Tout James Bond : Dangereusement vôtre, 007 est presque Moore

Mathieu Jaborska | 31 juillet 2021
Mathieu Jaborska | 31 juillet 2021

Roger Moore s'accroche au costume de James Bond. La retraite sera bientôt dangereusement sienne.

En attendant Mourir peut attendre, la rédaction d'Ecran Large retrace la carrière de l'espion le moins discret des services secrets britanniques. Après s'être frotté à la série B de science-fiction (Moonraker), à Carole Bouquet (Rien que pour vos yeux) et aux Totally Spies (Octopussy), Roger Moore fait enfin ses adieux au personnage dans Dangereusement vôtre, triste conclusion d'une période dont personne n'a gardé un souvenir impérissable.

Un long-métrage amusant sur le papier, franchement laborieux à l'écran, qui démontre l'évidence : la franchise doit changer d'interprète régulièrement, au risque de perdre de son énergie. Allons-y, qu'on en finisse.

 

photo, Dangereusement vôtreDifférence d'âge : le film

 

DE QUOI ÇA PARLE 

À l'issue d'une démonstration de sport d'hiver, 007 récupère une mini-puce électronique sur le cadavre tout chaud de son collègue 003. Q détermine sa provenance : la société Zorin, dirigée par un mystérieux Jokey. Bond se rend aux locaux d'Ecran Large, enfin, juste à côté, à Paris, pour se renseigner sur le bonhomme. Alors qu'il fait la connaissance de la scientifique américaine Stacey Sutton, son contact se fait assassiner par la femme de main de Mr. Zorin, May Day. Après avoir découvert un laboratoire de dopage secret, l'agent et son collègue Tibbett se font griller grâce à la puissance du minitel. Tibbett ne s'en sort pas. Bond, par miracle, réchappe de son exécution.

On apprend alors que Zorin compte faire sauter la Silicon Valley pour s'octroyer le monopole des puces électroniques, et qu'il est né d'expériences nazies visant à le rendre athlétique, beau gosse, mais surtout psychopathe. Bond et Stacey repartent sur ses traces, mais il tente de les faire accuser du meurtre du maire en incendiant l'hôtel de ville de San Francisco. Le couple s'échappe et infiltre la mine de Zorin, d'où il compte tout faire exploser, avant de mettre la catastrophe sur le dos de la faille de San Andreas.

L'aryen bute à peu près tous ceux qui bossaient pour lui, kidnappe Stacey et laisse pour mort une 3e fois notre héros. Ça sera la fois de trop. Bond s'allie temporairement avec une May Day alerte (vous l'avez ?), quoique meurtrie par la trahison, pour saboter l'opération. Il s'accroche in extremis au dirigeable du PDG et se bat avec le méchant au sommet du Golden Gate. Sans suspense, il le balance dans la flotte, attrape sa nouvelle partenaire par la taille et s'en va vers sa nouvelle aventure, quelques rides en moins.

 

photoZorglub, c'est toi ?

 

Pourquoi c'est l'heure de la retraite ?

Le pauvre Roger Moore était déjà trop vieux pour ces conneries lors de la sortie en 1983 d'Octopussy. Dans ce Dangereusement Vôtre, en 1985, il va sur ses 58 ans ! Il sent qu'il est temps pour lui de ranger le Walther PPK, d'autant que - rappelons-le -, son contrat ne mentionnait que trois films. Et ça se voit. Non seulement ses doublures lui volent la vedette (ce qui peut se comprendre dans un James Bond), mais son jeu de charmeur rigolo fonctionne logiquement moins bien. Le comédien n'y croit plus autant et ses partenaires, toutes 30 ans plus jeunes que lui, le rappellent à chaque photogramme.

Les quelques séquences d'action où sa physicalité est engagée s'avèrent donc assez laborieuses, à l'instar de la scène de l'incendie, dans la cage d'escalier. Et encore une fois, la mise en scène de John Glen, avant tout un contractuel, ne contourne jamais le problème.

 

photo, Roger MooreLess is Moore

 

Il traverse le film avec nonchalance, camouflant ses difficultés avec un semblant de flegme. Et comme les films James Bond sont en général à l'image de leur interprète, tout le long-métrage semble souffrir de sa fatigue. L'ouverture, peut-être la scène la plus spectaculaire, rappelle L'Espion qui m'aimait et Rien que pour vos yeux. Le gigantesque ventre mou qui suit, pas même sauvé par une poursuite en camion de pompier rigolote... mais très courte, recycle péniblement les poncifs de la saga. Et les enjeux sont aujourd'hui incroyablement has-been.

