True Detective saison 4 : critique d'une fin d'enquête qui rattrape presque tout

Geoffrey Crété | 20 février 2024
Geoffrey Crété | 20 février 2024

La série True Detective est de retour. Dix ans après une saison 1 devenue culte avec Matthew McConaughey et Woody Harrelson, la création de Nic Pizzolatto a eu droit à une renaissance, mais presque sans lui (qui a exprimé à quel point il n'avait rien à voir avec cette saison 4). C'est la réalisatrice Issa López qui a pris le relais pour une quatrième saison intitulée Night Country, avec Jodie Foster, Kali Reis, John Hawkes et Finn Bennett qui mènent l'enquête dans le froid. Après l'accueil très tiède réservé aux saisons 2 et 3, ce retour est-il à la hauteur ?

night detective

Tout commence avec une nuit interminable qui tombe sur l'Alaska, des phénomènes inquiétants autour d'une station de recherche, et une chose qui sort des ténèbres pour emporter les scientifiques. Ça ressemble à un bon épisode de X-Files, surtout quand Jodie Foster (qui a prêté sa voix au tatouage tueur de l'épisode Plus jamais, dans la saison 4) débarque pour enquêter sur la disparition de huit hommes, avec comme seul indice une langue coupée. Mais c'est bien True Detective, quasiment revenue d'entre les morts pour une nouvelle vie.

 

 

Rappels des faits. En 2014, la saison 1 avait été célébrée comme un coup de génie (peut-être un peu trop). En 2015, la saison 2 avait été accueillie comme un échec (probablement un peu trop). Et en 2019, la saison 3 avait été poliment ignorée par la majorité, comme pour sonner le glas pour la création de Nic Pizzolatto sur HBO. C'est peut-être pour cette raison que la saison 4 est celle des premières fois : première fois sans lui ou presque (il est simplement producteur exécutif), premier sous-titre (Night Country), première équipe féminine (derrière la caméra avec la réalisatrice et showrunneuse Issa López, devant la caméra avec les actrices Jodie Foster et Kali Reis, sans oublier l'omniprésence de la voix de Billie Eilish).

La saison 4 de True Detective est "basée sur la série de Nic Pizzolatto", prévient le générique. Night Country nage ainsi entre deux eaux, pour rendre hommage au passé (un nouveau duo qui traîne autant de casseroles que de traumas, une enquête morbide dans une petite communauté pourrissante) tout en essayant de construire autre chose (un décor glacial aux antipodes des autres saisons). Et c'est là qu'elle est le plus intéressant.

 

True Detective : Photo Jodie Foster, Kali ReisFargo saison 1

 

The Hauting of Hill Ice

True Detective a toujours flirté avec le fantastique, mais Night Country opère une danse macabre particulièrement saisissante. Le décor polaire et plongé dans la nuit est l'une des meilleures facettes de cette saison, qui va au bout de l'idée des frontières de l'Amérique dans un lieu qui renvoie autant à la naissance qu'à la fin d'une civilisation.

Dans cette ville plantée aux confins du monde, l'extraordinaire et le mystique flottent dans l'air. Plus que jamais, True Detective touche l'horreur du bout des doigts avec quelques visions dérangeantes qui mettent à l'épreuve la santé mentale des protagonistes. Le décor de la station rappelle tellement The Thing que le DVD du film de John Carpenter est posé derrière Jodie Foster dans le premier épisode, la scène d'intro de l'épisode 2 sort directement d'un cauchemar, et toute la question sera de définir ce qui hante la petite ville d'Ennis et sa population.

Mais les fantômes sont là, ce Night Country est même leur territoire. La glace est le lieu et l'arme du crime, et le dégel des mystérieux cadavres est comme un sablier de sang. Emprisonnés et immobilisés par les éléments (le froid, la nuit, ces morts "naturelles"), les personnages vont devoir affronter les démons – les leurs, et ceux de toute la communauté.

 

True Detective : photoConjuring 4 : Le cas Alaska

deux flics amie-amie

Dit comme ça, c'est extrêmement simple, et cette saison a justement quelque chose de très scolaire. Particulièrement du côté des deux héroïnes, qui renvoient directement aux précédents héros de True Detective ; et donc, à tous les archétypes du genre. Jodie Foster est la flic chevronnée, cynique et désabusée, qui a enfoui ses problèmes avec un impressionnant art du déni. Kali Reis, elle, est la dure à cuire, taciturne et obsessionnelle, qui n'a tellement pas digéré ses problèmes qu'elle y dédie chaque jour de son existence.

