Critique : Vent mauvais
C'est souvent lorsque la
production nationale se porte mal que surgissent des petites surprises
difficilement oubliables, de par leurs qualités et volontés d'aller quelque peu
au-delà du conventionnel auquel on est trop habitué ; Vent Mauvais est de ces films,
charmeur, intriguant et vraiment plaisant dès que l'on s'y perd.
L'ouverture fait rêver :
débarqué dans une ville semblant déserte, un informaticien dépêché en urgence
sur place se retrouve pris dans une tempête traversant la ville, les rues vidées
de sa population lui donnant champ libre. Cette allure de western offerte au
film lui confère une tonalité particulière, rehaussée par l'étrange atmosphère
émanant du récit, perdue entre les mystères de ses habitants et leurs attentes.
Anti-héros échoué dans un village
régit par les histoires et les non-dits, le personnage de Frank (joué par
Jonathan Zaccaï, impeccable) traîne sa carcasse en attendant mieux. Flegme et
détachement semblent être son leitmotiv, l'air hagard mais fasciné s'attardant
sur le microcosme s'étendant devant lui. Le film distille sans ménagement sa
faune étrange, se heurtant à l'apprenti enquêteur, lequel traverse
nonchalamment l'écran, prenant parti et se ravisant, cherchant dans l'attente
une issue susceptible de le satisfaire.
En ce sens, le film de Stéphane
Allagnon se fait le reflet contemporain de personnages en perte de repères,
isolés dans une bourgade où chacun semble résigné. Aure Atika d'abord, curieuse
femme un peu baroudeuse, capable de soutenir les gens sans pour autant parvenir
à s'évader de sa propre monotonie. Bernard Lecoq est comme souvent parfait,
jouant avec un naturel désarmant l'homme blasé, manager de supermarché en fin
d'ère, décidé à se retirer par la grande porte.
On pourra reprocher à Vent
Mauvais d'être un film d'une facture relativement classique, mais
celui-ci brasse les genres avec la volonté d'offrir une chronique de vie un peu
différente, plus originale et portée par des personnages marginaux, au sein
desquels souffle une tempête constante. Une jolie surprise.
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