Palme d’Or, censure et tabou : le chef-d'œuvre Adieu ma concubine rejeté par son propre pays

Axelle Vacher | 21 décembre 2023 - MAJ : 21/12/2023 14:23
Axelle Vacher | 21 décembre 2023 - MAJ : 21/12/2023 14:23

Initialement salué pour ses visuels apothéotiques, Adieu ma concubine mêle en réalité la fresque historique d’une Chine en pleine mutation au destin douloureux de ses deux protagonistes

« Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c’est son génie » a écrit Baudelaire en 1867. Au philosophe Fabrice Midal de préciser l’adage du poète, exposant la propension à valoriser la raison et l’intellectualisation au profit d’une sensibilité rattachée au corps, et donc, jugée inférieure, voire, primitive. Pourtant, « la sensibilité est non une dimension obscure et aveugle, mais une connaissance profonde, unique et décisive », articule Midal pour France Culture en 2019.

C'est selon un postulat similaire qu'à travers le portrait déchirant de deux acteurs de l'opéra de Pékin (respectivement interprétés par le regretté Leslie Cheung et Fengyi Zhang), Chen Kaige entremêle près de trois heures durant chronique intime à différents pans de la société chinoise pour mieux en explorer les recoins. Si Baudelaire invite à la découverte du sensible, le cinéaste, lui, y immerge son spectateur par le prisme d'un récit où Histoire, politique et maux du coeur se répondent comme ils se reflètent – simultanément miroirs et échos.

 

Adieu ma concubine : photo, Leslie CheungMise en abîme

 

l'universel, le particulier (et le reste)

Tout commence avec le roman éponyme de Lilian Lee (ou Li Bihua selon la transcription pinyin), romancière et scénariste hongkongaise aussi célèbre que controversée. Reconnue pour ses revisites de figures féminines emblématiques de la littérature chinoise, elle signe cependant avec Adieu ma concubine un récit saturé de fatalisme dont l'intrigue s'articule, quelques cinq décennies durant, autour de deux vedettes de l'opéra pékinois.

Lorsque Chen Kaige découvre le livre en 1988, celui-ci en reconnaît aisément les qualités, mais résiste initialement à l'idée d'en porter le coeur à l'écran. De toute évidence, le cinéaste finit par accepter la tâche, à condition toutefois d'intégrer au scénario un segment relatif à la révolution culturelle – sujet au tabou manifeste en dépit du passage des années. 

 

Adieu ma concubine : photoPériode rouge

 

Sous couvert de suivre le destin de deux orphelins durement formés aux codes de l'opéra classique, le cinéaste se propose alors de mettre en lumière l'arrière-plan historique de la Chine continentale. Occupation japonaise à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale, avènement de la République, prise de pouvoir par les communistes et autres mutations socio-politiques se succèdent ainsi au gré des ans tandis que les susmentionnés protagonistes, Douzi et Shitou (plus tard rebaptisés Cheng Dieyi et Duan Xiaolou) apprennent ou non à composer et évoluer de concert. 

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commentaires
Baretta
21/12/2023 à 18:43

Je ne l'ai pas revu pourtant j'ai le dvd. Dans mon souvenir un film magnifique qui représente bien mieux la révolution maoïste que le dernier empereur.

Kyle Reese
21/12/2023 à 15:31

Vu qu’une seule fois mais très grand souvenir. Hyper émouvant ce film avec un jeu d’acteur incroyable.

Satan LaTeub
21/12/2023 à 14:51

Dont on attend toujours une édition française à la hauteur ... mais non, les éditeurs préfèrent ressortir 50 fois les mêmes films ...

Adam
21/12/2023 à 13:07

Aie aie aïe le titre… il y en a qui est allé trop vite.