C'est simple, c'est classique, et c'est pas grave. Sauf que le scénario enfile les traumas comme des perles, et rajoute plusieurs couches dramatico-dramatiques pas très fines. Les deux femmes traînent chacune leur valise de drames personnels (deuil et culpabilité, option famille brisée et tragédie passée), mais sont en plus réunies par un événement mystérieux qui a eu lieu des années plus tôt (deuil et culpabilité, option "secret qu'on emporte dans sa tombe"). Elles se battent donc entre elles, contre elles-mêmes, et finalement contre le monde.

 

True Detective : photo, Kali Reis"C'est ton psy, t'as 50 rendez-vous en retard"


Nul doute que ce petit programme émotionnellement surchargé a nourri et motivé les actrices, notamment Jodie Foster qui n'avait jamais été à la tête d'une série. Mais le scénario a bien du mal à mener autant de drames en seulement six épisodes sans tirer sur les grosses ficelles habituelles. Un flashback opaque par-ci, une réplique lourde de sens par-là, et True Detective se prend les pieds dans le tapis. Dans chaque épisode ou presque, quelque chose arrive ou revient pour souligner les blessures et les fêlures des héroïnes. N'aurait plus manqué que la double temporalité (comme dans les saisons 1 et 3) pour rendre la chose totalement indigeste.

C'est plus que dommage vu le talent des actrices, presque capables de faire oublier les bavures d'écriture. Rien à signaler du côté de Jodie Foster, impeccable comme toujours, et particulièrement à l'aise dans les moments de légèreté qui cachent la détresse silencieuse de cette femme. Kali Reis tire naturellement son épinge du jeu puisqu'elle sort de nulle part, sauf pour celles et ceux qui aiment le sport (c'est une championne de boxe) ou qui l'ont découverte dans son premier rôle (Catch the Fair One, un film indépendant américain qu'elle a aussi aidé à écrire). Et à leurs côtés, John Hawkes et Finn Bennett sont excellents.

 

True Detective : photo, Jodie Foster, Kali ReisPassion glace puisqu'elle sera dans la suite de Wind River

 

qui vivra verglas

La saison 4 de True Detective a beau bégayer sur les premiers épisodes, elle trouve finalement un équilibre et un sens dans la dernière ligne droite. La fin de l'épisode 5 est un coup de massue et un point de non retour, filmé avec une brutalité inattendue et assourdissante. Après ça, la série opère une belle bascule au niveau de l'enquête, quitte à créer une frustration sur les étapes attendues (l'exploration d'un décor glacé, la fausse course-poursuite), et les facilités (la vidéo à analyser).

La série True Detective s'est toujours jouée des codes du polar pour créer des faux départs et de fausses victoires. La saison 4 continue cette tradition et déplace peu à peu les enjeux, avec une intelligence qui donne une puissance inattendue aux ultimes minutes, lorsque tout le puzzle apparaît enfin à la lumière d'une simple confession – d'autant plus déchirante qu'elle est simple, statique, sans cris ni larmes."C'est toujours la même histoire, et toujours la même fin. Il ne se passe rien. Donc on s'est racontés une autre histoire, avec une autre fin".

 

True Detective : photoContact

 

Dans Night Country, tout est hanté. La ville, les gens, la glace. Exploitée et salie, la terre est une entité à part entière, imperturbable et silencieuse, qui s'exprime à travers les animaux (première scène du premier épisode), les fantômes (quasiment acceptés comme faisant partie du décor), les habitants, et plus particulièrement la force ouvrière, les autochtones et les femmes. Le permafrost garde leurs secrets, qu'ils prennent la forme de morts qu'il ne faut pas oublier, ou de vivants dont il faut se débarrasser. Mais la terre n'oublie rien, pas plus que les humains, et tout finit par se payer un jour ou l'autre – ou plutôt une nuit ou l'autre.

C'est là que la simple bonne idée visuelle de ce décor devient une véritable inspiration et un sujet à part entière. Rarement une histoire aura si bien exploité le froid et l'isolement que cette saison 4 de True Detective, qui se termine sur une image douce-amère. Le voyage était un peu tiède, mais la destination en valait la peine.

True Detective saison 4, chaque lundi depuis le 15 janvier, sur Prime Video via le Pass Warner

 

True Detective : photo

Résumé

La saison 4 de True Detective est plombée par une écriture parfois lourdingue, qui tire trop sur la corde du drame pour donner du grain à moudre à ses excellentes actrices. Mais Night Country se rattrape avec la force de son sujet, qui explose dans une fin puissante.

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Lecteurs

(2.4)

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commentaires
Samsam
27/04/2024 à 20:51

J’ai trouvé la saison très réussie.
Je ne comprends pas la déception autour. Beaucoup trop de gens sont restés bloqués sur la saison 1 qui reste une référence…

L’histoire reste intrigante du début a la fin, le coté social apporte un petit plus, et la fin est inattendue.

