Mort de William Friedkin, l'immense réalisateur de L'Exorciste, Le Convoi de la peur, French Connection...

Geoffrey Crété | 7 août 2023 - MAJ : 07/08/2023 21:18
Geoffrey Crété | 7 août 2023 - MAJ : 07/08/2023 21:18

L'Exorciste, Le Convoi de la peur, French Connection, Cruising, Police fédérale Los Angeles... Le très grand William Friedkin est mort à 87 ans.

Il faisait partie des grands cinéastes incontournables depuis les années 70, avec des classiques absolus comme French Connection (1971), L'Exorciste (1973), Le Convoi de la peur (1977), Cruising : La Chasse (1980) ou encore Police Fédérale, Los Angeles (1985). Il devait revenir en 2023 à la Mostra de Venise avec son nouveau film, The Caine Mutiny Court-Martial avec Kiefer Sutherland.

2023 sera finalement l'année des hommages, à la fois à Venise, forcément, mais aussi avec la sortie de L'Exorciste : Dévotion, qui fait suite à son chef-d'oeuvre : William Friedkin est mort ce lundi 7 août 2023 à 87 ans.

 

William Friedkin : William FriedkinRIP William Friedkin

 

exorciser l'amérique

Dans les années 60-70, il était là, aux côtés de Francis Ford Coppola, Dennis Hopper, Mike Nichols, Sam Peckinpah, Arthur Penn, Peter Bogdanovich ou encore Hal Hashby pour amener le cinéma américain (et pas que) vers le bien-nommé Nouvel Hollywood, qui a changé les règles du jeu à tout jamais.

 

Les garçons de la bande : photo(re)voyez Les garçons de la bande

 

Après des débuts à la télévision, notamment du côté de Alfred Hitchcock présente, William Friedkin a réalisé ses premiers films, plus ou moins remarqués : Good Times (1967) avec Sonny et Cher, The Birthday Party (1968) sur un scénario de Harold Pinter, ou encore Les Garçons de la bande (1970). Mais c'est à l'aube des années 70 qu'il passe comme un bulldozer avec French Connection.

Film majeur du Nouvel Hollywood, French Connection coche toutes les cases : une approche cinématographique d'une brutalité et d'une modernité sensationnelle, un succès public monstrueux (plus de 75 millions au box-office mondial pour un budget d'à peine 2 millions), un prestige hollywoodien absolu (5 Oscars dont meilleur film, meilleur réalisateur). Et un film devenu une référence absolue en la matière.

 

French connection : car chaseFrench Connection à l'américaine

 

William Friedkin devient instantanément un cinéaste de premier ordre, et il le confirme avec une décennie extraordinaire. En 1973, L'Exorciste est un phénomène ahurissant avec plus de 428 millions au box-office (pour un budget de 12 millions) et 10 nominations aux Oscars. Le film entre dans l'histoire du cinéma d'horreur avec des nominations haut de gamme (meilleur film, meilleur réalisateur), et le prix du meilleur scénario adapté.

Et surtout, L'Exorciste change la face du cinéma d'horreur et fait date, créant une terreur collective qui résonne encore 40 ans après ; d'où l'interminable saga qui revient justement en 2023. Et c'est d'autant plus intéressant que Friedkin n'a jamais voulu définir/réduire L'Exorciste à un film d'horreur, comme il le redisait à Cinephilia & Beyond : "On a pensé ce film comme une histoire puissante, émotionnelle et perturbante. Mais pas comme un film d'horreur, et encore moins comme un classique de l'horreur, ou tout ce qui arrive généralement dans les films d'horreur (...) Il y a clairement des films d'horreur, mai je n'ai pas pensé que L'Exorciste en ferait partie quand je l'ai fait".

 

L'Exorciste : photoImage culte, musique culte, film culte

 

Dans la foulée, il réalise Le Convoi de la peur, adapté du livre Le Salaire de la peur de Georges Arnaud (déjà adapté en France par Henri-Georges Clouzot). La production est dantesque (les studios Universal et Paramount en collaboration), le tournage est un cauchemar, le film est un échec en salles, mais peu importe : Sorcerer confirme encore une fois la puissance de sa mise en scène.

Et depuis, il a largement été revu à sa juste valeur. En 2018, Friedkin en reparlait au Point Pop : "Pendant si longtemps, j'ai été persuadé que le film était mort et enterré. Il n'a jamais gagné de récompense. Et puis il est revenu peu à peu à la vie, tel Lazare. Sorcerer appartient à ces films d'aventures tournés sans image de synthèse, où les cascades, les explosions et le danger étaient bien réels, la diaspora des cinéphiles l'a réhabilité au fil des ans, mais cette résurrection reste un mystère pour moi. (...) Je suis fier de ce film, il est de loin mon préféré et son échec m'a beaucoup peiné, parce que j'étais persuadé d'avoir fait le meilleur film possible et que je ne ferais jamais mieux."

 

Le Convoi de la peur : photoLa folie Sorcerer

 

le (faux) passage à vide des années 80-90

Où aller après ces trois grands films ? Comment faire mieux, ou simplement aussi bien ? William Friedkin aura du mal à retrouver de tels sommets aux yeux du public et de la critique, mais il continue sa route et ne passe pas inaperçu.

En 1980, il filme Al Pacino dans La Chasse (Crusing), un polar sur un tueur en série qui sévit dans le milieu gay. En 1983, il va dans la comédie avec Le Coup du siècle, avec Chevy Chase et Sigourney Weaver. En 1985, il rappelle à l'ordre la fureur de French Connection avec Police fédérale Los Angeles, un autre classique de sa filmographie. Et pour clore les années 80, il revient à l'horreur avec La Nurse.

