Robopocalypse : le méga-Terminator de Steven Spielberg que vous ne verrez jamais

Geoffrey Fouillet | 4 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 14:49
Geoffrey Fouillet | 4 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 14:49

La promesse était inouïe. Le roman Robopocalypse, écrit par Daniel H. Wilson, allait être adapté au cinéma par Steven Spielberg. Mais l'histoire en a décidé autrement.

Tout commence avant même la publication du roman en juin 2011. Steven Spielberg s'intéresse à Robopocalypse alors qu'il travaille en parallèle sur Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, adaptation de trois tomes issus de la célèbre série de bandes dessinées d'Hergé. Le réalisateur prend ainsi attache auprès de l'auteur, Daniel H. Wilson, et acquiert les droits du livre dès novembre 2009 via sa société de production DreamWorks SKG.

Difficile pour Wilson d'imaginer que l'un des grands cadors du 7e art a jeté son dévolu sur sa dernière création. Mais Spielberg a eu le nez fin, comme toujours. À sa sortie, le roman intègre la très prestigieuse liste des meilleures ventes du New York Times et reçoit un accueil dithyrambique des lecteurs, mais aussi d'écrivains illustres tels que Stephen King, cité sur la couverture du livre en ces termes : "Un page-turner formidablement fun".

À ce stade, tout semble réuni pour que cette adaptation soit le magnum opus de Spielberg et signe son retour triomphant à la science-fiction. Hélas, le projet ne verra jamais le jour, du moins en l'état. Et s'il s'agissait, au même titre que le Napoléon de Stanley Kubrick, d'un des rendez-vous les plus tristement manqués d'Hollywood ?

 

Steven Spielberg : photo, Steven Spielberg"Vous voulez du rêve, je vais vous en donner"

 

QUAND TOUTES LES ÉTOILES ÉTAIENT ALIGNÉES

Avec Robopocalypse, nous découvrons un monde dévasté par la guerre ayant opposé les Hommes aux Machines. Un soldat, Cormac "Brightboy" Wallace, collecte des données sur cet affrontement dramatique et en revit les faits les plus marquants. Plusieurs résistants et groupes de combattants, dont "Brightboy", traversent ainsi le récit, qui s'attarde également sur l'antagoniste, une intelligence artificielle dénommée Archos, à l'origine du soulèvement des robots.

Si l'originalité n'est pas forcément de mise, l'angle choisi par Wilson suffit à séduire Spielberg, qui y voit une filiation avec l'oeuvre de Michael Crichton. Un auteur déjà adapté par le cinéaste avec Jurassic Park, dans lequel il était question d'une expérience échappant au contrôle de son créateur, comme Robopocalypse donc. Bien sûr, donner vie à cette épopée riche et complexe est une gageure de taille, mais Spielberg sait s'entourer des meilleurs.

 

Steven Spielberg : photoUn des concept-art ravageurs de l'illustrateur Patrick Janicke

 

Robopocalypse devient une co-production DreamWorks SKG et 20th Century Fox tandis que la distribution est assurée par la filiale de Disney, Touchstone Pictures. Le poste de scénariste revient au très doué Drew Goddard, qui a fait ses armes sur des séries comme Buffy contre les vampires puis sur le found-footage Cloverfield. Tout en planchant sur le scénario, Goddard travaille sur son premier film en tant que réalisateur, La Cabane dans les bois, dans lequel joue Chris Hemsworth, la star de Thor, que Spielberg viendra courtiser pour son adaptation.

Dès fin 2012, l'interprète du Dieu du Tonnerre, nouvelle figure de proue du Marvel Cinematic Universe, confirme sa présence au casting à l'occasion d'une interview donnée pour MTV : "Personne ne maîtrise mieux le genre de la science-fiction que lui (Spielberg). C'était une évidence d'accepter. Et puis j'ai lu le scénario et c'était encore plus excitant que je l'imaginais".

