Critique : Le Mariage à trois

Par Thomas Messias
24 avril 2010
MAJ : 25 février 2020
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On n'arrivera jamais à saisir ce qui fait la beauté du cinéma de Jacques Doillon, et c'est sans doute là qu'est son inépuisable force : année après année, le cinéaste revient par la petite porte et livre une oeuvre inattendue, différente, modeste en apparence mais d'une vraie force artistique, se moquant bien des genres et des modes. Ce Mariage à trois n'échappe pas à la règle, marivaudage léger et fantaisiste qui n'a l'air de rien, ne fera peut-être pas date, mais séduit par la liberté absolue dont il fait vivre ses situations et ses personnages.

Ceux-ci sont au nombre de cinq, ni plus ni moins, réunis le temps d'une journée dans la maison d'un auteur de théâtre. Il y a là son ex-femme, qui n'est autre que l'interprète principale de sa prochaine pièce, mais aussi l'acteur, nouvel amant de cette dernière, le metteur en scène et une jeune femme faisant office de secrétaire, recluse au premier étage mais qui aura à coup sûr son rôle à jouer. Le tout est éminemment théâtral, avec son unité de lieu et de temps, son nombre limité de personnages et la façon dont Doillon dirige ses acteurs, les laissant s'abandonner dans une emphase ne s'encombrant pas de réalisme. Et pourtant, par l'élan que Doillon parvient à donner à sa mise en scène, la cinématographie règne en maître sur le film, qui aurait pu donner une pièce banale mais est ici transcendé par l'énergie du découpage filmique. L'argument semblait pourtant éculé, avec cette histoire d'amant dans le placard et de pièce inachevée ; mais Doillon et sa bande des cinq s'en acquittent avec fantaisie, comme si rien n'était grave, y compris menacer son rival avec un fusil.

Le mariage à trois est un film sur le jeu. On voit que ces acteurs s'amusent à jouer, et que les personnages qu'ils jouent ne cessent jamais de jouer eux aussi, de se tourner autour, se s'apprivoiser avant de se rejeter plus ou moins violemment, sans jamais songer à des conséquences qui de toute façon ne seront pas durables. Le plaisir pris par chacun est extrêmement communicatif, et l'on en vient à rêver que les babillages des protagonistes durent encore des heures tant le dialogue compte mille fois plus que cette intrigue à la conclusion prévisible et assez peu importante. Personnage le plus énigmatique du lot : le metteur en scène joué par l'excellent Louis-Do de Lencquesaing, qui semble toujours être de trop dans ce qui finit par ressembler à un carré amoureux. Sa présence semble n'avoir aucun effet, positif ou négatif, sur les actes et paroles de ses partenaires ; à croire qu'il s'agit pour Doillon de faire apparaître son double à l'écran, et de montrer avec modestie que son rôle n'est pas si important pour peu que les autres sachent qu'il est là. C'est la petite curiosité de ce vaudeville brillamment joué et dialogué, bien plus joli que son affiche concourant déjà pour être la plus laide de 2010.

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