Les années 90 s'ouvrent dans la douleur. En 1994, le film sportif Blue Chips, avec Nick Nolte et Mary McDonnell, passe gentiment inaperçu. Ce qui est mieux que le thriller érotique Jade (évidemment écrit par Joe Eszterhas), échec cinglant en 1995, et que Friedkin définira lui-même comme un désastre vu l'accueil à sa sortie.

 

Cruising : La Chasse : photoCruising Pacino

 

le retour du roi

Le réalisateur reviendra seulement en 2000 avec L'Enfer du devoir, avec Tommy Lee Jones, qu'il retrouvera dans la foulée pour Traqué, en 2003. Pour beaucoup, à partir de là, William Friedkin retrouve du poil de la bête. Après ce beau Rambo énervé où un ex-entraîneur des forces spéciales et un agent du FBI s'allient pour trouver un tueur, il revient à une horreur beaucoup plus tordue, qu'il préférait d'ailleurs ne pas définir comme de l'horreur – encore une fois.

Dans Bug, adapté de Tracy Letts en 2006, il filme la descente aux enfers d'Ashley Judd et Michael Shannon, rongés par une parano terrifiante. Le film a beau passer inaperçu en salles, il marque les esprits, et rappelle tout le talent du cinéaste.

 

Bug : Photo Michael Shannon, Ashley JuddPunaises de lit : allégorie

 

Friedkin revient encore plus fier et fort en 2011 avec Killer Joe, véritable coup de poing dans la panse. Là encore adapté de Tracy Letts, Killer Joe montre un fantastique Matthew McConaughey en tueur à gages déglingué, qui vient semer le chaos dans une famille délicieusement white trash qui n'était pas prête pour ça.

La scène de fellation au poulet (oui oui) avec Gina Gershon n'est qu'une facette de ce huis clos drôle, noir, désespéré et tordu. Et assurément l'un des meilleurs films du réalisateur.

 

Killer Joe : photo, Matthew McConaugheyHey Joe

 

En parallèle de la fiction, William Friedkin a aussi réalisé des documentaires, notamment The People vs. Paul Crump (1962) et The Devil and Father Amorth (2018).

2023 marquera donc l'arrivée du dernier opus de ce grand cinéaste : The Caine Mutiny Court-Martial, avec Kiefer Sutherland dans un film de procès sur un officier de marine jugé pour mutinerie, après avoir pris le commandement face à un capitaine.

Tout savoir sur William Friedkin

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commentaires
Pat Rick
09/08/2023 à 19:44

Un très grand réalisateur, il a fait suffisamment de grands films pour oublier ses ratages.

rorov94m
08/08/2023 à 18:04

BLUE CHIPS est un excellent film.
Nick Nolte et Shaq' sont incroyable.
Sans oublier le laïus final de Nolte qui met la NBA en pls!
petit carton à l'époque d'après PREMIÈRE, STUDIO et IMPACT en 1994.
Par contre, comme tout génie qui se respect, l'immense Will a son nanard bien à lui(qui n'a rien à envier à John Boorman et son EXORCIST 2...) LA NURSE!!!
FÊTE DU CINÉMA 1989, les spectateurs pleuraient de rire pour 1 Franc dans la salle... souvenirs, souvenirs...

Rorov94M
08/08/2023 à 17:57

Friedkin et ses b-o c'est quelque chose:
Mike Olfield et TUBULAR BELL, WANG CHUNG... à la base sa sent pas bon!
Puis finalement c'est grâce à William que ces icônes pop 80' ( "GET TO FRANCE, DANCE HALL DANCE...) ont montrés aux sceptiques et au grand public leur génie musical! Si, si...
Puis vint ensuite: TOTO pour DUNE, DAFT PUNK TRON pour LEGACY, MUSE pour WWZ...

Marc
08/08/2023 à 17:13

Hommage à William Freidkin avec la musique de L'Exorciste. A chaque fois j'écoute ce titre j'ai des Frissons.

TOCAP
08/08/2023 à 16:01

Mon préféré. Filmo inégale mais légendaire.

Bad Taste
08/08/2023 à 13:27

@Bilbo
J’ai aussi découvert Le Salaire de la peur au ciné, et c’est un chef d’œuvre. Entre les deux, mon cœur ne balance pas, j’ai toujours préféré le Friedkin.

@Francken
Voilà, pareil. La remarque de Bilbo n’est pas méchante, juste un peu maladroite. Bien sûr que les deux films sont excellents. Comme pour La chose d’un autre monde et The Thing, j’ai un préféré (inutile de préciser lequel), idem pour La mouche noire et le remake de Cronenberg, etc.

@Morcar
Je préfère Bug, mais tu me donnes envie d’y jeter un œil de nouveau.

sylvinception
08/08/2023 à 12:14

Fait chier.... RIP, legend.

Morcar
08/08/2023 à 11:42

Ah oui, quelle fin de carrière avec "Killer Joe" !!! J'adore ce film, alors quand j'ai trouvé le BluRay pour quelques euros seulement dans un magasin d'occasion je me suis jeté dessus. Quelle sortie de scène pour le réalisateur ! RIP William !

Hasgarn
08/08/2023 à 11:14

Un mec qui aura passer sa carrière à faire des films qui ne laisse pas indifférent. Un grand nous quitte.

Salle journée !

Franken
08/08/2023 à 10:33

@Bilbo [……."intouchable" ? revois plutôt l'original "le salaire de la peur" ....]

Réflexion totalement saugrenue.
En quoi le film de Clouzot atténuerait-il la qualité de la version de Friedkin ?

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