Le McGuffin de l'épisode - des puces électroniques censées conditionner le futur - tente d'actualiser un univers hanté par les vieux (la scène au MI6 a de quoi mener n'importe quel gérontophile à l'orgasme). Mais c'est peine perdue : déjà abîmé par quelques saillies Z, le personnage est souvent dans l'auto-parodie, surtout quand il se fait capturer une dizaine de fois par le même méchant et son Wikiédia Minitel édition. On n'est donc pas en présence de la plus palpitante aventure de l'agent secret, peu aidé par les deux principaux décors : Paris et San Francisco. On a connu des épopées plus exotiques.

 

photo, Roger MooreÇa commence à fuiter

 

Qu'est ce qu'on sauve ?

Christopher Walken, bien sûr. L'Homme au pistolet d'or a prouvé qu'un bon méchant, campé par un acteur de talent, pouvait grandement améliorer un Bond. La performance de Walken, qui aurait pris la place de David Bowie, lui fait honneur. Son air moqueur lui confère toujours une longueur d'avance, tandis que son aspect un peu frêle lui donne des airs de dandy psychotique du crime. À l'époque, le comédien était au sommet de sa gloire, puisque Dangereusement Votre s'intercale entre Dead Zone et Comme un chien enragé dans sa filmographie.

C'est également un très bon choix de casting, pour un rôle plus audacieux qu'il n'en a l'air. Si la franchise comporte déjà son lot de mégalomanes azimutés, sa nature même a de quoi fasciner. En effet, le scénario tisse un lien très contemporain entre eugénisme idéologique et capitalisme prédateur. Considéré comme un fou meurtrier conçu en laboratoire, Zorin s'intègre parfaitement à la bourgeoisie mercantile, qu'il pousse dans ses derniers retranchements, allant jusqu'à littéralement massacrer la force ouvrière sur son lieu de travail.

 

photo, Christopher Walken, Grace Jones, Roger MooreWalken Texas Ranger

 

Une singularité peut-être inconsciente, mais qui en ajoute encore au charisme de cet antagoniste très puissant, accompagné par une actrice qui incarne forcément sa trouble physicalité : Grace Jones. L'inoubliable Zula de Conan le destructeur a tant marqué le grand public qu'elle a chipé la place de la James Bond girl officielle Tanya Roberts sur l'affiche. Aujourd'hui encore, son regard féroce est indissociable de cet épisode.

Et puis il y a les qualités habituelles d'une licence alors en pleine possession de ses moyens techniques. Le double climax n'est pas avare en spectacle. Le film propose quelques scènes d'action amusantes, comme cette poursuite sur la tour Eiffel. Enfin, il y a la musique de John Barry, époustouflante, conférant à l'épopée tout le romantisme et le suspense dont elle manque. Un score mythique, auquel s'accole un groupe légendaire : Duran Duran. Chacun a sa théorie sur le sujet, mais pour l'auteur de ces lignes, c'est l'une des meilleures chansons jamais écrites pour l'agent secret.

 

photo, Grace Jones, Roger MooreUne Grace magnétique

 

Le business bond

La fatigue générale transparait aussi au box-office. Bien sûr, cet opus reste largement rentable, avec un score de 152,6 millions de dollars au box-office mondial, dont 50,3 récoltés sur le seul sol américain. Mais s'il démarre un peu mieux que son prédécesseur, il va vite se faire dépasser. Octopussy, pourtant doté d'un budget moindre de 27,5 millions (contre 30 millions pour Dangereusement Vôtre), était lui monté jusque 187 millions de dollars de recette. Moonraker et ses 210 millions restent encore hors de portée.

Légèrement en déca du succès habituel, en somme, peut-être rendu inatteignable par une critique américaine pas franchement convaincue. On reproche au long-métrage sa durée disproportionnée, ses facilités (la piste du KGB, vite abandonnée, par exemple) et bien sûr l'âge de Moore, parfois directement moqué. James Bond fera bien mieux avec sa prochaine aventure, Tuer n'est pas jouer, bénéficiant de l'attrait de la nouveauté Timothy Dalton. Encore aujourd'hui, Dangereusement Vôtre n'est pas très populaire. Il pourrit dans la dernière partie de bien des classements de la saga.

 

photo, Roger MoorePas encore au sommet

 

Une scène culte

Elle est sur l'affiche, largement promue par le marketing de l'époque : c'est la séquence qui conclut le double climax. Il fallait bien que la franchise s'attaque un jour au légendaire Golden Gate Bridge, symbole absolu du divertissement américain. Après la tour Eiffel, elle nous dévoile donc le sommet de ce monument, et y téléporte son combat final.

