NEPTUNE WILLIAMS
L’identité de Neptune Frost est multiple et protéiforme, en bon patchwork expérimental qu’il est. À l’origine de sa création, un couple cosmopolite composé du poète et rappeur américain Saul Williams et d’Anisia Uzeyman, dramaturge française née au Rwanda. Williams s’est fait connaître en 1998 dans Slam, de Marc Levin, un film qu’il avait également co-écrit. Neptune Frost est son premier film en tant que réalisateur. Anisia Uzeyman, quant à elle, a été vue dans des films comme Nid de Guêpes et Ayiti mon amour. Avant Neptune Frost, elle avait déjà réalisé Dreamstates.
Avec ce nouveau film, le duo réunit tous ses talents. Le chant et la danse viennent raconter l’histoire davantage que les dialogues, et font naître la poésie là où tout semble désespéré et désespérant. À l’image de Neptune, personnage non-binaire et véhicule d’énergie magique ou extraterrestre, l’esthétique du film déjoue nos repères classiques pour trouver d’autres voix et inventer une autre beauté.
Parfois dépouillé, parfois flamboyant, Neptune Frost convoque la science-fiction là où on n’a pas l’habitude de la voir : dans le terrain boueux des mines de coltan en Afrique où les esclaves se font descendre pour un peu qu’ils posent leur pelle deux minutes. Dès l’introduction, l’intention est claire : dénoncer l’horreur d’une exploitation qui n’émeut que trop rarement la communauté internationale.
Non-binarité et système binaire
Danse avec les stars trek
Pourtant, le film n’a rien d’un quasi-documentaire déprimant sur une situation qui donnerait de bonnes raisons de déprimer. Au contraire : tout est fait pour donner espoir. Un chant ou une danse répondent à chaque acte de violence, et les couleurs d’un électronique fantasmé viennent éclairer la nuit africaine. Les personnages se réapproprient ce fameux coltan qui fait leur malheur pour inventer une énergie nouvelle, une technologie magique.
À force d’expérimentation et de silences, Neptune Frost en arrive parfois, malgré tout, à ennuyer son spectateur. Mais d’un ennui qui n’empêche jamais d’être touché par la sensibilité de son ton et la beauté de ses images. Il est compliqué de comprendre exactement tout ce que le film veut raconter, mais ce n’est de toute évidence pas son but premier que de développer un propos lisible. Comptent bien davantage les vibrations de la musique, le rythme des paroles scandées et l’inventivité des images.
À la fois pamphlet politique et comédie musicale de science-fiction, Neptune Frost déstabilise et séduit dans le même temps. Unique en son genre, il est une véritable nouvelle proposition de cinéma qui sortira le spectateur de sa zone de confort pour mieux l’enchanter. Une curiosité totale à ne pas laisser passer, sous peine de ne plus en revoir de la sorte.
intéressant, Et du coup, l’OST est composée par Saul Williams ?