Critique : Valvert

Thomas Messias | 11 mars 2010
Thomas Messias | 11 mars 2010

Étonnant que ce film de commande ait fini par arriver dans les mains de Valérie Mréjen, artiste contemporaine qui n'est certes pas novice dans le documentaire (Pork and milk) mais qu'on n'imaginait pas forcément venir tourner un film sur un hôpital psychiatrique. À la vue du résultat, ce choix semble finalement assez judicieux à défaut d'être réellement cohérent. D'une durée très raisonnable (52 minutes, soit le temps d'un grand reportage TV), Valvert est une plongée dans l'institut du même nom, un HP ouvert à Marseille dans les années 70 et destiné à laisser aux patients le maximum d'indépendance. Comme une sorte de ville miniature ou chacun serait encadré mais pas étouffé.Un quart de siècle plus tard, à la demande de quelques soignants de l'hôpital, Mréjen dresse un bilan assez saisissant qui montre ce qu'est devenu ce projet singulier.


L'état des lieux est en partie le même que dans toutes les autres institutions du corps médical : par manque de moyens et d'accompagnement, le projet a progressivement sombré, perdant de sa superbe et de son originalité. Les employés de Valvert dressent avec amertume ce constat : le système mis en place fonctionnait dans les grandes lignes mais n'a pu être totalement perpétué. Si bien qu'aujourd'hui, l'hôpital fonctionne toujours, a su conserver son identité propre, mais n'a plus la possibilité de soigner les malades de façon aussi efficace qu'auparavant.


Au-delà de ces conclusions touchantes mais premier degré, Mréjen réussit un film étrangement perturbant sur la parole et l'imprévu. Certains pensionnaires de l'hôpital s'expriment par borborygmes ou dans un charabia qui ne peut être compris que par une poignée d'initiés ; pourtant, ils n'ont pas peur de se confier, et la cinéaste fait de leur langage quelque chose de poétique, d'unique, qui les représente et fait d'eux des êtres à part mais pas en marge. Et puis il y a cette grande idée qui consiste à organiser les entretiens avec les membres du personnel dans certains des lieux-clés de l'hôpital, sans interdire la circulation des malades pendant ce temps. Si bien qu'à n'importe quel moment peut surgir un patient qui viendra demander une clope, dragouiller un peu, se faire remarquer sans raison. Dans ces moments-là, le film ne triche pas et donne l'impression de représenter aussi parfaitement que possible le quotidien de ce lieu étrange, peuplé d'êtres différents et de principes trop rares. Quand un film documentaire parvient en aussi peu de temps à établir des thèses fortes sans renier pour autant son statut d'oeuvre d'art, c'est qu'il s'agit forcément d'une grande réussite.

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