The Grandmaster : Critique

Patrick Antona | 16 avril 2013
Patrick Antona | 16 avril 2013

Après plus de cinq ans de gestation, voilà qu'arrive sur nos écrans The Grandmaster, grande épopée martiale et romanesque de Wong Kar Wai consacrée  au maître légendaire du Wing Chun, Ip Man. Quatrième film à présenter la destinée de celui ayant défini les bases du kung-fu au XX° siécle (et qui eut Bruce Lee comme élève) sortant en l'espace de cinq ans, l'opus de Wong Kar Wai réunit tous les ingrédients de base du cinéma de kung fu et du drame historique. Mais avec sa touche si particulière (narration sur plusieurs niveaux, stylisation des images, épure des personnages), l'oeuvre, complexe et fascinante, finit par ressembler beaucoup à son auteur et n'est pas le film ultime sur les arts martiaux que d'aucun attendait.

 

 

 

Pourtant, la forme est là, sublime. La photo du français Philippe Le Sourd (Grandmaster est le dernier film tourné sur pellicule Fuji 35mm) conceptualise chaque décor et chaque personnage de manière sensuelle. Les chorégraphies de Yuen Woo-Ping (Il était une fois en Chine, Kill Bill) qui, du premier affrontement de Ip Man sous la pluie jusqu'à la joute de Zhang Ziyi sur le quai d'une gare, font preuve d'une inventivité et d'une grâce qui n'en amoindrit ni l'impact ni la violence intrinsèque. Ceux qui s'inquiétaient que, à l'instar des combats qui illustraient  Les Cendres du temps, la pose et l'attente allaient prendre le pas sur l'action elle-même peuvent être rassurés. Wong Kar Wai impulse à son épopée une forme arythmique qui peut être vue comme déconcertante, avec une première partie bourée d'action, une deuxième plus elliptique où le centre de gravité se déplace du personnage de Ip Man à celui de Gong Er (sublime Zhang Ziyi que l'on redécouvre avec plaisir), et une dernier acte qui renoue avec la réalité  historique. Avec tous ces changements, transitions et ellipses qui parsèment le récit, se crée une certaine distance qui empêche de faire corps avec le personnage principal, même si le souffle épique réussit à passer sur quelques séquences (dont celles se passant dans la Pavillon d'Or ou les confrontations entre Ip Man et le maître Baosen). En allant chercher volontairement son inspiration plus du côté de Sergio Leone (dont la proximité est marquée par quelques emprunts musicaux) que de Chang Cheh ou Tsui Hark,  Wong Kar Wai signe une oeuvre bien plus accessible au public occidental ignorant des soubresauts de l'histoire de la Chine Moderne.

 

 

 

Plus réussie est la manière dont Wong Kar Wai a de définir l'idée de transmission du savoir et de survivance du patrimoine, de capter ces infimes moments où l'implacable marche du temps se suspend à deux silhouettes qui se frôlent (à l'instar de In the mood for love). Il en résulte parfois un déséquilibre entre les intentions primaires de l'oeuvre et le constat final qui fait plus part à la mélancolie. Faute d'un véritable véhicule  émotionnel (en dehors du personnage de Gong Er), The Grandmaster passe plus souvent pour une oeuvre froide et crépusculaire, particulièrement maîtrisée il est vrai mais dont certains ressorts laissent perplexes. Heureusement l'essentiel réussit à affleurer parfois, surtout lors des sublimes scènes de fight martial qui ponctuent le film, démontrant que The Grandmaster avait tout le potentiel pour être un des plus grands films sur le kung fu qui soit, ce qui n'est pas la voie choisie par Wong Kar Wai.  À moins que celui-ci ne change son fusil d'épaule pour une future version Redux que l'on espère plus épique.

 

 

Résumé

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commentaires
John Biloute
04/08/2020 à 23:32

D'aucunS attendaiENt ;)

Freddy
04/08/2020 à 23:31

D'aucunS attendaiENt ;-)

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