Le Dahlia noir : l’ultime échec qui a dégouté Brian De Palma d'Hollywood

Ange Beuque | 14 septembre 2023
Ange Beuque | 14 septembre 2023

La carrière de Brian De Palma est au bord du précipice au milieu des années 2000. Au point que lorsqu'il s'attelle à l'adaptation du Dahlia noir, un polar de James Ellroy qui ausculte un fait divers comptant parmi les plus effroyables de Los Angeles, le réalisateur de Scarface place son avenir à Hollywood entre les mains de Scarlett Johansson, Aaron Eckhart et Josh Hartnett.

Vidée de son sang, tronçonnée en deux parties distinctes et affublée d'un sourire mutilé "à la Joker"... Inutile de dire que la découverte du corps d'Elizabeth Short dans un terrain vague en janvier 1947 a jeté l'effroi dans la cité des Anges. Les tentatives de la jeune femme pour devenir actrice à Hollywood, son surnom de "dahlia noir" inspiré d'un film sorti peu avant, partageant avec l'affaire quelques similitudes et le fait que le meurtre soit resté à jamais irrésolu en ont fait l'un des meurtres les plus mémorables des États-Unis.

Un tel mystère a naturellement suscité nombre d'écrits et théories diverses. Le romancier James Ellroy en tire en 1987 un ouvrage d'autant plus saisissant qu'il revêt pour lui une dimension cathartique. En effet, l'auteur est obsédé depuis l'enfance par ce meurtre abominable, qui fait en lui écho à l'assassinat non élucidé de sa propre mère. Si une adaptation cinématographique semble tomber sous le sens, le projet subit les affres du development hell avant d'atterrir entre les mains de Brian De Palma, qui n'a alors pas droit à l'erreur s'il veut sauver sa carrière à Hollywood.

  

Le Dahlia noir : Scarlett JohanssonLost in Los Angeles

 

La relève de Seven

Les droits du roman de James Ellroy sont achetés par James B. Harris, flairant son potentiel, dès 1986, avant même sa publication. Un scénario est esquissé, mais le projet passe au second plan. Il faut attendre le succès de LA Confidential en 1997, tiré du même auteur, pour que l'adaptation connaisse un coup d'accélérateur.

Le producteur Rudy Cohen accapare les droits et le scénariste Josh Friedman, encore peu expérimenté et plutôt spécialisé dans la science-fiction, s'attelle à l'écriture. Certaines versions primitives établissent un pont avec le polar de Curtis Hanson, via les caméos des personnages interprétés par Russell Crowe et Guy Pearce.

 

Le Dahlia noir : Josh Hartnett, Aaron EckhartDe Palma Show

 

Le Dahlia noir se retrouve finalement entre les mains d'un certain David Fincher, auréolé du succès de Seven en 1995. Le réalisateur se montre très intéressé par le sujet et développe une version ambitieuse d'environ 3 heures en noir et blanc. Julianna Margulies et Jennifer Connelly sont pressenties dans les rôles féminins, et Fincher projette de le tourner après son Fight Club. Mais cette vision ne séduit pas suffisamment, et le projet coince de nouveau.

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commentaires
steve
17/09/2023 à 21:14

Toujours un problème de considérer que c'est la faute des studios si le film n'est pas bon. Simplement, De Palma se trouve vraiment sur la pente descendante à cette époque et loupe un peu son film la faute à un casting pas raccord (Josh Harnett, c'est non, pas la carrure et d'ailleurs cela a refroidi les espoirs qu'on avait mis en lui à l'époque considéré comme grand potentiel).
On sauvera une belle image (heureusement) et Mia Kirschner qui apporte une âme qui manque à ce film.
Une déception vu le sujet et vive "LA Confidential" qui montre le fossé entre l'ancienne et la nouvelle génération qui avait plus de crocs.

Wooster
16/09/2023 à 14:21

@Hasgarn
Ceux qui ont quelque chose à dire, qui ont des idées et un style ne sont plus globalement du côté du cinéma aujourd’hui, parce que la créativité et l’audace se trouvent du côté des séries.
C’est en tout cas ce que l’on constate sur les 20 dernières années.

