Critique : Coeur fidèle

Des histoires les plus banales naissent souvent les plus grands films : des romans de gare, des pulps ou des situations convenues permettent de faire ressortir le génie de certains cinéastes car la simplicité du récit leur permet de se concentrer sur la forme.

Cœur fidèle met en scène une orpheline d'une vingtaine d'année et deux hommes : un qu'elle aime et l'autre que ses tortionnaires de parents adoptifs veulent lui faire épouser de force. En somme l'éternel archétype du mélodrame qui va mener à tous les tourments possibles et imaginables. Epstein s'en sort ici admirablement bien, réalisant même l'un des chefs-d'œuvre de la période du muet.

Jean Epstein avec Eisenstein ou Delluc est l'un des cinéastes qui a le plus écrit sur le cinéma à cette époque où tout était à faire et où chacun recherchait un moyen de faire transparaitre les émotions d'une manière novatrice et généralement antithéâtrale, le cinéma devant se suffire à lui-même.

Véritable laboratoire théorique et plastique de l'avant-garde française des années 20 Cœur fidèle met en pratique certaines des principales idées d'Epstein et il lui permet de jouer habilement avec tous les effets possibles de manière à créer des situations dramatiques intenses et émouvantes du plus bel effet sans jamais forcer ni paraître indigeste. Photogénie des gros plans, caches, surimpressions, flous, jeux de montage, etc. ; tout concourt à faire du film un véritable ballet poétique d'images plus belles les unes que les autres et à mettre en valeur l'histoire de cette femme à la recherche de sa liberté.

Une leçon à retenir et un film à voir et revoir à une époque où les histoires les plus sophistiquées envahissent les écrans mais souvent fades, rarement accompagnées d'idées de mise en scène et reposant essentiellement sur les performances des comédiens.