La révolution Collatéral : comment Michael Mann a transformé le cinéma (et Tom Cruise)

Balade nocturne inoubliable, Collatéral reste un film majeur des débuts du numérique, qui en dit beaucoup sur son personnage incarné par Tom Cruise.

Avant même que Heat ne vienne s’imposer en matrice du film de gangsters, le cinéma de Michael Mann n’a cessé de se démarquer par son formalisme, qui donne à toute son œuvre quelque chose de cotonneux. On aurait presque envie de rester évasifs, de ne pas surintellectualiser une approche aussi sensible de la mise en scène, dont la surréalité et la sensorialité appellent à une immersion totale du spectateur, et à une forme de lâcher-prise en accord avec le mouvement permanent des personnages et des lieux qu’ils habitent.

Avec Collatéral, souvent considéré comme l’un de ses meilleurs films, Mann a poussé cette logique dans ses retranchements. Son concept dévastateur (un taxi se fait prendre en otage par un tueur à gages qu’il conduit de contrat en contrat), couplé à la peinture d’un Los Angeles nocturne et hypnotisant, lui a permis de synthétiser la plupart de ses obsessions thématiques, tout en emmenant son cinéma dans un futur galvanisant. Et en offrant au passage l’un des meilleurs rôles de la carrière de Tom Cruise.

 

La nuit, les cheveux de Tom Cruise sont gris

 

La croisière s'amuse

Collatéral, c’est avant tout l’exemple parfait du scénario de série B transcendé par un grand metteur en scène. Loin de nous l’envie de réduire la portée de l’écriture de Stuart Beattie, qui a justement l’humilité d’une approche simple en apparence, mais diablement précise dans sa structure. Max (Jamie Foxx) et Vincent (Tom Cruise) sont présentés à la fois comme les opposés d’un buddy-movie négatif, et comme les deux faces d’une même pièce, qui apprennent à se compléter l’un l’autre.

Collatéral est même construit sur le réveil de Max, chauffeur de taxi un peu pleutre qui vante à qui veut l’entendre son projet de société de limousines qu’il traîne dans sa tête depuis douze ans. Au contact de Vincent, tueur à gages hyper-méthodique, il commence à sortir de la coquille métaphorique qu’il s’est façonnée avec son véhicule. Vincent est tout ce que Max n’est pas : sûr de lui, riche, bien habillé. En bref, armé pour s’adapter à un monde capitaliste toujours plus violent.

Il faut se rappeler qu’en 2004, Tom Cruise est alors au sommet de sa carrière, après avoir étendu son tableau de chasse auprès des plus grands artistes de son temps (Stanley Kubrick et Steven Spielberg en particulier). L’acteur est connu pour son professionnalisme, et Michael Mann le choisit justement pour incarner la maniaquerie d’un homme qui se veut dans le contrôle des événements. Oserait-on même dire que Mann étant lui-même présenté comme un cinéaste méticuleux, il y a une connexion fascinante entre le réalisateur, son interprète et son personnage.

 

Bromance toxique