Critique : Superstar

Patrick Antona | 27 août 2012
Patrick Antona | 27 août 2012

Après la réussite de À l'origine il y a deux ans, Xavier Giannoli nous revient avec l’adaptation du roman "L'idole" de Serge Joncour, fable iconoclaste et satirique sur la dérive de la société de l’image et les effets pervers de la célébrité sur un quidam qui n’a rien demandé. Et quand le cinéma décide de faire sa fête à la télévision, cela peut donner des réussites telles que Network - Main basse sur la télévision ou encore The Truman Show  mais ici le réalisateur français reste malheureusement en deçà des espérances, naviguant entre satire convenue de la télé-spectacle et thriller sentimental qui finit par noyer le poisson.

Pourtant l'ensemble partait sur de bons rails, avec le quotidien de Martin Kazinski (Kad Merad) qui bascule soudain dans l'absurde lorsqu'il se trouve être l'attraction principale de la curiosité de public, ses moindres faits et gestes capturés via camera, smartphone et diffusés sur le net. On retrouve ici ce style si particulier de Xavier Giannoli de décrire avec justesse les tourments d'un homme seul face à la foule et à l'adversité. Mais en regard de François Cluzet qui habitait avec inquiétude et profondeur son caractère dans À l'origine, la normalité de Kad Merad nous parait trop plaquée et factice pour provoquer l'adhésion et faire corps avec lui pour lutter contre ses forces supérieures qui vont bouleverser son existence. Et lorsque le film bascule dans la fable sociale, en faisant de Martin Kazinski l'icône et porte-parole malgré lui des anonymes qui vivent leur vie par procuration, réalisateur et comédien ratent malheureusement le coche en gérant mal une scène de rupture cathartique, voulue comme cruciale mais qui parait bien maladroite.

Il ne reste plus qu'au réalisateur à gérer pour le meilleur sa rélexion critique sur le monde de la télévision et sa quête du sensationnalisme au détriment du sens commun, et pour le pire à tomber dans l'excès de beauferie quant à décrire la versatilité et la violence de la foule. Au niveau comédiens, Cécile de France et Louis-Do de Lencquesaing assurent à eux deux toute les contradictions et la corruption des médias avec un métier qui permet de faire passer une pillule que l'on aurait aimé bien plus corrosive, Kad Merad étant obligé au bout du compte d'en rajouter pour pouvoir exister dans un récit dans lequel il finissait par se diluer.

Trop déséquilibré pour rester passionnant, enfonçant des portes ouvertes là où il aurait fallu un peu plus de doigté et de nuance, Superstar ne changera en rien les certitudes que chacun peut avoir sur l'emprise du net et des médias télévisés sur le quotidien des gens. Mais sa facture visuelle de qualité et une mise en scène efficace  (Giannoli sait faire basculer avec aisance le simple quotidien dans un surnaturel dérangeant) donnent quelques os à ronger et laissent quelques espérances quant au talent du réalisateur, même si on aurait préféré que sa charge soit plus virulente et surtout qu'elle touche juste.

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