Critique : A.C.A.B (All Cops are bastards)

Sandy Gillet | 18 juillet 2012
Sandy Gillet | 18 juillet 2012

A.C.A.B, c'est d'abord un acronyme de l'anglais « All cops are bastards » qui est devenu dans les années 70 une sorte de cri de ralliements des ultras et autres hooligans de foot en Angleterre adressée à une gente policière toujours bien intentionnée, comme on le sait, à leur égard. L'Italie en ce domaine n'a jamais été en reste. Il suffit de regarder l'Équipe du dimanche depuis toujours pour se rendre compte que la violence dans et hors des stades n'a jamais été aussi prégnante que lors de ces dix dernières années avec en point d'orgue le passage à tabac mortel d'un supporter de football par des policiers en 2007. Des faits justement relatés dans un roman homonyme de Carlo Bonini, journaliste et écrivain transalpin qui a provoqué une grande polémique en dénonçant les dérives de la police italienne et sur lequel Stefano Sollima s'est appuyé pour réaliser son premier long de cinéma.

A.C.A.B, c'est ici la description du quotidien d'une unité de CRS italiens. Entre amitiés viriles aux relents fascistes face à une société non moins intolérante, le film de Sollima nous balance en pleine poire l'utopie d'une démocratie occidentale foulée aux pieds d'une nécropole vérolée de l'intérieur et de l'extérieur. Il n'y a en effet rien à sauver ou presque, Sollima renvoyant dos à dos les protagonistes de son histoire en en faisant à la fois des victimes et des bourreaux donnant à chacun d'eux un pedigree d'une étonnante richesse psychologique. Entre le « rookie » de la bande qui essaye de gagner sa vie en croyant être du bon côté après avoir été la petite frappe de son quartier, le père de famille qui voit son fils devenir un néo-fasciste formé à casser de l'immigré dans les rues ou encore l'ultra-violent prêt à tout pour en découdre, le tableau qui nous est dépeint sent le putride. En face, Sollima filme des hordes de barbares cagoulés qui ne viennent au stade que pour casser du flic, caméra sur l'épaule à la façon du grand reporter de guerre qu'il a été. Le racisme virulent est présent des deux côtés. Mais l'un est étatique quand l'autre est l'expression féroce et aléatoire d'un territoire qu'il faut protéger coûte que coûte.  

Sollima s'approprie le tout sans idéologie aucune. C'est la force véritable de son film. De celle qui rappelle le néo-réalisme italien de l'après guerre. Le chaos moral que l'on ressent à l'écran fait par exemple écho aux décombres encore fumantes du Berlin de 1945 filmées par un Rosselini en état de grâce dans Allemagne année zéro. D'une étonnante et noire lucidité, A.C.A.B ne fait appel en fait à aucun et quelconque sursaut national ou européen. Tout semble perdu, sans retour possible. Son nihilisme laisse pantois alors que son film est un sursaut d'orgueil au sein d'une industrie cinématographique qui se cherche encore et toujours un nouvel âge d'or. À voir pour anticiper, tel un miroir non déformant, ce qui nous pend au nez avec certitude.

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