Looop Lapeta : critique d’une boucle temporelle sous ecsta sur Netflix

Clément Costa | 8 février 2022 - MAJ : 08/02/2022 18:46
Clément Costa | 8 février 2022 - MAJ : 08/02/2022 18:46

Remake officiel du film culte Cours, Lola, cours de Tom Tykwer, la nouvelle sortie indienne Netflix propose une boucle temporelle infernale et psychédélique. Sur papier, Looop Lapeta : La boucle infernale nous promettait un détonant cocktail de genres à l’esthétique pop ultra colorée. Pari réussi ou relecture indigne de son prédécesseur ?

UN JOUR SANS FIN

Dernier original indien arrivé sur le catalogue Netflix, Looop Lapeta se lançait un pari fou en voulant réinterpréter le classique Cours, Lola, Cours de Tom Tykwer. Un défi d’autant plus complexe que son jeune réalisateur Aakash Bhatia signe ici son tout premier long-métrage. On aura connu premier essai plus facile à transformer. Le concept reste à peu de choses près le même que dans le film d’origine : une jeune femme a 50 minutes pour trouver la somme astronomique pouvant sauver la vie de son petit-ami. Ajoutons à cela des boucles temporelles et l’aventure peut commencer.

La première (très) bonne idée de Looop Lapeta est d’assumer totalement sa liberté face à son modèle allemand. Le concept de base est inchangé, mais c’est à peu près tout. Aakash Bhatia veut faire un film radicalement indien. Et cela, il l’annonce dès le choix des prénoms de ses protagonistes. Savi et Satya sont des références assumées à Savitri et Satyavan, couple de la mythologie hindoue défiant le temps et la mort. Loin de la course urbaine de son modèle, Looop Lapeta s’attache à filmer la nature de Goa et à faire respirer un parfum local des plus dépaysants sur son récit.

 

Looop Lapeta : La boucle infernale : photoÇa a changé Berlin

 

Et c’est justement grâce à cette appropriation totale que Bhatia parvient à faire souffler un vent de fraicheur sur le concept vu et revu des boucles temporelles. Plutôt que de choisir entre la bienveillance attachante d’Un Jour Sans Fin, l’acidité de Palm Springs ou le suspense nerveux de Source Code, le film décide d’être tout à la fois. Là encore, c’est une spécificité typiquement indienne : le mélange de genres. Looop Lapeta mêle ainsi thriller haletant, humour noir, comédie absurde et pointes de romance.

Ce cocktail détonnant offre une œuvre totalement unique et dépaysante qui n’est pas sans rappeler Ludo, autre ovni indien sorti sur Netflix en 2021.

 

Looop Lapeta : photoUn matelas pas vraiment confortable

 

L’EFFET PAPILLON (DE LUMIÈRE)

Ce qui frappe dès les premières secondes d’ouverture, c’est l’envie acharnée de faire du cinéma. Un cinéma formaliste, expérimental, dont la forme est en constante évolution. Aakash Bhatia ne laisse jamais reposer sa caméra. Comme son héroïne, la mise en scène semble toujours pressée, jamais fixe et souvent sous l’emprise de substances peu recommandables. C’est la qualité principale du long-métrage, mais aussi une de ses limites. Looop Lapeta souffre du syndrome du premier film. Trop plein, trop ambitieux, trop excessif. Un régal visuel de chaque instant, mais les plus réfractaires seront sûrement épuisés par cette débauche de style.

Difficile cependant d’ignorer le pur plaisir cinéphile que prend le metteur en scène. Looop Lapeta est un spectacle lumineux, sous les néons, avec une caméra psychédélique en rotation perpétuelle. Une folie offrant des plans dignes de ce qu'on trouve de plus beau dans Euphoria. Mais derrière la forme, le fond est parfois moins convaincant. L'écriture a par moments du mal à suivre le rythme fou imposé par le concept. Le mélange des genres trouve également certaines limites, notamment avec Gappu et Appu, deux personnages comic-relief souvent insupportables.

