94 MINUTES PLUS TARD
Si l’on retrouve par intermittence la patte de ce réalisateur hors normes, le film ne tient hélas pas ses promesses. 127 heures est pourtant virtuose dès son ouverture. Une flopée de plans étonnants, alternant pellicule et numérique, s’enchaînent selon un montage syncopé en parfait accord avec un travail sonore rigoureux. Dès les premières minutes, Danny Boyle nous immerge dans son récit sans scories ni présentation superflues.
Mais malgré une maîtrise évidente de toute la palette de ses ressources techniques, les défauts du films sont déjà presque tous présents dans cette ouverture survitaminée. La caméra tournoie autour de l’action, s’y précipite, s’envole avec une aisance impressionnante, mais tout cela évoque rapidement une démo technique et non un schéma narratif. James Franco est impeccable, comme à son habitude, mais le malheureux n’a pas grand chose à se mettre sous la dent.
Raconter un huis-clos sur la survie d’un personnage unique, quand ce dernier se retrouve piégé après moins d’un quart d’heure de métrage, alors que son seul contact avec le monde extérieur est un message téléphonique et une brève rencontre avec deux jeunes filles, c’est plus que maigre. Comment s’identifier à un homme dont ne nous connaissons strictement rien ? Si Danny Boyle refuse d’être démonstratif, il refuse également de nous donner les clefs psychologiques indispensables pour provoquer notre empathie. Et ce ne sont pas les quelques flash-back, pas toujours bien amenés qui y peuvent quelque chose.
Ceux consacrés à Clémence Poésy sont emblématiques de cette carence : Danny Boyle tente d’y faire naître l’émotion en quelques plans (certes magnifiquement photographiés et découpés) qui ne sont jamais contextualisés ni remis en perspective. Signalons d’ailleurs l’usage à la limite du terrorisme qui est fait de « Ça plane pour moi » de Plastic Bertrand (sic), et que la barrière de la langue ne saurait excuser.
James Franco et Clémence Poésy
ÇA PLANE PAS DANS LE CINEMA
Reste que Danny Boyle est tout sauf un manchot, et si son film est écrasé par ses intentions et son concept, il n’en demeure pas moins émaillé de séquences très réussies, atmosphériques, parfois d’une intelligence qui rend rageur à la vue de l’ensemble. Ainsi sa mise en scène prend tout son essor dès que le personnage de James Franco n’est pas coincé dans son ravin (l’introduction, la dernière bobine, et quelques séquences d’hallucinations). Le travail du son est également remarquable, et décuple l’impact de certains passages (l’orage, la mutilation).
Ce film est un petit chef d’œuvre !
@EL
Un peu dommage de spoiler, même si… enfin bref!
Le plus beau Oooops de l’histoire du cinéma.