Critique : Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui

Laure Beaudonnet | 4 mai 2012
Laure Beaudonnet | 4 mai 2012

Comme un ovni dans le monde du septième art, le tandem Pascal Arnold et Jean-Marc Barr sévit une sixième fois pour questionner le sexe au cinéma. En dehors de leurs trilogies, dont la deuxième demeure inachevée, avec Chacun sa Nuit et American Translation, Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui aborde l'intimité érotique à chaque génération, livrant une alternative à la pornographie. Du dépucelage aux jeux coquins, en passant par la routine et le tapinage, on suit quatre couples différents d'une même famille, leurs travers, leurs doutes. Sous la forme du docu-fiction, le film repose sur le personnage de Romain, interprété par le formidable Matthias Melloul, désespéré d'être encore puceau à 18 ans. Découvert dans Pieds nus sur les limaces, l'interprète se livre à l'exercice de la comédie avec une belle aisance.

Pris en flagrant délit de masturbation au lycée, Romain est le catalyseur du levé de tabou, verbalisant ses carences et guidant sa mère à s'interroger sur la vie sexuelle de ses enfants. Inquiète par les pratiques exhibitionnistes de son post-ado, elle enquête sur les autres membres. Mais faut-il nécessairement percer l'intimité de sa famille pour espérer la connaître ?

Pascal Arnold et Jean-Marc Barr s'emparent du ton enlevé de la comédie pour interroger les cadres. Sortir des sentiers battus du cinéma "mainstream", souvent insipide sur la question des échanges de fluides. Muselées par une morale bien pensante, les scènes d'amour sont généralement déconnectées de toute réalité. Dans Chroniques Sexuelles, on cherche au contraire à palper le vrai, d'où le label "scènes sexuelles à caractère explicites". Si la pudeur est intacte, les acteurs offrent véritablement leur corps à l'objectif. Le tandem de cinéastes porte à l'écran une intimité rarement filmée, si ce n'est sous la forme paroxystique de la pornographie. L'image ne ment pas, le récit non plus. L'opus peut souffrir de son manque de budget (les scènes au restaurant manquent fâcheusement de figurants), mais certaines répliques sont frappantes de justesse. Les comportements décrits font écho à l'expérience de tous, touchant une forme d'universel.

Chroniques Sexuelles a le mérite de proposer un regard singulier sur les rapports humains, sur cette danse nocturne (ou diurne pour les plus téméraires) trop rarement explorée dans l'industrie audiovisuelle. Quelque soit la version - "sensuelle" pour le cinéma, "sexuelle" en DVD et sur Canal Plus -, il ne s'agit jamais d'exhiber, de montrer pour montrer. Au contraire, le film s'inscrit dans une réflexion et évite l'écueil du racolage. Amateurs de "bifles" à l'écran, passez votre chemin.

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