Critique : L'Immeuble Yacoubian

Marjolaine Gout | 22 août 2006
Marjolaine Gout | 22 août 2006

Il y a bien longtemps, un cinéma régnait sur les fiefs de contrées lointaines. Rien ne résistait à ses assauts dans les salles étrangères. Om Kalthoum en était pharaonne, la quintessence du cinéma égyptien était alors à son apogée. Mais depuis, conquérants et pirates ont débarqué et cet art amputé peine à revenir pour assaillir le monde. L'immeuble Yacoubian est le dernier film mis au point pour assujettir les cinéphiles. Tiré d'un livre de Alaa El Aswany, l'ouvrage détroussa en 2002 la bourse des Egyptiens et se retrouva en tête des ventes. Le budget du film colossal, pour une réalisation du Moyen-Orient, ratissa les derniers deniers. Il faut dire que les habitants du Yacoubian (a.k.a les stars orientales) ont dû engloutir dans leur pénates une partie du butin.

Le film vise donc haut, très haut et c'est peut-être là son défaut. En tête d'affiche, voici la crème de la crème de ce cinéma : le célèbre Adel Imam, Yousra, Ahmed Bedeir et Somaya El Khashab. L'unique nouvelle recrue de ce bataillon est Mohammed Imam qui réussit à passer le cap du petit au grand écran. En plus de cette anthologie d'acteurs, le sujet du film et sa forme ébranlent les préceptes des productions égyptiennes. Traditionnellement centrées sur un seul personnage, on découvre ici autour d'un lieu commun les tranches de vie de différents protagonistes gouvernés par le désir : de pouvoir, de sexe, d'argent ou de vengeance. Certes, au départ, la description réaliste de ces vies nous fascine. On y distingue chaque personnage avec un regard neuf. Mais au fil des minutes, des longueurs gangrènent le film et les traces d'un style théâtral devenu obsolète n'aident point à tenir en éveil nos mirettes.

Mais n'ensevelissons pas ce film pour ses faiblesses, rendons hommage au monteur qui s'est escrimé à tenir notre intérêt captif. La pesanteur du film s'atténue avec un astucieux montage en parallèle accompagné d'une musique envoûtante par son lyrisme. Lyrisme qui conquiert tous les étages, toutes les classes sociales de l'Immeuble Yacoubian, touchant ainsi chaque locataire, les éclairant un bref instant. Extraits de leur quotidien misérable, ils se révèlent. Et puis, n'oublions pas de célébrer les rares moments de grâce hypnotisants qui martèlent le film d'une aura divine.

l'Immeuble Yacoubian est une belle tentative de redonner à l'Egypte l'ampleur de ses créations cinématographiques d'antan. Hélas, en s'évertuant à immortaliser un chef d'œuvre sur pellicule, le film perd de son authenticité et de sa simplicité.

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