Critique : En eaux troubles
C'est le genre de film qui revient comme un marronnier, chaque année ou presque, avec toujours les mêmes tenants et les mêmes aboutissants. Comme Boy A l'an dernier, comme plein d'autres avant eux, En eaux troubles décrit la sortie de prison d'un jeune homme enfermé pour un infanticide qu'il nie avoir commis et se retrouvant rapidement aux centre de toutes les attentions. Ici, le hasard place même sur son chemin la mère de l'enfant disparu, qui le reconnaît et tente alors de comprendre ce qui s'est réellement passé. Le Norvégien Erik Poppe explore les mécanismes de la culpabilité de Jan Thomas, qui tente de se forger une nouvelle vie en jouant de l'orgue dans une église d'Oslo, mais est à jamais hanté par les sombres images du passé.
L'un des problèmes d'En eaux troubles,
c'est qu'il place le spectateur le cul entre deux chaises sans jamais
se soucier de cet inconfort : le drame humain est régulièrement - et de
plus en plus - altéré par l'invasion de l'intrigue policière, la
question de la culpabilité de Jan Thomas étant assénée sous forme de
nombreux et lourds flashbacks. S'il s'agit évidemment d'un problème
central, la façon dont Poppe met en avant ces éléments appartenant au
passé tend à annihiler tout le beau travail fourni dans le temps
présent. À savoir la rencontre inopinée entre le bourreau supposé, en
quête de rédemption, et une victime à jamais marquée par ce drame. Se
produit un déséquilibre de plus en plus prégnant, qui empêche
régulièrement l'émotion d'affleurer, coupée dans son élan par un énième
retour en arrière. C'est à se demander s'il ne s'agirait pas d'un choix
délibéré de la part du réalisateur afin de ne pas sombrer dans le
mélodrame pleurnichard. Pourquoi pas ; mais quel est alors le réel but
du film ?
Reste que la résolution est plus réussie que prévue et permet à En eaux troubles
de finir sur une bonne note. L'interprétation de l'acteur principal,
Pål Sverre Valheim Hagen (ouf), y est aussi pour beaucoup : tout en
retenue, il laisse cependant deviner une terrible fêlure dont on ne
saisit pas immédiatement la nature. La mise en scène bleutée d'Erik
Poppe fait le reste : au final, En eaux troubles
séduit davantage par sa froideur que par l'émotion qu'il aurait pu
créer si cela avait intéressé son réalisateur. Ce qui sauve - en partie
- le film du déjà-vu mais l'empêche inexorablement de se montrer
marquant.
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