Critique : Beavis and Butt-Head

Julien Foussereau | 4 décembre 2007
Julien Foussereau | 4 décembre 2007

Soyons clairs, on doit la révolution américaine du dessin-animé satirique pour petit écran à Matt Groening. Les Simpson restera pour l'éternité la matrice. Sans elle, l'émergence en 1993 de Mike Judge et son show nihiliste Beavis & Butt-Head aurait été sensiblement compromise. Il faut bien admettre que s'installer dans le quotidien de ces deux crétins « hydrocéphalo-métalleux » n'est pas aussi aisé qu'à Springfield, terrain de jeu des Simpson. La première étape pour savourer ce show qui a fait les beaux jours de MTV pendant sept saisons consiste à encaisser le design volontairement inachevé de nos deux héros, leurs rires de hyène et surtout leur connerie que l'on qualifiera d' « apocalyptique ».

 

Car Beavis & Butt-Head peut tout à fait s'envisager comme une étude entomologique de la connerie, pour ne pas dire chimique. Une affirmation qui pourrait prêter à sourire s'il n'y avait le passif de scientifique de Mike Judge. Chaque épisode fonctionne selon le principe d'une expérience en laboratoire : un organisme ou une société dans une santé relativement correcte rencontre deux microbes génétiquement modifiés dont leur dangereuse naïveté n'a d'égal que leur détermination à ne pas s'intégrer. Les deux microbes pourrissent des situations banales du quotidien pour les rendre catastrophiques. Chauffer au bec bunsen pendant 7 minutes. Explosion garantie.

 

Par son approche laborantine, Judge invente le virus animé décimant toute forme de contre-attaque de la société : le laxisme de David Van Driessen, le prof de bio hippie, le tout-répressif de Bradley Buzzcut, le prof de gym martial ou encore la beaufitude redneck de Tom Anderson, le voisin ayant servi au Vietnam. Beavis & Butthead, ces deux abrutis obsédés par le sexe et la violence de la télé, ont un pied à la fois en dedans et en dehors du monde. C'est à la fois un atout et une faiblesse dans le sens où, d'un côté, leur insondable débilité révèle les travers de notre monde comme Terence Stamp dans Théorème mais, de l'autre, Judge a parfois manqué d'efficacité... au point de ne pas raconter grand-chose (il était beaucoup plus rigoureux avec l'excellente série King of the hill) Néanmoins, Beavis & Butt-Head a su dans ses meilleurs épisodes brosser un tableau comique et anxiogène à la fois de l'Amérique des nineties dont les deux héros concentrent toutes les tares.

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