Liens et tes racines
En 2017, Cédric Klapisch sortait Ce qui nous lie, plongée au coeur des vignes d’une famille dont les liens s’étaient étiolés avec le temps. Puis en 2019, il réalisait Deux moi, romance originale où l’on suivait un homme et une femme jusqu’à la rencontre qui cimenterait la relation amoureuse construite petit à petit par le scénario. Six ans après, on pourrait presque affirmer que son nouveau film, La Venue de l’avenir, est un peu la convergence de ses deux titres précédents (et plus encore).
Il y raconte l’histoire d’une grande famille et d’un héritage, obligeant quatre cousins, qui ne se connaissaient pas auparavant, à se réunir pour partir à la découverte de leur histoire familiale. Ainsi, en fouillant la maison abandonnée dont ils héritent, ils vont tenter de percer les mystères de leur ancêtre commun, Adèle Vermillard (Suzanne Lindon). Le début d’un va-et-vient entre 1895 et 2025 à travers une longue exploration du passé, clé de compréhension probable du futur des quatre cousins.

Autant dire qu’il s’agit indiscutablement du film le plus ambitieux du cinéaste visuellement, notamment grâce à un jeu de superposition des époques (la maison de campagne en ruine au présent retrouvant son allure passé en un claquement de porte ou un clignement d’oeil). Mais au-delà, c’est surtout le travail de reconstitution du Paris de la fin du 19e siècle qui est franchement impressionnante entre costumes, décors réels et effets spéciaux.
En se jetant dans le Paris de la fin du 19e siècle, Klapisch nous enfonce dans une période riche, dans un Paris en pleine expansion et surtout une époque ayant vu naître de nombreuses inventions, dont deux fondatrices du récit : la photographie et le mouvement impressionniste. Deux arts qui vont jalonner La Venue de l’avenir, les personnages retraçant leur histoire à travers des photos mais surtout un étrange tableau.

UN NOUS
Cédric Klapisch a toujours cherché à rétablir le lien, le construire, le comprendre, le partager, le déceler… qu’il soit amoureux, amical, familial, générationnel. Avec La Venue de l’avenir, il raconte encore une fois la même chose, mais à travers un vrai voyage dans le temps. Une manière évidente pour lui d’ausculter l’évolution de nos existences tout en créant un parallèle amusant entre les deux périodes, finalement pas si éloignée et où il est toujours question du temps.
Dans un 21e siècle où tout semble désormais aller trop vite (TGV, skype, réseaux sociaux…), Cédric Klapisch décide de reprendre justement ce temps, de le matérialiser et de lui redonner une vraie valeur, un sens. Le temps de l’échange, de l’écoute, de la découverte, de la réflexion, de la transmission, de la rêverie, de l’amour… semble, selon le cinéaste, s’être perdus au fur et à mesure. Il est ainsi question de mouvement dans La Venue de l’avenir mais aussi de pause, de retour à la nature, de suspension du temps.

Ou comment un héritage familial inattendu va permettre aux mêmes membres d’une famille de se rencontrer, de renouer avec leurs racines, de mieux comprendre leurs origines. D’où l’évidence dans la filmographie de Cédric Klapisch, racontant de ses personnages tout ce qui les lie, mais transcendant leurs individualités pour en faire un seul et même eux/nous. Quel dommage donc que le film soit bien trop long (2h04 qui n’en méritait pas tant) et manque souvent de rythme, Cédric Klapisch confondant ralentir et freiner.
Car même s’il est tendre et sans doute sincère dans sa démarche, le cinéaste se repose en grande partie sur des clichés (jeune/vieux en particulier), une grande naïveté et un récit trop fabriqué. Difficile en effet de ne pas trouver l’ensemble légèrement artificiel, notamment à travers l’intervention de célèbres peintres, photographes et autres personnalités culturelles du 19e siècle. Et c’est sans évoquer une hallucination collective à base d’ayahuasca (décidément un peu partout entre Queer et Apple Cider Vinegar dernièrement).
Bref, c’est joli, mais globalement bancal et très imparfait.

Beau sous texte de mettre Suzanne LaitFraise Lindon au XVIIIe siècle, pour nous montrer qu’elle est un ersatz de ce temps, un symbole boursouflé de la bourgeoisie moderne. 🙂