Critique : Blancanieves

Sandy Gillet | 23 janvier 2013
Sandy Gillet | 23 janvier 2013

Le cinéma espagnol qui traverse les Pyrénées est décidément une source inépuisable de surprises et accessoirement de contentement. On le dit sur la pente déclinante côté production mais celui-ci semble d'année en année de plus en plus dynamique et inventif même s'il est vrai que nous nous ne voyons finalement que le sommet de l'iceberg. Un filtre dont on ne se plaindra pas, lui qui nous permet d'appréhender Blancanieves à l'aune d'une certaine virginité en la matière si ce n'était la comparaison inévitable avec The Artist. On va clore ce chapitre d'entrée puisque le deuxième long signé Pablo Berger est un projet initié antérieurement au film de Michel Hazanavicius. Il n'y a donc ici aucune volonté de surfer sur la vague « arty hype » d'un film muet en N&B. Ce que propose donc Blancanieves en se réappropriant avec beaucoup d'aplomb créatif le conte de Blanche-Neige.

Pas de dialogues donc mais une musique omniprésente qui accompagne chaque plan, les surlignant même parfois avec gourmandise comme s'il fallait encore accentuer un jeu d'acteurs qui reprend les codes en la matière du cinéma muet. Le père de la future Blanche neige est le toréador de sa génération. Il se produit une énième fois dans la belle arène de Valence. Nous sommes en 1920. Pablo Berger a opté pour une pellicule très sensible et des caméras Super 16mm afin d'accentuer ce grain qui fait dorénavant défaut en numérique. En résulte à l'écran un N&B très dure qui favorise au demeurant la « caractérisation » des personnages. Le toréador, sur un coup du sort, devient paraplégique. Le choc de l'accident provoque la mort de sa femme qui a le temps de donner naissance à une fille que le père rejette car lui rappelant trop sa défunte épouse. Entre en scène l'infirmière qui n'aura pour seul but de se marier avec cet homme déchu mais plein aux as. Même toute de blanc vêtue celle-ci fait peur (étonnante Maribel Verdú en marâtre cruelle dont on se souvient encore de la très belle et sensuelle partition dans Y tu mamá También) et va tout faire pour éloigner cette petite peste de l'héritage paternel. Macarena García est la révélation du film. C'est la blanche Neige aux yeux que l'on devine d'un vert abyssal qui se joue de nous et des nains de foire qu'elle rencontre sur son chemin.

La caméra ne reste jamais en place et apporte sa touche au drame qui se trame (oui cela rime) en mettant en valeur les corps et les regards, la photo clinquante d'un autre âge et la fluidité d'une histoire à la destinée infernale. C'est un cinéma qui s'affranchit de ses propres contraintes tout en en respectant absolument les codes. Une contradiction qui n'en est finalement pas une à l'écran preuve de la grâce de l'ensemble. On regrettera juste au final le choix d'un conte si célèbre et dont on connait en fait tellement les ramifications que l'on peut se surprendre à « s'ennuyer ». Mais si torpeur il peut y avoir de temps à autre, la réalisation de Pablo Berger sera là pour vous gifler au détour de la prochaine séquence afin de raviver bien vite cet enchantement de l'adulte qui se découvre encore une âme enfantine un peu noire.     

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