 

Looop Lapeta : La boucle infernale : photoCeci est un braquage

 

Aakash Bhatia n'est pas décidé à faire dans la finesse. Son film est flamboyant, débordant de vie. Pour illustrer son amour du trop-plein, citons par exemple ce papillon qui apparaît en gros plan à chaque nouvelle boucle temporelle. Encore un peu et une ligne de dialogue nous expliquait le concept d'effet papillon histoire que la métaphore soit plus claire... À grands coups de voix-off (parfois trop envahissante) façon film noir, de passages animés, de split screen, de parodies d'impasse mexicaine et d'autres jeux stylistiques, le résultat final est d'une générosité imparable.

Mais cette excentricité et ce renouvellement de la forme sont probablement ce qui le rapproche le plus de son prestigieux modèle, qui était un objet filmique aussi imprévisible que révolutionnaire. On retiendra d'ailleurs un clin d'œil ludique et évident à Cours, Lola, Cours en toute fin de récit, quand Savi croise une jeune femme aux cheveux rouges et habillés comme Lola. 

 

Looop Lapeta : La boucle infernale : photoRequiem for a loop

Cours, Savi, Cours

Pour compenser les failles d'écriture, le film peut compter sur ses interprètes investis et charismatiques. Tout particulièrement Tapsee Pannu, superbe en Savi. Célèbre figure du cinéma féministe (PINK, Thappad) et du cinéma de genre indien (Badla, Game Over), l'actrice est une fois de plus à la hauteur de sa réputation. Elle donne vie à son personnage. On appréciera d'ailleurs la complexité de Savi, la fois attachante et irritante, courageuse mais égoïste, ses imperfections la rendant humaine et - paradoxalement - d'autant plus charismatique.

À ses côtés, Tahir Raj Bhasin confirme qu'il est un des espoirs les plus sous-estimés du cinéma indien actuel. Difficile de briller avec un personnage passif et souvent lâche, pourtant son Satya ne manque jamais de sympathie. Il en fait un perdant naïf et touchant sans jamais verser dans la caricature.

 

Looop Lapeta : La boucle infernale : photoReady Player Three

 

Malgré ses limites et ses imperfections, Looop Lapeta reste un objet passionnant grâce à son envie d'expérimenter. De par son fourmillement d'idées à la seconde, il fait probablement partie de ces films qui gagnent à être revus pour être mieux appréciés. Initialement prévu pour la salle avant le rachat de Netflix, on sent que la mise en scène est pensée pour exploser sur grand écran. Avec une écriture un peu plus concise et un meilleur équilibre, l'explosion n'en aurait été que plus impressionnante. Reste qu'on sort du film avec la certitude d'avoir vécu un trip unique en son genre.

Looop Lapeta est disponible depuis le 4 février 2022 sur Netflix

 

Looop Lapeta : La boucle infernale : Affiche officielle

Résumé

Objet aussi singulier que désarçonnant, Looop Lapeta apporte un vent de fraîcheur sur un concept qu'on pensait éculé. Bien qu'il souffre de son envie de trop en faire, le film offre un trip psychédélique souvent réjouissant. Et c'est sûrement ce qu'il y avait de mieux à faire en réinterprétant Cours, Lola, Cours : assumer les extravagances avec une sincérité à toute épreuve.

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commentaires
MoiLeVrai
09/02/2022 à 15:39

Pas vu ce remake (que je regarderai) mais j'avais adoré Lola Rennt quand j'étais ado. Je le re-regarderai bien d'ailleurs, est-il dispo sur une plateforme de streaming fr?

Issam
09/02/2022 à 12:14

On retrouve en regardant ce film toute la générosité des films indiens : humour, folie, romance... et des personnages attachants.
Un savoureux mélange pour le plaisir du spectateur !
J'ai kiffé !!!
Merci à écran large d'avoir conseiller ce film

Numberz
08/02/2022 à 21:23

Grand souvenir que Lola. Époque bénie où on découvrait des pépites grâce à un petit âne. Depuis, le DVD trône dans mes films favoris. Je sais pas pourquoi, j'adorais Franka Potente. Grâce à ce film et a Creep of course.

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