Les Amants maudits du cinéma

Linda Belhadj | 8 octobre 2012
Linda Belhadj | 8 octobre 2012

« Ils sont jeunes, ils sont amoureux, ils tuent des gens » pouvait-on lire sur l'une des affiches promotionnelles de Bonnie & Clyde en 1967. Quarante-cinq ans après, le genre du « couple en fuite » a donné naissance à un nouveau-né baptisé God Bless America (qui sort ce mercredi 10 octobre), l'occasion pour Ecran Large de revenir sur les amants maudits et terribles du cinéma.

 

Les Amants de la nuit de Nicholas Ray (1949)

 

 

En 1938, l'écrivain Edward Anderson publia son deuxième et dernier roman intitulé Thieves Like Us qui raconte l'histoire d'amour entre un fugitif braqueur de banque et la timide jeune femme qui l'aide dans sa cavale. Adapté en 1949 au cinéma par Nicholas Ray sous le titre de They Live By Night, ce film est considéré comme le précurseur du genre du « couple en fuite » et comme ayant inspiré le fameux Bonnie & Clyde d'Arthur Penn. Robert Altman - qui travailla avec Warren Beatty (alias Clyde) dans Mr. & Mrs. McCabe - délivra sa propre vision de cette romance maudite en 1974 avec Thieves Like Us qui fut sélectionné au Festival de Cannes la même année. Dans les rôles des deux amoureux, précédemment tenus par Farley Granger et Cathy O'Donnell, on y retrouve le sous-estimé Keith Carradine (frère du défunt David Carradine) et Shelley Duvall (la mère-épouse courage de Shining).

 

 

 

Le Démon des armes de Joseph H. Lewis (1950)

 

 


Film noir dans la droite lignée de They live by night, Gun crazy est aussi connu sous le nom de Deadly is the female, un titre qui rend davantage compte de son idée fondatrice. Ici en effet, point de douce jeune femme qui aide un évadé mais plutôt Laurie (Peggy Cummis) qui demande à son époux Bart (John Dall) - un fou dingue d'armes à feu - de l'aider à commettre des braquages, menaçant de le quitter s'il refuse. Bien entendu, Bart choisit la première option et s'embarque aux côtés de sa dulcinée diabolique dans une suite de vols de stations services. Dans ce couple, Laurie porte la culotte, tout comme c'est le cas pour Bonnie comme on le verra. Ce n'est qu'à la fin du film que Bart retrouvera en quelque sorte sa virilité, à la mort de sa moitié castratrice.

 

 

Bonnie & Clyde d'Arthur Penn ( 1967)



Racontant les aventures des mythiques braqueurs de banque éponymes, Bonnie & Clyde arriva plus de dix ans après They live by night et Gun Crazy, reprenant le thème développé dans ce dernier en faisant de Clyde Borrow un impuissant (au lieu d'un bisexuel comme l'était le véritable bandit), trouvant sa jouissance dans les armes. Tout comme Laurie dans le film et sur l'affiche, Bonnie porte un béret et est la force motrice de son couple. A lire cela, on finit par se demander ce qu'avait donc bien d'extraordinaire Bonnie & Clyde pour avoir mérité le statut de film culte. En plus d'être une œuvre maîtrisée du début à la fin par un Arthur Penn au sommet de son art, son impact sur le cinéma des années 70 fut sans commune mesure. Bonnie & Clyde, c'était le bébé d'un homme, Warren Beatty qui - selon la légende - alla même jusqu'à supplier à genoux le patron de Warner Bros. de financer son film, tout comme il supplia son amante Natalie Wood d'accepter le rôle de Bonnie, sans succès ; au grand bonheur de Faye Denaway qui l'obtint à la dernière minute. A sa sortie, le film  ne rencontra pas un franc succès mais s'était sans compter la critique Pauline Kael qui en fit un tel éloge que les spectateurs se précipitèrent enfin pour le voir et lui valut dix nominations aux Oscars. Ce qui fit la gloire du film au final ne fut pas tant la violence qui y est montrée mais plutôt ce que Bonnie et Clyde incarnaient : la rébellion contre l'ordre établi. L'esprit révolutionnaire, c'est ce qui allait souffler pendant dix ans dans le cinéma hollywoodien, Bonnie & Clyde ayant ouvert le chemin à des films tel que Easy Rider (1969).

