Critique : Les Professionnels

Sandy Gillet | 6 novembre 2008
Sandy Gillet | 6 novembre 2008

Alors que les westerns dits « spaghetti » envahissaient les écrans mondiaux et que Sam Peckinpah assénait son premier coup de grâce au genre avec Coup de feu dans la Sierra, Les Professionnels de Richard Brooks perpétuait de son côté une certaine tradition fordienne mêlant habilement aventures épiques, épure romanesque et manichéismes du western. L'histoire en elle-même, confondante de simplicité, participe de ce postulat (quatre mercenaires sont engagés pour aller récupérer de l'autre côté de la frontière mexicaine une femme kidnappée à un riche propriétaire terrien texan) et permet au cinéaste de poser sa griffe via un traitement certes désabusé mais qui rend hommage in fine aux codes essentiels du genre.


C'est que la situation du début va très rapidement évoluer et s'enrichir. Si l'on a en effet affaire à des mercenaires, ceux-ci sont tout de même prêts à donner de leur vie à partir du moment où la cause est juste (deux d'entre eux ont par exemple servi la révolution mexicaine mené par Zapata non par intérêts financiers mais bien par convictions politiques). Dès lors, la mise en scène de Richard brooks n'aura de cesse de mettre à l'épreuve tout son petit monde et va faire de son film une véritable réflexion sur la puissance des faux-semblants et la force intacte de codes d'honneur voués malgré tout à disparaître avec le monde qui les avait érigé : on veut parler de l'Ouest de Ford peuplé d'hommes d'honneur qui forgent avec certitude leur destin et leur futur. Si toute l'humanité du cinéaste se concentre dans le personnage joué par Lee Marvin qui n'a de cesse de s'adapter face aux situations même les plus amorales tout en préservant sa conscience et ses principes, il n'en oublie pas pour autant les trois autres dont on retiendra surtout la formidable interprétation de Burt Lancaster en ex révolutionnaire nostalgique mais lucide. La touche finale étant sans conteste la présence littéralement sensuelle et animale d'une Claudia Cardinale aussi belle qu'une fleur de cactus en plein désert.

De fait, sous son vernis simpliste, le film devient rapidement une oeuvre riche et mûre à l'image de son quatuor d'acteurs vieillissants et sans plus d'illusion aucune sinon celle de vivre avec panache dans un monde rattrapé par le XXème siècle, sa modernité cruelle et la déchéance de certaines valeurs morales. L'image finale où nos quatre héros repartent à cheval vers le Mexique est à ce titre symbolique de ce qu'est déjà le genre (il a son avenir dans le dos) et fait magnifiquement le liant avec ce que montrera trois ans plus tard Peckinpah dans La Horde sauvage.

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