Wonka : critique d’un chocolat au cœur tendre

Antoine Desrues | 12 décembre 2023 - MAJ : 13/12/2023 18:13
Antoine Desrues | 12 décembre 2023 - MAJ : 13/12/2023 18:13

Croyez-nous ou pas : les films Paddington s’affirment aux côtés des classiques Pixar parmi les incontournables modernes du cinéma familial. Au-delà de la tendresse évidente des aventures de l’ours péruvien, la créativité de leur mise en scène continue de faire pâlir une concurrence en manque cruel d’exigence. Autant dire qu’on attendait au tournant le réalisateur Paul King, convié à accaparer Wonka, un prequel de Charlie et la chocolaterie porté par Timothée Chalamet.

Wonka, Why ?

Si le projet Wonka n’excitait pas grand monde sur le papier, la présence de Paul King à la réalisation (et au scénario) pouvait laisser espérer une vision intéressante, ou au moins une inventivité adaptée à l’imaginaire loufoque de Roald Dahl – et à l’adaptation de Charlie et la chocolaterie de 1971, clé de voûte nostalgique du film.

Sur ce point, le cinéaste a le mérite de rassurer dès ses premiers plans. Au travers d’une brume épaisse, voile transitif vers l’imaginaire sorti d’une toile de William Turner, un bateau révèle dans des couleurs pastel la silhouette d’un jeune Willy Wonka. Comme Paddington, venu d’une contrée lointaine, le chocolatier débarque avec “des rêves plein le chapeau” (très belle chanson d’introduction), avant que son optimisme ne se prenne un mur. Ce mur, c’est un capitalisme qui ne dit pas son nom, mais qui incite chaque personne à exploiter son prochain, ou à se sentir menacé par la réussite des autres.

 

 

Derrière sa nature de film de Noël tout doux et tout mignon, Wonka n’hésite pas à éveiller une certaine noirceur thématique, finalement très en phase avec l’œuvre de Dahl. King pioche d’ailleurs dans la nouvelle La Logeuse pour développer son récit, lorsque le confiseur un peu naïf se retrouve prisonnier d’une tenancière d’auberge machiavélique (Olivia Colman, réjouissante dans son cabotinage).

La notion de dette revient souvent, et devient même un élément central, qui freine à plusieurs reprises la progression des personnages. Le réalisateur joue d'une tension passionnante, puisque son film est – à l’instar de son héros – incapable de rester en place, alors que tout pousse à la stagnation.

Difficile alors de ne pas faire le lien avec Paddington, autre figure de bienveillance contrainte de constater la nature cynique du monde qui l’entoure. L’équilibre, c’est de voir l’horreur de ce monde, sans pour autant s’y abandonner. Willy Wonka suit cette même trajectoire, en injectant de la magie et de l’espoir dans des vies bien moroses.

 

Wonka : photoBien lire les conditions d'utilisation...

 

Long Live the (Paul) King

De cette façon, Paul King confirme qu’il est bien plus qu’un simple artisan soigné, et que ses longs-métrages sont le fruit d’une poésie singulière. Plutôt que de sombrer dans la béatitude malhonnête d’une machine de studio prônant la croyance indéfectible en ses rêves, Wonka ne cesse de mettre en scène des obstacles, et la résistance permanente que nécessite l'accomplissement de l’individu face à un système écrasant. C’est pour cette raison que l’écriture millimétrée du cinéaste (épaulé par son comparse Simon Farnaby) satisfait par la place de ses personnages secondaires.

Comme à son habitude, King les croque par quelques traits de caractère rapidement identifiables, autant dans leur potentiel que dans leurs entraves dont ils se libèrent au contact du protagoniste. On pourrait reprocher à cette mécanique bien huilée d’être moins dévastatrice que dans Paddington (même si on a lâché notre petite larme à la fin), mais elle contribue à l’efficacité indéniable du long-métrage.

 

Wonka : photoEn route, joyeuse troupe

 

Et au fond, cette efficacité martèle la sève du cinéma de Paul King : dans des univers réglés comme du triste papier à musique, le héros vient imposer un nouveau tempo et dérégler le statu quo. On en revient à cette brume inaugurale de Wonka : elle annonce le portail, ou plutôt le vaisseau que représente ce personnage dans cette nouvelle musicalité ; une musicalité qui dépend de la rythmique d’une réalisation virtuose.

