcément curieux de rencontrer celui qui en est à l'origine. David Michôd n'est pas né une caméra dans la bouche. « Je ne suis pas un de ces mecs qui ont toujours su ce qu'ils feraient , qui filmaient des courts-métrages débiles en super 8 dès leur 6 ans, » dit-il avec modestie et malice. Avant de remporter, avec son premier film ,le prix le plus prestigieux du festival de Sundance, son auteur a été bien des choses.

 

Après des études de littérature et philosophie à Melbourne, David travaille pour le ministère de l'éducation australien, un emploi de bureau qui va vite lui monter à la tête. « J'étais dans une impasse, et tout ce que je voyais me menait à une impasse, il fallait que je trouve quelque chose d'autre à faire, qui me motive. » Ce sera le cinéma, David se délecte pendant 3 années d'école de cinéma avant de se faire une place au Inside Films Magazine (équivalent australien du Film Français), où il travaillera de 2003 à 2006. « Au bout d'un moment, j'ai compris que raconter des histoires ce n'était pas un rêve de gosse débile, c'était ce que je savais faire. Un point c'est tout. » Et le jeune australien ne s'y trompe pas, après trois courts-métrages (dont les remarqués Crossbow et Netherland Dwarf) et deux documentaires, il parvient à monter un premier long-métrage: Animal Kingdom, plongée étouffante et sans concession dans un Melbourne urbain, tentaculaire, où le crime se répand et contamine tous les espaces de la cellule familiale.

 

 

 

 

Quand on lui demande si l'histoire de l'Australie contient les germes de la situation qu'il décrit, David Michôd vous scrute, avant de répondre. « C'est indiscutable. L'Australie a été une colonie pénitentiaire, et Melbourne a été fondée sur un ancien camp de prisonniers. Les premiers flics étaient encore des bagnards. C'est pour ça que ça a toujours été une ville extrêmement corrompue. Quand j'étais gamin dans les années 80, on me disait de me méfier. Surtout des flics. » C'est pourquoi dans le film la police joue un rôle si ambivalent, entre éruption de violence et sincère compassion pour les tourments de Josh, le troublant personnage principal. « Même si c'est un policier, Guy Pearce ne pouvait pas être une figure paternelle. D'ailleurs sa moustache est un anachronisme, il nous indique qu'il est une sorte de faussaire, de manipulateur. » C'est avec une empathie sincère que David Michôd évoque ses personnages, un mélange subtil de souvenirs, d'invention et de mélancolie. Son regard doux s'arrête parfois entre deux phrases, comme pour entendre une voix, un murmure qui nous échappe.

 

 

 

« Ce n'est pas réaliste parce qu'il y a de la boue et du sang, c'est réaliste par ce que c'est le chaos... Dans les films de gangster classiques, il y a toujours un espèce d'âge d'or, ou de réussite qui précède la chute. Dans la réalité, il n'y a que la chute. Le chaos. » Le réalisateur annonce la couleur avec un sourire en coin, en forme d'avertissement. L'homme ne le dira qu'à demi mots, mais il n'est pas loin de penser que c'est une condition sine qua non de l'existence. La permanence du chaos, choisir de lutter contre, ou de l'épouser. « En fait, c'est la seule chose qui se passe dans le film, la seule question. Est-ce que Josh va cesser d'être passif et faire quelque chose? » Il acquiesce quand on lui soumet l'idée que le métrage est une répétition tragique de sa scène d'introduction. Pour David Michôd, le plus compliqué dans le cinéma, c'est de s'en tenir à quelques idées simples. La compassion envers ses personnages, l'idée de ne jamais dire au spectateur ce qu'il doit ressentir et « trouver le meilleur endroit pour poser la caméra. Il n'y en a toujours qu'un seul, si vous hésitez, c'est que vous n'êtes pas prêt. »

 

 

 

On peut lire en sus de sa gentillesse une immense fatigue chez David Michôd. Après huit ans d'écriture, deux années de production et de tournage, puis Sundance et une tournée internationale, l'homme est essoré. C'est que l'enthousiasme que génère le film n'est pas loin de le dépasser. « Je m'étais dit, si ça ne marche pas, je reviendrai 5 ans en arrière, et je devrai me mettre à écrire des soap foireux. Pas Question. Mais là ? C'est assez énorme, je ne sais pas si je suis encore un réalisateur australien. Je ne sais plus du tout. Il faut que je rentre chez moi. » Et surtout que tu reviennes vite avec un nouveau film, David !

 

 

 

 

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