Le comédien rejoint alors Anne Hathaway et Ben Whishaw, déjà attachés au projet et eux aussi au pic de leur popularité, la première venant d'incarner la Catwoman de Christopher Nolan dans The Dark Knight Rises, et le second, le personnage de Q dans Skyfall

 

Chris Hemsworth : Thor"Count me in"

 

Prévu initialement pour une sortie en salles en juillet 2013, le film est néanmoins reporté au 25 avril 2014 aux États-Unis. Jusque-là, rien d'anormal, surtout lorsqu'on connaît l'ampleur du roman et les moyens nécessaires à sa concrétisation sur grand écran. Très vite, pourtant, la situation va prendre un tour inquiétant.

Budgétisé à hauteur de 200 millions de dollars, uniquement en coût de production, le projet est trop gourmand côté financement. Et ce n'est pas tout, le scénario ne serait pas suffisamment abouti et demanderait des réécritures. Deux mauvaises nouvelles, communiquées début 2013, qui redécalent la sortie de Robopocalypse à une date indéterminée.

 

Steven Spielberg : photoUne séquence de course-poursuite story-boardée par Michael Anthony Jackson

 

QUEL MEILLEUR CANDIDAT QUE SPIELBERG ?

Si ce retour annoncé de Spielberg à la science-fiction est un tel évènement, c'est que le cinéaste est l'un des derniers à Hollywood à savoir conjuguer une certaine vision philosophique du genre au format blockbuster. En signant quasiment coup sur coup, A.I. Intelligence Artificielle, Minority Report et La Guerre des Mondes au début des années 2000, il a aussi prouvé sa capacité à embrasser une peur très contemporaine, inspirée par les progrès de la science et l'irruption d'une menace étrangère. 

 

Steven Spielberg : photo, Haley Joel OsmentLe mécha-Pinocchio, plus humain que robot

 

Courant 2017, Wilson profite de la sortie de son nouveau roman, Le cœur perdu des automates, afin de signaler, via le site communautaire Reddit, que l'adaptation de Robopocalypse est toujours en cours de développement. Une annonce qui redonne espoir alors que le film semblait au point mort. Malheureusement, la joie est de courte durée puisque le réalisateur officialise son retrait du projet en 2018.

À la même période, Spielberg s'exprime très brièvement sur le sujet au cours d'un entretien figurant dans l'ouvrage James Cameron, histoire de la science-fiction. Alors qu'il échange avec le réalisateur de Terminator sur les dérives de la robotique, il raconte : "J'ai travaillé des années sur Robopocalypse. Parce que c'est l'histoire du produit le plus profond et sensible du génome humain qui se révèle bien plus intelligent que l'homme lui-même, éprouvant le besoin de reprendre le dessus sur la race humaine et le monde, un peu comme Minus et Cortex. Mais là, c'est effrayant".

 

Steven Spielberg : photoHAL 9000, l'ancêtre d'Archos

 

Simultanément à sa défection, le cinéaste nomme Michael Bay en tant que successeur direct à la tête du projet. Après avoir produit toute la saga des Transformers, Spielberg est devenu un mentor pour Bay. Il n'est donc pas étonnant de voir le réalisateur d'action le plus explosif d'Hollywood, par ailleurs rompu à l'art de mettre en scène des combats homériques entre robots, débarquer sur l'adaptation de Robopocalypse.

Mais les années ont passé depuis cette prise de flambeau annoncée, et l'on attend toujours. Il faut dire que l'enthousiasme cinéphile est quelque peu retombé depuis, d'autant que rien ne garantit encore le maintien de l'équipe artistique choisie par Spielberg.

Dans une interview accordée en 2016 au site Slashfilm, Drew Goddard déclarait : "C'était un rêve de collaborer avec Steven Spielberg et un pur bonheur de le voir à l'oeuvre et d'apprendre de lui. Surtout en tant que réalisateur, maintenant j'ai compris une chose : vous ne commencez pas à tourner tant que le projet n'est pas solide, vous prenez votre temps pour faire ça bien".