 

 

Les Tueurs de la lune de miel  de Leonard Kastle (1969)





« Mon histoire est une histoire d'amour. Mais seuls ceux qui sont torturés par l'amour savent de quoi je parle ». Ce furent les derniers mots de Martha Beck, condamnée à la chaise électrique en 1951 avec son mari Raymond Rodriguez - qu'elle avait rencontré grâce à une petite annonce -  pour les meurtres d'une dizaine de femmes aux Etats-Unis. Leurs crimes, motivés par l'argent et la jalousie de Martha, donnèrent lieu à The Honeymoon Killers, le film américain préféré de François Truffaut. Originellement dirigé par Scorsese, ce dernier fut renvoyé et remplacé par Kastle qui signa ainsi son premier et dernier film. Les rôles des amants tueurs furent tenus par Shirley Stoler (Voyage au bout de l'enfer) et Tony Lo Bianco (French Connection). Le réalisateur mexicain Arturo Ripstein reprit leur histoire en 1996 avec Profundo Carmesi tout comme Todd Robinson et son Lonely hearts avec Jared Leto et Salma Hayek en Raymond et Martha.

 

 

 

La Balade sauvage de Terrence Malick (1973)




On oublie trop souvent qu'avant d'être le père de ce sacré trublion de Charlie Sheen, Martin Sheen était un acteur phare des années 70. Héros d'Apocalypse Now (1979) il s'illustra auparavant dans le magnifique La Balade sauvage, premier film de Terrence Malick. Basé sur les meurtres perpétrés en 1958 par Charles Starkweather et Caril Ann Fugate (qui inspirèrent aussi Tarantino pour l'écriture des scripts de True Romance et Natural Born Killers) , le film dépeint l'épopée sanguinaire de Kit (Sheen) et de Holly (Sissy Spacek), deux amoureux qui après avoir massacré la famille de cette dernière, traverseront le Dakota en laissant derrière eux une traînée de cadavres. Malick revisita le genre du couple maudit en 1978 avec son deuxième film, Les Moissons du ciel dans lequel Richard Gere encourage sa petite amie, Brooke Adams, a épousé le riche fermier mourant qui les emploie (Sam Shepard) ; dissimulant leur réelle relation en prétendant être frère et sœur.

 

 

Fatal games (Heathers) de Michael Lehmann (1989)



Affirmer qu'avant Heathers aucun teen movie des 80s n'avaient traité avec une certaine noirceur de sujets sérieux comme la mort, la sexualité et l'obsession amoureuse serait faux; Endless Love (1981) et River's Edge (1986) l'attestant. Alors pourquoi Heahers est-il resté comme LE film qui se démarqua de la douceur des œuvres de John Hughes ? Dans un lycée américain typique, une clique composée de trois filles répondant toutes au nom de Heather (dont Shannen Doherty, la future Brenda Walsh de Beverly Hills 90210) tyrannisent les élèves moins beaux et moins riches, avec l'assistance de Veronika (Ryder). Finalement dégoûtée par ses actions, elle se rend complice du meurtre de la chef de bande, orchestré par son nouveau petit ami J.T (Slater). Ensemble, ils éliminent un à un les bourreaux du lycée, maquillant chaque acte en suicide. Le génie de Heathers est non seulement d'avoir fait de la fragile et innocente Winona Ryder et du beau gosse Christian Slater un couple de tueurs mais aussi d'avoir dénoncé et tourné en dérision avec un cynisme absolu - et un langage particulièrement châtré - la violence de l'adolescence et l'incapacité totale du système scolaire à comprendre la jeunesse qu'elle est censée guider.

