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Disney vs David Fincher : le réalisateur culte revient sur son 20 000 lieues sous les mers abandonné

Par Jacques Laurent Techer
9 janvier 2025
Disney vs David Fincher : le réalisateur culte revient sur son 20 000 lieues sous les mers abandonné ©Canva 20th Century Fox Seven Stories

Le réalisateur David Fincher est revenu sur les raisons qui ont conduit Disney à annuler l’adaptation de 20 000 lieues sous les mers qu’il devait réaliser.

David Fincher semble être abonné aux projets avortés ou tourmentés. Avant de s’imposer comme l’un des réalisateurs les plus respectés de sa génération avec Seven, Fight Club et Panic Room, il avait déjà connu un départ chaotique avec Alien 3, un tournage maudit marqué par des conflits incessants avec les studios.

En 2008, il avait dû renoncer à son adaptation de Rendez-vous avec Rama, un classique de la science-fiction d’Arthur C. Clarke, alors qu’il travaillait dessus depuis début 2000. Ce à quoi s’ajoutent sa version abandonnée de Spider-Man, et son pitch flippant pour Harry Potter, jeté au rebut par les studios.

Alors qu’il est actuellement en pleine tournée promotionnelle pour la sortie du remaster 4K de Seven, au sujet duquel Fincher a enfin révélé le mystère de la fin du film, le réalisateur s’est épanché sur le cas de 20 000 lieues sous les mers, projet d’adaptation du roman de Jules Verne qu’il devait réaliser pour Disney. Après des années de développement, le projet s’est enlisé dans des différends créatifs et financiers avec la maison-mère de Mickey, Fincher dévoile enfin les dessous de cette annulation.

20 000 lieues sous les emmerdes

Publiée en 1870, 20 000 lieues sous les mers est une œuvre majeure de la SF, un livre visionnaire qui a inspiré de nombreuses adaptations au fil des décennies, dont celle de 1954 produite par Disney, souvent considérée comme une œuvre pionnière des effets spéciaux. Le capitaine Nemo, personnage iconique de l’histoire, a également laissé une empreinte indélébile dans la pop culture, apparaissant dans des films comme La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, la série animée Nadia et le secret de l’eau bleue, ou la récente série Nautilus.

Quand, en 2010, Disney a proposé à David Fincher le projet d’adaptation du roman de Jules Verne, il était très enthousiaste. Il voulait en faire un film avec 70% de CGI, avec une approche similaire à celle d’Avatar ou de Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne. Le projet lui tenait vraiment à coeur, et il avait déjà une vision très précise de ce qu’il voulait en faire, comme il l’explique dans une interview accordée à Letterboxd :

« Je voulais vraiment faire Vingt mille lieues sous les mers parce que ce que nous avions en tête était vraiment brut, cool, humide, steampunk et tout ça. »

« Ouvrez la porte de ce sous-marin ! »

The Asocial Network

Selon Fincher, le projet a été sabordé par des divergences fondamentales entre sa vision artistique et les attentes de Disney. Le réalisateur souhaitait une adaptation sombre et mature, fidèle au ton original de Jules Verne, explorant des thèmes comme l’isolement et les dégâts causés par le colonialisme occidental sur les civilisations orientales. Cependant, Disney espérait un film familial et accessible, débarrassé d’enjeux sociopolitiques, en ligne avec leur marque de fabrique habituelle.

« Disney était dans une situation où ils disaient : « Nous avons besoin de savoir qu’il y a une chose que nous savons exploiter entièrement, et vous allez devoir cocher ces cases pour nous. » Et je me suis dit : « Vous avez lu Jules Verne, non ? » C’est l’histoire d’un prince indien qui a de vrais problèmes avec l’impérialisme blanc, et c’est ce que nous voulons faire. Et ils ont répondu : « Oui, oui, très bien. Tant qu’il y a beaucoup moins de cela dans le film. »

20.000 lieues sous les mers : remake bryan singer
20 000 lieues sous les mers, version 1954

Le cinéaste a expliqué que cette déconnexion entre sa liberté créative et les exigences du studio était irréconciliable. L’ajout de contraintes budgétaires et la nécessité de filmer en Australie pour bénéficier de crédits d’impôt n’ont fait qu’aggraver la situation, aboutissant à l’impossibilité de trouver un terrain d’entente. De plus, éthiquement, il ne se voyait pas devoir faire semblant d’accepter les contraintes de Disney, tout en réalisant le film que lui souhaitait vraiment créer.

« On en arrive donc à un point où l’on se dit : « Écoutez, je ne peux pas vous tromper avec ça, et je ne veux pas que vous découvriez lors de la première ce que vous avez financé. Cela n’a aucun sens, car vous allez devoir vous torturer pendant les deux prochaines années. » Et je ne veux pas faire ça. La vie est trop courte.

Les films s’effondrent pour une raison, et j’essaie de rester extrêmement calme à ce sujet. J’ai appris d’un grand ami – et d’un homme charmant et talentueux nommé Joel Schumacher, très tôt dans ma carrière, qu’il ne faut pas vouloir quelque chose plus que les gens qui vont le financer, parce que sinon vous êtes finis. Il faut garder la tête hors de la mêlée. »

Il existe aussi un 30 000 (oui, 30 000) lieues sous les mers avec Lorenzo Lamas. Désolé.

Aux dernières nouvelles, Disney souhaiterait toujours créer une nouvelle mouture de 20 000 lieues sous les mers. James Mangold (Logan, Walk the Line) fut un temps évoqué pour prendre les rênes du film, mais il semblerait que le projet ait échoué dans la besace de Sebastian Guttierez (Judas Kiss, et scénariste de Des serpents dans l’avion), avec un amerrissage prévu à l’horizon 2030.

Quant à David Fincher, il travaille actuellement sur la version américaine de Squid Game, et également sur un western criminel, ces deux projets étant destinés à une diffusion sur Netflix.

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