De film X à légende des Oscars : l'incroyable destin de ce classique avec Dustin Hoffman

Ange Beuque | 21 janvier 2024
Ange Beuque | 21 janvier 2024

1969, année érotique ? Jon Voight joue les gigolos sur les "bons" conseils de Dustin Hoffman dans Macadam cowboy de John Schlesinger (Midnight Cow-boy en VO). Son sujet scabreux lui vaut une classification X... qui ne l'empêchera pas d'entrer dans l'Histoire du cinéma en décrochant l'Oscar suprême ! Pourtant, ce n'est pas dans sa représentation de la sexualité que le film se montre le plus subversif.

Iron Man et Superman n'ont qu'à bien se tenir : le plus grand des super-héros se déplace à cheval et porte un stetson. Quel personnage peut se prétendre plus emblématique d'Hollywood que le cow-boy ? Défenseur viril de la veuve et de l'orphelin, ultime protecteur des valeurs de la nation... Bien que des cinéastes ne se soient pas privés d'explorer ses failles, il demeure une icône absolue.

Rien de tout cela dans Macadam Cow-boy : les temps ont changé et l'aura du héros a terni. John Schlesinger dépeint un pauvre type drapé dans un prestige périmé, contraint de vendre son corps pour survivre à New York. Un gagne-pain qui vaut au long-métrage porté par Dustin Hoffman et Jon Voight d'écoper, tel un sceau d'infamie, d'une classification X.

 

Macadam cowboy : Jon Voight, Brenda VaccaroQuand le colt s'enraie

 

Un réalisateur déterminé à ignorer les obstacles

Macadam Cow-boy est adapté du roman Midnight Cow-boy, publié en 1965 par James Leo Herlihy. John Schlesinger, membre éminent du free cinema, l'équivalent britannique de notre Nouvelle Vague, insiste pour le porter à l'écran. Sauf que les astres ne semblent pas particulièrement alignés : bien qu'ayant récolté quelques nominations aux Oscars et Golden Gobe, son précédent film, Loin de la foule déchaînée, a fait un bide qui a échaudé les studios.

Son propre agent, conscient du caractère scabreux d'un tel sujet, tente de le dissuader. Pour ne rien arranger, le roman est adapté par Waldo Salt, longtemps victime du maccarthysme. Blacklisté pour son appartenance au mouvement communiste, le scénariste n'a pu contribuer au moindre projet hollywoodien durant toute la décennie 1950. Macadam Cow-boy lui permettra de prendre sa revanche avec l'Oscar du meilleur scénario adapté.

 

Macadam cowboy : Dustin Hoffman, Jon VoightSous le macadam, la plage

 

C'est la seconde partie de l'ouvrage qui concentre son attention, afin de mettre l'accent sur les (més)aventures new-yorkaises de Joe Buck et Rico "Ratso" Rizzo. Le passé de Buck est modifié et réduit à quelques flash-back rapides. C'est à la femme du scénariste, Jennifer Salt, qu'échoit l'interprétation traumatique de la compagne violée par un gang.

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commentaires
Hocine
21/01/2024 à 22:14

Midnight Cowboy est un grand film et mérite amplement ses récompenses. L’un des atouts de ce film est les deux personnages joués par John Voight et Dustin Hoffman: deux hommes paumés et errant dans les rues de New York, que l’on suit avec beaucoup d’intérêt. Ce film annonce le cinéma américain des années 70 et celui du Nouvel Hollywood, mettant en avant des marginaux mis au ban du rêve américain et de la société bien-pensante. L’ironie étant que Midnight Cowboy a remporté l’Oscar du meilleur film, tandis que Dustin Hoffman et John Voight, nominés tous les deux pour l’Oscar du meilleur acteur, l’ont perdu face à John Wayne, figure du cow-boy et du western par excellence.

Xprocessor
21/01/2024 à 20:23

@Eomerkor

L'adhésion à votre analyse est totale. Ce film, dans son essence même, brillait par sa capacité à décrypter la marginalité au sein de l'idéal du rêve américain, ce dernier alors embourbé dans les méandres de son intervention au Vietnam. Cette œuvre s'inscrivait dans la lignée de ce que le Nouvel Hollywood avait de plus audacieux à offrir : des films à la fois politiques et résolument modernes, empreints d'une ambition débordante et d'une extravagance calculée. Ils se donnaient pour mission de dépeindre une Amérique sous un jour inédit, loin des conventions.

Toutefois, dans le contexte actuel, où la sensibilité aux différentes perceptions sociales et politiques s'est accrue, un tel film, ainsi que la majorité de ceux produits durant cette ère d'innovation cinématographique risquerait de se heurter à une vague de critiques acerbes souvent amplifiées par les réseaux sociaux.

Et pourtant, ce cinéma là savait parler aux adultes. C'est aujourd'hui tellement rare.

Eomerkor
21/01/2024 à 12:59

Classification X complètement bidon accolée au film du fait de sa représentation d'un bouseux devenu gigolo et de son traitement de l’homosexualité. C’est en fait surtout la représentation de la marginalité dans une Amérique du rêve américain empêtrée dans son intervention au Vietnam qui suinte derrière ce classement. La supercherie n’a pas fonctionné et Macadam Cowboy a remporté l’oscar du meilleur film et Schlessinger celui de meilleur réalisateur.
Ce qui transparait derrière le côté glauque et underground c’est la misère morale et la détresse des deux protagonistes qu’on suit partagé entre empathie et parfois un peu de dégout. Voight et Hoffmann sont parfaits. Un film qui fait le lien vers le nouvel hollywood avec un sujet fort et bien traité. Un film comme on n’en fait plus et qu’on n'aurait du mal à refaire sans se prendre une avalanche de réaction de tout bord. Schlessinger réalisera aussi le "Day of the Locust" tiré aussi d’un scénario de Waldo Salt. Un film qui m’a fait le même choc que la fin de Soldat Bleu pour une scène d’une rare violence qui nous prend à l’improviste, le visage dément de Sutherland (bourreau puis « victime ») et son final apocalyptique. Schlessinger a surtout réalisé Marathon Man absolument culte et magistralement interprété par Scheider, Hoffman et Olivier.
Un genre de cinéma quasiment disparu avec un travail scénaristique qui puise au plus profond des névroses de l’humain. Loin des films à quotas et à message d’aujourd’hui. Et pourtant tellement plus efficace pour faire évoluer les mentalités. Macadam Cow Boy, à voir et revoir, pour ceux qui aiment les "vieux" films et le cinéma sans se focaliser sur les rides.