Critique : Gloria

Christophe Foltzer | 18 février 2014
Christophe Foltzer | 18 février 2014

Couronné de l'Ours d'Argent et du Prix de la meilleure actrice à la Berlinale de 2013, le troisième film de Sebastian Lelio arrive à point nommé pour nous rappeler que le cinéma, ce n'est pas seulement du super-héros, de l'action décomplexée et de l'humour ras-des-pâquerettes. C'est aussi, et surtout, un regard sur notre époque.

Avec Gloria, le réalisateur tente le pari d'un film métaphorique. En effet, comment ne pas voir dans l'errance sentimentale de son héroïne le reflet d'un Chili qui change et qui cherche à savoir qui il est ? Tout cela à travers Gloria, une femme entre deux âges, qui vit dans le souvenir d'un mariage raté, avec deux enfants qui n'ont plus besoin d'elle et dans l'espoir de toujours s'épanouir malgré le temps qui passe. Sa rencontre avec Rodolfo, sexagénaire en plein divorce, pourrait être la porte de sortie d'un quotidien coincé entre un travail peu intéressant, des voisins étranges et intrusifs, des mouvements sociaux et le doute, toujours là, mêlé à la crainte d'avoir peut-être fait son temps.

En découle une succession de vignettes plus ou moins réussies mais qui se tiennent globalement, des instants de vie assez contemplatifs dans l'ensemble qui montrent bien où en est le Chili moderne et quelles marques a laissée la dictature de Pinochet. Comme si tous ces personnages jadis privés de liberté cherchaient aujourd'hui à rattraper le temps perdu. Lucide, Sebastian Lelio ne verse jamais dans le pamphlet naïf, trop conscient qu'on ne se coupe pas d'un passé pareil à coups de simple romance (si agréable soit-elle). Chez Lelio, même ensemble, les gens restent seuls et les rencontres des corps (plusieurs scènes de sexes assez crues mais filmées avec beaucoup de retenue, de sensualité et de dignité) ne remplissent jamais le vide laissé par la dictature.

Et malgré de nombreuses longueurs qui entachent le rythme du film et risquent de perdre son spectateur, on sent que Lelio maîtrise son sujet. Il faut dire qu'il est bien aidé par son casting, l'extraordinaire Paulina Garcia en tête, rayonnante et émouvante, s'effaçant totalement derrière son personnage, portant à elle seule l'histoire. N'oublions pas non plus l'épatant Sergio Hernandez, parfait en sexagénaire avide de liberté mais coincé dans un schéma qui confine au pathétique.

 

EN BREF : Passionnant dans ce qu'il raconte du Chili moderne, le film se perd un peu en cours de route, la faute à de nombreuses longueurs. Mais il reprend les rênes à l'occasion d'un final de toute beauté.

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