True detective
27/03/2024 à 22:21

Les saisons sont déclinantes qualitativement de la saison 1 à 4. La saison 4 est ennuyante à mourir. Aucun intérêt.
Très décevant. La 1ere était incontestablement la meilleure.

Nicotine46
15/03/2024 à 11:28

C'est l'inverse pour moi.
Je n'ai pas détesté les premiers épisodes (comme ça semble être le cas pour certains).
Il y avait du mauvais mais aussi du bon.

Mais alors cette fin de saison. Ce dernier épisode. Ca a été la douche froide pour moi.
J'ai trouvé ça ridicule et ça a complètement plombé l'ensemble.
Dommage...

pc
14/03/2024 à 13:51

Très déçu malgré un casting solide et un formidable décor.

Pat16430
02/03/2024 à 10:51

Je me suis ennuyée d'autant que je n'ai pu regarder que la version française. Une horreur le doublage. Et je n'ai pas aimé le jeu de Foster. Tout m'a semblé grossier, gueulard et je n'ai pas retrouvé le plaisir des précédentes saisons. Surtout la 1 et la 3.

fisico
23/02/2024 à 12:27

TRUE DETECTICE .
..la SAISON 1 est géniale proche de la perfection ...
la saison 2 est très réussie et ce malgré les critiques très dures
la saison 3 est une série très réussie aussi ; qui a été très durement décriée par la critique :
la saison 4 est consternante de médiocrité sans aucun intérêt ....un grand loupé

anteus
23/02/2024 à 00:44

quel dommage pour cette saison, avec de tels décors mais... globalement c'est un remake de la saison 1, on reprend les mêmes choses et on les recommence. Deux héros, l'un qui est plus spirituel que l'autre, une enquête au fond mystique qui se plante plein pot dans le réel à la fin, les casseroles des personnages, la vision pessimiste de l'humanité...
Le passage dans la grotte ramène au passage du labyrinthe du yellow king, les kicks assumés sur le surnaturel (les trucs en bois dans la saison 1, le tourbillon dans cette saison), le perso de Jodie Foster qui retrouve une certaine paix et spiritualité un peu comme Rusty Cohle dans la saison 1 (et d'ailleurs les deux ont perdu un gosse... quelle originalité...)
Bref, ça aurait demandé un peu moins de fainéantise de ce côté là non?

Mou détective
22/02/2024 à 16:40

Mais quelle purge cette dernière saison.
Le dernier épisode et lamentable de banalité (la pr
Le script est bancal, les plans s'enchainent sans aucune cohérence.
Mais quelle déception !

Denver
22/02/2024 à 03:50

Quelle déception que cette saison 4.
Tout du long, il m'a semblé que la série n'était pas une série policière, mais bel et bien une série sociale, avec quelques meurtres très loin au second plan parce qu'il fallait bien en mettre pour justifier l'intégration à la franchise True Détective. J'ai cru lire que le scénario n'avait pas été écrit spécifiquement pour être une saison de True Détective, mais bien pour être une série originale.
Et ça se ressent totalement que toute les parties enquête et surnaturel ont été forcées à l'intérieur de cette histoire pour pouvoir l'intégrer à la franchise HBO.
Cela crée un décalage et donne une triste impression de remplissage au cours de bon nombre d'épisodes, car ils se concentrent plus sur la place de la femme et celle des minorités ethniques, plutôt que sur la résolution de crimes.
Personne ne semble s'inquiéter ou en avoir quelque chose à faire des types morts dans la glace, et le seul travail d'investigation de nos deux flics sera de regarder quelques photos entre leurs préparatifs de repas de Noël et leurs engueulades avec leurs proches.
L'intrigue n'est débloquée à chaque épisode que par une intervention magique du scénariste, souvent un coup de fil du jeune flic balançant un nom de suspect sorti de nulle part. Les invraisemblances et les oublis sont légion, ce qui me conforte dans mon idée que toute la section policière de l'intrigue a été écrite à la va-vite et bâclée. Le surnaturel n'est également qu'un pétard mouillé.
Le bât blesse d'autant plus que la saison 5 de Fargo était diffusée en même temps, et celle-ci réussit dans un style certes différent, à faire bien mieux sur plusieurs plans, notamment en ce qui concerne l'écriture de personnages féminins forts.
Bref, après une saison 1 très réussie et 3 saisons plus que passables, il serait peut être temps de laisser True Détective mourir de sa belle mort.

Euh
21/02/2024 à 15:17

J'ai beau adorer Jodie Foster, passé un premier épisode intriguant, difficile de ne pas s'assoupir avant le les derniers épisodes. La prochaine fois, qu'ils fassent un film de 2h True Detective.

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