Yodha : critique du Air Force One indien

Y A-T-IL DEUX PILOTES DANS L'AVION ?

Pour leur premier long-métrage en tant que réalisateurs, Sagar Ambre et Pushkar Ojha s’attaquent directement à un thriller d’action promettant d’être nerveux et dépaysant. Il faut dire que les deux hommes ne sont pas des débutants à Bollywood puisqu’ils ont déjà travaillé en tant que réalisateurs de seconde équipe sur des super-productions comme Pathaan ou War. Des expériences formatrices pour lancer ces jeunes talents.

Et il faut bien avouer que Yodha témoigne d’une maîtrise technique indéniable. Malgré un budget bien plus limité que les blockbusters bollywoodiens habituels, le long-métrage remplit son contrat quand il s’agit de proposer des séquences d’action énergiques et haletantes. Dès les premières minutes, les cinéastes nous en mettent plein la vue avec des plans-séquences virtuoses et des chorégraphies de combat fluides et brutales. C’est du bel artisanat qui nous est proposé.

Prêt pour la bataille

D’autant que le long-métrage a très bien compris la tendance actuelle du cinéma commercial indien. Il redouble ainsi de générosité pour nous offrir du grand spectacle en continu. Yodha nous propose deux détournements aériens pour le prix d’un, des fusillades immersives, un arc narratif de conspiration internationale et même un drame romantique. La formule indienne consistant à marier tous les genres en un seul projet reste une fois de plus très efficace.

Au-delà d’une exécution technique honnête et solide, le long-métrage peut compter sur Sidharth Malhotra pour livrer une performance mémorable en héros démesuré qui semble lorgner tant du côté de Shahrukh Khan que de Tom Cruise. L’acteur s’était déjà essayé à l’action avec le sous-estimé A Gentleman mais cette fois-ci, il semble embrasser pleinement les stéréotypes du héros bollywoodien avec une candeur et un charisme irrésistibles.

Mission (presque) Impossible

LES AILES DE L’ENFER

Si Yodha est une franche réussite dans sa mise en scène, c’est malheureusement son écriture bâclée qui l’empêche d’être l’excellente série B que l’on attendait. Le scénario enchaîne les facilités et les invraisemblances à un rythme si soutenu que même le spectateur le plus tolérant finira par réaliser qu’on se moque de lui. Les personnages ne sont que des excuses peu crédibles pour faire avancer le récit au prochain combat.

Pire encore, les cinéastes semblent ne pas réaliser à quel point leur histoire frôle la parodie. C’est ainsi que le long-métrage va enchaîner pas moins de quatre twists sur sa dernière demi-heure. Chaque révélation étant évidemment plus prévisible que la précédente, on se retrouve avec un scénario rêvant d’être écrit par Shyamalan mais qui a la finesse de Air Force One.

Je dois vraiment avoir l'air surpris pour la quatrième fois ?

Du côté du discours politique, on pouvait craindre un énième film de propagande comme le cinéma hindi en produit à la pelle ces dernières années. Yodha nous réserve évidemment son lot de séquences patriotiques et de glorification de la mère patrie. Cependant, on est très loin du propos nauséabond des récents Fighter ou encore Article 370. Le simple fait que l’antagoniste soit quelqu’un qui refuse la paix entre l’Inde et le Pakistan suffit à livrer un message relativement modéré dans le contexte actuel.

Au final, Yodha aurait mérité une écriture plus aboutie. En resserrant la narration, Sagar Ambre et Pushkar Ojha auraient pu tenir toutes les promesses du projet. Le résultat reste tout de même honorable pour un premier essai, en espérant que leur prochain projet saura corriger ces défauts.

Yodha est sorti au cinéma le 15 mars 2024 en France