 

 

Forcément, l'affrontement n'est pas homérique, vu la précarité de la situation. Mais il convient finalement bien à Zorin, frêle industriel regardant le monde sombrer du haut de son dirigeable. Force est de constater que les effets spéciaux tiennent encore largement la route, malgré une mise en scène qui peine à vraiment souligner la vertigineuse chute qui menace le héros. L'équilibre précaire est la clé, et le destin du méchant, qu'un Bond intrépide fait... redescendre sur Terre, très satisfaisant. Le contrat est respecté, quoi.

Tout savoir sur Dangereusement vôtre

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
ok boomer!
05/08/2021 à 13:03

HA, t'étais déjà né et apte à la lecture à la parution de Casino Royal en 1954!!
Hé bé...
Bof, même Sean Connery ne ressemble pas vraiment au Bond littéraire. D'ailleurs, Ian Fleming était sceptique lors de son embauche. Il aurait préféré David Niven.
Si je devais choisi un acteur/Bond cinématographique représentant le personnage littéraire, je mettrai plutôt une pièce sur Lazenby ( OHMSS est le plus littéraire des Bond ciné, avec "Bons baisers de russie") et Timothy Dalton.
Connery n'a été motivé par le personnage que pendant les 3 premiers films de la série. Dès Opération Tonnerre, ça coince déjà. Dans "On ne vit que deux fois", on voit qu'il s'en tape royal: il traverse le film comme un zombie. Quant à "Diamonds are forever", n'en parlons pas: il a encaissé son chèque de 1 million de dollars et bye, bye.

Zega
04/08/2021 à 14:42

Aucun des acteurs ayant joué le rôle Bd n'ont été vraiment représentatifs comme l'a été S.Connery tiré du roman que j'ai connu à sa parution . Alors, messieurs les critiques replongez-vous dans la lecture. Faire de BD un éternel individu n'est pas forcément très réaliste. Seule une trilogie aurait été plus approprié......

Sébastien
03/08/2021 à 19:15

Octopussy et Dangereusement Vôtre sont les deux premiers James Bond que j'ai vu au cinéma.
Pour ce dernier, dans ma petite ville de province, on a frisé l'émeute pour la séance du soir. Il y a même eu un blessé à cause d'une des portes de l'entrée qui a cédé tellement la foule était compactée.
Souvenir d'enfance marquant...
Le film s'en sort vraiment bien. Mac Nee, Grace jones, Walken, Duran Duran a son apogée.
A l'époque, en face il y avait Lucas Et Spielberg, des Dieux vivants.
Mais les journaleux ont toujours eu l'habitude de cracher sur ce qui était populaire.
(Qu'est-ce que Lucas et Spielberg prenaient à l'époque de la part du petit microcosme Parigaux!).

Chouky
03/08/2021 à 15:04

Le meilleur c'est Daniel Craig il n'y a pas de doute

Phil78
02/08/2021 à 22:52

Effectivement Pierce Brosnan était un excellent interprète, malheureusement il n'a pas été servi par de très bons scénarios durant son passage...

Ayant été personnellement plongé dans cet univers avec les films des années 70 et 80, j'aime beaucoup pas mal tous ceux avec Roger Moore!

Quant à Sean Connery, je sais pas si c'est parce que le rythme est plus lent,mais il me semble que l'effet wow n'y est pas...en tout cas pour moi!!! Suis-je le seul?

Timothy Dalton a fait une superbe job, les scénarios sont intéressants avec de l'action en masse!

Daniel Craig : bon disons que ça tourne en rond depuis qq années, je n'y voit plus l'intérêt...

Bdew
01/08/2021 à 22:29

Pour moi Roger Moore est le seul Bond que j’ai apprécié suivre.Depuis j’ai complètement décroché, le personnage se prend trop au sérieux !

Pat Rick
01/08/2021 à 20:47

J'ai toujours un faible pour ce film car c'est le tout premier que j'ai vu en salles.
Bien sur en le revoyant, je suis conscient de certains de ses défauts et même qu'il a pris un coup de vieux mais bon je l'aime bien malgré tout.

Jaime LaChatte toujours
01/08/2021 à 13:24

Après l'épisode Vaudou, le déguisement en clown, le pistolet d'or, Moonraker , Dangereusement vôtre, sis dans la période Moore , me semble haut de gamme

Jaime LaChatte
01/08/2021 à 13:21

Voir Goldfinger et constater que ce dernier est cité dans tous les films suivants misogynie comprise.

Top personnel sans classement :
- Casino royale
- Permis de tuer
- Skyfall
- Goldfinger
- Dangereusement vôtre

Je n'ai pas vu celui de Lazenby considérablement réévalué


01/08/2021 à 13:19

vu au ciné en 85, c'est pas le pire de roger, première partie en france pourrie mais SF c'est sympa et les vues sur le GGB sont spectaculaires.
En plus Tanya roberts trop canon.
Bon après l'ère roger se résume pour moi à live et the spy

Plus