Comme s’il malaxait une matière de film d’animation dans du live-action, King s’amuse de ses élans burlesques, de ses accumulations de plans improbables, et autres effets de style jouissifs (cette ampoule qui s’allume au-dessus d’une tête en pleine épiphanie). Le timing comique du montage est à l'avenant des scènes de comédie musicale, où tout s’entremêle dans une harmonie faussement foutraque. À l’instar des mots de Roald Dahl, dont l’absurdité récurrente se rendait digne d’un cadavre exquis, le réalisateur aime pousser ses scènes et ses images à leur plein potentiel, à la manière des concoctions du jeune Willy qui fascinent tant sa caméra.

 

Wonka : photoOn salue aussi la photographie de Chung hoon-Chung (le chef op' de Park Chan-wook)

 

Pure imagination

Perclus de mallettes-laboratoires, de systèmes de laverie ingénieux et de caves à chocolat, le film reflète par son utilisation de la mécanique celle de sa propre fabrication. Mais au-delà de son chef d’orchestre derrière l’objectif, Wonka dépend beaucoup de Timothée Chalamet, et de sa propension à apporter sa propre musicalité à l’ensemble. Jusque-là connu pour ses rôles dramatiques, l’acteur s’affirme dans un lâcher-prise salvateur, où ses maniérismes et son travail physique marchent habilement dans les pas de Gene Wilder et de Johnny Depp.

Seule ombre au tableau, cette méticulosité globale devient un peu trop visible pour son propre bien, surtout lorsque la machine se grippe. Bien contraint de réintégrer les chansons les plus cultes du film de 1971, ainsi que les éléments inhérents à la mythologie de Roald Dahl, le scénario ne sait pas toujours jongler avec ces contingences.

 

Wonka : photo#ReleaseTheOompaLoompaCut

 

Même si le fait de confier le rôle d’un Oompa Loompa à Hugh Grant est en soi une idée de génie, il faut bien admettre que le personnage semble plus ou moins forcé dans un récit déjà riche, au point de le réduire à une suite d’apartés menant à des deus ex machina un peu faciles.

Par la force des choses, Wonka parvient moins à effacer le savoir-faire très structuré de ses créateurs, ce qui semble presque méta pour traiter d’un confiseur de talent. L’émotion s’en retrouve quelque peu amoindrie, surtout après les chutes du Niagara que Paddington faisait de nos yeux. Reste que la filmographie exemplaire de Paul King amène sans doute à faire la fine bouche, car son dernier-né s'impose en film de Noël idéal, qui confirme sous les atours du blockbuster calibré la voix d’un auteur aussi charmant que passionnant.

 

Wonka : Affiche française

Résumé

Wonka est bien l'élan de magie sucrée espéré. Après Paddington, Paul King confirme l’inventivité et le charme de son cinéma, ici accordé au casting inspiré de Timothée Chalamet.

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commentaires
Buko
14/03/2024 à 02:07

on oubliera vite. 1ere partie du film assez bonne malgré tout puis de la daube. Les familles vont adorer ce film marketing évidemment car ç est très loin de l humour sombre de Charlie...

Flo 1
25/01/2024 à 13:56

"In the mood for chocolove...
But Wonka Why ?.."

Oui, pourquoi une nouvelle adaptation de cette histoire, si ce n'est pour "rectifier" la précédente version par Tim Burton, film ayant le tort d'être peut-être plus (chocolat) noir, plus iconoclaste que Roald Dahl ? Ça semble être le genre de chose que les ayant-droits n'aiment pas trop - par contre, faire vivre une franchise...
Pourtant Paul King avait précédemment réussi à passer outre l'image traditionnelle de l'ours Paddington pour nous donner deux films euphoriques, qui osaient parler ouvertement d'immigration et de xénophobie, tout en devenant de purs films d'action à la Tom Cruise dans leurs derniers tiers, très excitants...

