L’espionnage devient un terrain glissant dans l’excellent Mission Damas, thriller palpitant en pleine guerre civile syrienne.
John Le Carré a révolutionné le genre de l’espionnage dans la fiction. La plupart de ses romans sont devenus des bestsellers (le culte L’Espion qui venait du froid publié en 1964, Les Gens de Smiley, La Maison Russie…) et ont évidemment influencé Hollywood, adaptant à la fois ses œuvres au cinéma (La Taupe, The Constant Gardener, Le Tailleur de Panama…) et en séries (The Night Manager par Susanne Bier ou The Little Drummer Girl par Park Chan-wook, rien que ça).
Et si l’on regrette évidemment le talent de conteur hors pair de cet ancien agent du MI5 depuis sa disparition en 2020, son successeur semble tout trouvé. En effet, en 2021, David McCloskey, ancien analyste de la CIA, a publié son premier roman Mission Damas et il est depuis surnommé John Le Carré 2.0 par certains médias américains. The Times a même élu son roman meilleur thriller d’espionnage en 2023. Le livre est désormais disponible en France chez Verso, un label des éditions du Seuil, et on vous explique pourquoi c’est un immanquable si vous êtes fans d’espionnage (et pas uniquement).
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secret mission damas
« Sam Joseph, agent de la CIA, est envoyé à Paris afin de recruter Mariam Haddad, haute fonctionnaire exerçant au palais présidentiel syrien. Entre eux, c’est le coup de foudre. Mais cette relation interdite pourrait leur coûter très cher, surtout qu’ils doivent se rendre à Damas pour traquer le responsable de la disparition d’une espionne américain. Très vite, leur chasse à l’homme les conduit à la découverte d’une série d’assassinats et d’un sombre secret dissimulé au cœur du régime syrien. »
Une histoire d’espionnage, des rebondissements, des secrets bien gardés et une romance quasi-impossible… vu son synopsis, Mission Damas semble assez classique sur le papier. Mais comme on le dit souvent pour les livres, il ne faut surtout pas s’arrêter à la couverture (et la quatrième non plus) pour ce premier roman de David McCloskey. Si vous vous laissez convaincre (ce que vous devez faire), vous serez rapidement happé par le récit puisque dès ses premiers chapitres, Mission Damas nous plonge au cœur d’une exfiltration captivante avant de se lancer dans une manifestation puis un violent interrogatoire.

C’est l’une des forces de Mission Damas : à partir du moment où on le commence, on ne peut plus vraiment le lâcher. En mettant en parallèle les déboires de Sam dans sa mission (notamment à cause de ses consignes et de ses supérieurs-collègues, dont la très cash Artemis Aphrodite Procter), le bouleversement de Mariam face à la révolution civile en marche et le quotidien d’Ali, jonglant entre son rôle de général syrien tortionnaire et de père de famille aimant, le livre expose judicieusement les relations-interactions liant les protagonistes.
Au fur et à mesure, David McCloskey épaissit alors efficacement les enjeux qui les entourent ou les menacent. Souhaitant à la fois respecter les ordres de la CIA et venger la mort de sa collègue Valérie Owens, Sam va être confronté à des dilemmes moraux difficiles à gérer, d’autant plus avec son amour naissant avec Mariam. De son côté, Ali, l’un des personnages les plus réussis (et antagoniste du roman), devient passionnant, lui qui exécute les méthodes horribles dictées par un régime dictatorial tout en sachant qu’il en subira forcément les conséquences un jour ou l’autre.

SPYING OR DYING
Cela étant dit, si Mission Damas est aussi prenant, ce n’est pas tant pour Sam, Mariam ou Ali (et les autres) mais bien pour deux autres raisons. La première, c’est la manière dont McCloskey décrit habilement le quotidien d’un espion. Il y a en effet quelque chose de passionnant (et alarmant) à voir Sam subir les directives des hautes-sphères dirigeantes complètement déconnectées des réalités du terrain, lors de mission à haut risque. Mieux, le livre regorge de détails sur les stratégies et procédures de la CIA, dont les PDS, les procédures de sécurisation des déplacements terriblement fastidieuses pour les espions.
Cela confère un réalisme essentiel à Mission Damas qui le rend d’autant plus angoissant et haletant. McCloskey n’a d’ailleurs pas peur de livrer des scènes sans concession, parfois assez violente, pour mieux jouer sur l’ambivalence des situations, la moralité des personnages (y a-t-il vraiment un bon côté ?) et démontrer la vraie complexité des enjeux au cœur du récit. Un ancien directeur de la CIA, le Général David Petraeus, a d’ailleurs décrit Mission Damas comme « l’un des meilleurs romans d’espionnages » qu’il ait lu de sa vie, ce qui n’a rien d’anodin.

Pour la deuxième raison, il suffit de quelques lignes pour se rendre compte de la précision historique du livre. David McCloskey, lui-même ancien spécialiste du Moyen-Orient et de la Russie lorsqu’il travaillait pour la CIA, décrit en effet à merveille l’ampleur du conflit géopolitique au cœur de sa fiction. C’est un petit précis de la guerre civile qui s’est jouée en Syrie au début des années 2010, que ce soit l’horreur des actions de Bachar Al-Assad, l’inaction des États-Unis, la complicité russe, l’impact des religions, les présences israéliennes ou les rebellions djihadistes.
Alors bien sûr, comme il s’agit d’un premier roman, David McCloskey se perd quelquefois dans les circonvolutions de son récit et Mission Damas aurait peut-être gagné à être un tout petit plus ramassé. Il n’empêche que le roman brille malgré tout grâce à ses grands moments de parano et de tension entre les manipulations, les trahisons ou les mensonges guidant les personnages. Et vu son acuité historique et politique, d’une densité ahurissante, c’est clairement un must-read pour tous les fans des histoires d’espionnage ou d’Histoire avec un grand h.
Le livre est disponible dans toutes les bonnes librairies en France depuis le 24 mai 2024 grâce à Verso, un label des éditions du Seuil.
Ceci est un article publié dans le cadre d’un partenariat. Mais c’est quoi un partenariat Écran Large ?