 

Steven Spielberg : photo, Michael BayL'apocalypse se prépare et elle a un nom : le "Bayhem"

 

Alors certes, Ready Player One a contribué à faire passer la pilule, Spielberg s'étant arrangé cette fois pour mener à bien – et avec brio – l'adaptation d'un autre roman à succès, là aussi ouvertement ancré dans la science-fiction. Seulement, malgré la générosité folle qu'il y déployait, le cinéaste ne renouait pas franchement avec sa veine la plus désespérée, celle que l'on retrouve sans doute au cœur de ses meilleurs films.

Tant pis, son Robopocalypse restera probablement un pur objet de fantasme cinéphile, le vestige d'une guerre, menée non pas contre les robots, mais contre cette grande fabrique qui fait et défait les rêves.

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commentaires
Rorov94m
06/07/2022 à 22:52

Pour le moment c'est un dyptique :le second volet (encore plus dantesque !) se nomme ROBOGENESIS.
dispo en format poche.
Dans le même genre,la perle du moment est la trilogie de Sylvain Neuvel:
LES DOSSIERS THEMIS. disponible en poche.
Énorme et captivant de bout en bout.

Chnard71
06/07/2022 à 15:01

En effet le roman est plus qu'intéressant ! @Oliviou Je ne savais pas qu'une série étais en projet? @Anderton Tout comme un ou d'autres romans?
Pour le long métrage faut se faire une raison... deuxième grosse déception d'adaptation après "la horde du contrevent" de Damasio..

Birdy en noir
05/07/2022 à 09:24

@ RoiBoo :
Ça y est, je l'aurais vu de mon vivant. Un gugus de forum explique le cinéma à Spielberg.
On a vraiment touché le fond intellectuellement.

Eddie Felson
05/07/2022 à 00:04

@Leroiboooooo
« Après Spielberg, despuis une bonne 15e d'années c'est plus ce que c'était »
Triste de lire des conneries pareilles!
Son dernier était juste un pur chef d’oeuvre et l’un de ses tout meilleurs.

Sigi
04/07/2022 à 23:59

Pour ceux qui l'ont lu, il vaut l'achat ?

LeRoiBoo
04/07/2022 à 22:31

Après Spielberg, despuis une bonne 15e d'années c'est plus ce que c'était. Trop de film, pas assez d'implication. Et toujours les même thèmes en boucle.

Et surtout il a trop de projet par rapport à ce qui est productible en qualité.
C'était Kassovitz qui disait qu'après Gothika, il a eut dans les mains le scénario d'Arrête Moi Si tu peux. Mais on lui avait si Spielberg le veut, il l'aura. Et l'histoire lui à donné raison, et c'est pareil pour beaucoup de scénar potentiel qu'il a entre ses mains sans jamais les lacher.

Anderton
04/07/2022 à 22:29

@Kyle Reese : il n'y a pas qu'un seul roman. Si je ne me trompe pas, il y a eu une suite par me même auteur...

Kyle Reese
04/07/2022 à 22:10

Je ne connaissais pas ce projet. Je pense me commander le roman.
Pour un fan de Terminator et Matrix, je crois que je ne peux faire autrement.
Et plus tard s’il y aura adaptation ce ne sera que du bonus, ou pas. ^^

The Moon
04/07/2022 à 19:06

Haaaaaaa Spielberg...
J'ai une affection particulière pour Rencontres du 3eme types.
Avec Minority Report c'est les 2 seul film de science fiction que j'aime de Spielberg.

Oliviou
04/07/2022 à 17:57

Le livre est gigantesque, bien plus riche qu'un Terminator, ne serait-ce que par le nombre de personnages, de lieux, de destinées, et par l'essorage complet de toutes les façons possibles pour une intelligence artificielle de faire la guerre aux humains. J'ai longtemps attendu le film... Maintenant j'attends la série. C'est probablement le meilleur format pour cette histoire.