Birdy l'inquisiteur
16/09/2023 à 07:42

@ Hasgarn : tout est une question d'inspiration. Ces réals ont fait le tour de ce qu'ils avaient à dire, et réalisent de façon creuse leurs derniers films.
Le feu sacré de Stone, à notre époque, serait pourtant tellement nécessaire...
Là où je te rejoins, c'est aussi sur la frilosité des producteurs/financiers qui ne prendront plus le risque de confier leurs millions à des fortes têtes obnubilées par leur joujou. Eux veulent de la rentabilité, donc du consensuel. J'imagine un Barbie fait par un des trois que tu cites...
Et plus c'est gros, moins il faut d'aspérités. Les Star Wars, et bientôt les Harry Potter, doivent ressembler au maximum à l'offre annoncée du catalogue, au risque d'être un copier coller rassurant les cols blancs et les génies du marketting.

Hasgarn
15/09/2023 à 18:38

@ Hocine :

John McTiernan n'a pas pu négocier le virage puisqu'il a été" mis en taule salement et que Hollywood l'a juste effacé depuis. On ne lui en a pas donné l'opportunité.

Et je suis persuadé qu'il aurait pu.

Par contre, Big John, De Palma et Stone, oui ils n'étaient plus dedans. Mais c'est lié au fait que Hollywood a drastiquement changé par rapport à leur personnalité. Ce sont des réalisateurs sans concession et non conventionnel là ou Spielberg, par exemple, a su rentrer dans le nouveau modèle

Serievore
15/09/2023 à 14:17

On connait l assassin du dahlia noir.
C est le proffeusseur mourtade qui l a assassinee dans le terrain vague avec la feuille de boucher.

sylvinception
15/09/2023 à 12:02

Un DePalma très, très moyen... et c'est une grosse cata si on a la mauvaise idée de le comparer à L.A. Confidential.
(je ne suis pas abonné et je ne peux donc pas lire l'article en entier, mais je ne vois vraiment pas ce qu'une référence à Seven vient foutre là...)

Birdy l'inquisiteur
15/09/2023 à 00:17

Duo insipide, climax et révélations qui versent dans le grand guignol, triangle amoureux qui passe à côté de sa cible... reste une certaine classe dans la mise en scène, une lumière sublime, et forcément quelques plans d'école.
Mais avec un tel livre comme support, quel gâchis.

ZakmacK
14/09/2023 à 21:41

@Hocine
Ah c'est intéressant parce que justement j'avais eu l'impression pendant tout le film que son maquillage et la lumière ne la mettaient pas en valeur.

Hocine
14/09/2023 à 18:22

@ZakmacK
De Palma avait engagé Hilary Swank, en estimant que le public avait trop à l’esprit ses rôles de garçon manqué (Boys don’t cry, Million Dollar Baby). Il voulait donc mettre plus en avant sa féminité.

Hocine
14/09/2023 à 18:11

J’ai vu Le Dahlia Noir à sa sortie. C’est un bon film, même s’il ne restera pas parmi les plus marquants de Brian De Palma, qui compte parmi les réalisateurs américains les plus importants des 50 dernières années.
Après l’échec de Mission to Mars (2000), travailler à Hollywood était devenu de plus en plus difficile pour lui, hélas. Alors que quelques années plus tôt, il avait connu son plus grand succès public avec Mission Impossible (1996). Je pense que Snake Eyes (1998) est le dernier film marquant de Brian De Palma. Le Dahlia Noir a ses qualités mais il souffre de la comparaison avec L.A Confidential (1998) et même quelques années plus tard de L’Echange de Clint Eastwood (2008). De plus, la carrière de Josh Hartnett semblait déjà en perte de vitesse. Plusieurs réalisateurs américains, pourtant loin d’être des novices, n’ont pas su négocier le virage des années 2000: Brian De Palma, John Carpenter, Oliver Stone, John McTiernan. Ça se passe comme ça à Hollywood.

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