 

 

True romance de Tony Scott (1993)


 


Qui n'a pas à l'annonce du décès de Tony Scott regardé à nouveau True Romance ? Si beaucoup de films du frère de Ridley ont été injustement relégués au rang de blockbusters idiots, son histoire d'amour véritable est entrée dans le panthéon des plus belles histoires (tordues) du cinéma. Basé sur un script de Tarantino (il s'agissait d'un long scénario qui fût partagé en deux, la seconde moitié ayant donné naissance à Natural Born Killers), retravaillé par Roger Avery (Killing Zoe), True Romance raconte l'idylle entre Alabama (Patricia Arquette) et Clarence (Christian Slater), deux êtres marginaux qui se marient, volent la cocaïne du proxénète d'Alabama et tentent de la revendre pour s'assurer un futur radieux. Sur leur chemin du bonheur se dresse une horde de mafieux violents dont ils devront se débarrasser, parfois de façon radicale. Couple iconique, Alabama et Clarence le sont moins pour leurs activités criminelles que pour la naïveté enfantine qui caractérise leur duo qui s'exprime à travers le rire espiègle de Patricia Arquette et le romantisme exacerbé de Christian Slater. Tueurs malgré eux, ils ne laisseront à aucun moment la violence du monde venir entacher leur amour si pur.

 

Kalifornia de Dominic Sena (1993)



Trois ans après s'être rencontrés sur le plateau de Too young to die (1990), adaptation au cinéma d'une histoire vraie où Brad Pitt incarnait le mac de la très jeune Juliette Lewis, le couple à la ville redevint pour la seconde et dernière fois un couple à l'écran dans Kalifornia. Dans ce road-movie déjanté, ils forment un tandem infernal qui terrorise David Duchovny (X-Files) et Michelle Forbes (Swimming with sharks), deux journalistes enquêtant sur le phénomène des serial-killers. N'ayant pas assez d'argent pour financer seuls leur voyage à travers l'Amérique pour visiter les sites des meurtres, ils embarquent à l'arrière de leur voiture Early Grayce (Pitt) et Adele Corners (Lewis) afin de partager les dépenses. Malheureuse idée puisqu'ils réalisent à mesure que les kilomètres défilent que Early pourrait bien trouver une place de choix dans leur article... Kalifornia ne déchaîna pas les passions, malgré les prestations de qualité de l'ensemble du casting. Dans le cas de Juliette Lewis, on ne peut s'empêcher de voir dans son rôle d'Adele une répétition de celui qu'elle endossera dans le - pour le coup - très décrié et scandaleux Natural born killers d'Oliver Stone.

 

 

Tueurs nés d'Oliver Stone (1994).


 

 

Communément considéré aujourd'hui comme un film culte et comme l'équivalent 90s de Bonnie & Clyde, Tueurs nés n'avait pas joui à sa sortie d'une telle popularité. Le club anti-Natural Born Killers comprenait Tarantino lui-même qui avait été outré par le traitement qu'avait infligé Oliver Stone à son scénario. Pourtant crédité comme auteur, il nia avoir eu quoique ce soit à voir avec le rendu final. La colère de Tarantino fit cependant moins de bruit que les protestations des familles et de la censure américaine qui virent dans Tueurs nés une apologie de la violence. Si Stone se défend d'avoir voulu rendre glamour le meurtre de masse et d'avoir au contraire tenté de montrer la perversité avec laquelle les médias glorifient les criminels, reste que c'est exactement l'opposé qui apparaît à l'écran. En effet, sous les traits de Woody Harrelson et Juliette Lewis (au pic de sa carrière), Mickey et Mallory Malone sont devenus dans le film et jusqu'à un certain point dans la réalité des icônes, des héros subversifs. On se surprend à leur souhaiter un happy ending, malgré les meurtres et viols dont ils sont coupables. Œuvre dérangeante et épileptique, Tueurs nés n'a pas fini de diviser les cinéphiles.

 

 

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