Si le miracle se produit, ce n’est pas grâce au réalisateur Peter Segal, qui fait preuve ici d’une indigence spectaculaire. Sautes d’axe, plans décadrés n’importe comment, mise au point aléatoire… le film est un florilège d’erreurs techniques indignes de tout technicien qui se respecte, que ne parvient pas à masquer une photographie joliment âpre. Au moins le metteur en scène peut-il bénir l’abattage de Kevin Hart, insupportable acouphène humain dont l’irritante composition de proto-Eddy Murphy sous kétamine distrait souvent le spectateur des aberrations visuelles de Match Retour.
Malgré ces deux tares conséquentes, le métrage demeure singulièrement plaisant. On ne sera pas étonné par la composition ouvrière de Stallone, toujours aussi crédible en gueule cassée de la working class, dont la silhouette se découpant en contre-jour dans une aciérie suffit à nous tirer une larme. La véritable surprise est ici Robert De Niro, dont nous critiquions durement la récente déchéance et qui fait preuve d’un engagement remarquable. Si son implication physique demeure moindre que celle de son partenaire, qu’il ne s’aventure que très prudemment hors du terrain comique, nous retrouvons pour la première fois depuis longtemps chez le comédien une envie véritable. Comme dynamisé par l’envie de tenir tête à Sylvester Stallone, De Niro déploie une nouvelle fois le charisme prédateur qui fit sa marque et parvient lors d’un gros plan mémorable à insuffler au métrage une énergie dramatique véritable.
La légende n’est donc pas morte et s’avère encore capable de monter sur le ring. On n’y croyait plus et on est sacrément ravis d’avoir tort. Avouons que De Niro et Sly doivent beaucoup à un script qui plutôt que de rire de ses personnages, décide de rire avec eux. Car l’humour déployé n’est pas tant celui d’une génération cynique venue observer deux vieilles badernes sur le retour que celui des dinosaures en question, ravi de se brocarder, de jouer de leur statut d’ex-alpha-mâles, de mettre en scène leurs frustrations et de moquer leur propre appât du gain. Plutôt que de rejoindre les rangs des productions opportunistes à base d’ex-gloires décaties (qui a dit Schwarzenegger ?!), le film tourne en dérision leurs motivations et l’implications de leurs acteurs, grâce à une batterie de gags doux-amers bienvenus.