Qu'est-ce qui s'est passé ici ?
On a pourtant un début pas trop mal, sorte de décalque enfantin et optimiste de Sweeney Todd (étant aussi formellement moderne que le Burton, l'histoire de Wonka devient maintenant une comédie musicale pour mieux se distinguer)... Bonne introduction qui fait une sorte de résumé express des diverses façons de s'appauvrir, de bonne foi mais aussi pour critiquer le capitalisme sauvage. Il ne fait pas bon d'être gentil et naïf ici.
Puis le film se fait tout simplement Dickensien, comme beaucoup de fictions anglaises ont pu le faire. Sans originalité, on a des espèces de Thénardier abusifs et autres méchants cartoonesques (Olivia Colman nous a déjà fait ce numéro elle aussi), de pauvres gens à aider, une héritière qui ignore son réel statut... Que du classique.

On a dû faire l'impasse d'un Willy Wonka aventurier autour du monde (ça aurait pu être épique), et il faut aussi faire avec à la fois l'insolite de l'univers de Dahl, celui des codes du Musical (les chansons qui déboulent pour exprimer métaphoriquement les sentiments) mais aussi avec une représentation d'un Londres fictif au casting très ouvert... Alors que le scénario parle de défiance envers la différence, l'originalité (les chocolats de Wonka ne sont pas neutres mais loufoques).
Ça n'est pas très logique alors d'y avoir des méchants noirs et hauts placés, dans une histoire se passant dans une Angleterre du passé, très conservatrice, peut-être... L'intention est louable, mais ce récit aurait mieux fonctionné avec une base un peu plus réaliste.

Mais même si on passe ça, ce qui peut décevoir c'est le fait que ce film, contenant quelques jolis instants formels (tel flashback filmé à la manivelle, telle vision dessinée à la craie), n'ose pas exploiter ses idées jusqu'au bout.
Par exemple Wonka est confronté à un cartel du chocolat, des hommes d'affaires véreux, carrément en cheville avec la police et l'église... Il y aurait eu de quoi faire un pur polar (pour enfants, comme "Zootopie"), avec des scènes reproduisant les meilleures séquences du Cinéma, refaire "Le Parrain", "Les Incorruptibles" mais sans violence.
Paul King n'en fait rien.

Et Timothée Chalamet ? L'intérêt de cet acteur au look fragile (comme ça on évite les scandales), c'est que malgré tout il sait aussi jouer les gars qui ont un pet au casque, pouvant devenir inquiétant quand on cesse de le regarder superficiellement. L'idéal pour un Willy Wonka pas toujours très net, jouant aussi avec l'idée que les Oompa Loompas n'existent que dans sa tête.
'n'en fait rien non plus.
Pas top s'il s'amuse avec une mineure, alors il vaut mieux éviter toute ambiguïté, accepter qu'il soit très gentil, qu'il ait des amis (plus ou moins pastiches des 7 nains, comme dans "Wish") au lieu d'être destiné à la réclusion. Quant aux petits hommes, ils seront limités à un seul Hugh Grant, à nouveau pédant ridicule, très drôle mais servant surtout à sauver la mise au bon moment

La vérité derrière ce manque d'audace se confirme bien au tout début, alors qu'on croire voir un générique introductif sous la forme d'un ticket d'or stylisé... Et non, c'est un logo de la société s'occupant du patrimoine de Roald Dahl, qui réfréne les idées originales, multiplie les références nostalgiques au roman et au film de Mel Stuart de 1971 pour en faire une simili préquelle (quitte à insérer de force les chansons de l'époque, avec un sens complètement différent)...
Tout en veillant à arrondir les angles par rapport à certains écrits de l'auteur, pas très tolérants - pas de problème pour les flatulences par contre.
En résulte un film complétement inoffensif, parlant de magie, de gentillesse comme bien d'autres savent le faire. Avec les moyens adéquats pour que ça soit beau (photo de Chung Chung-hoon), rythmé, magique, avec des animaux, rigolo pour les tous petits et les adultes qui veulent être tranquilles.

Les autres, plus exigeants, seront chocolats... au lait bien sûr.

Oldskool
08/01/2024 à 12:12

Il y a des gens qui ont pleurés ??? Une très bonne première partie ou l'on se laisse prendre au jeu des sublimes décors et de la guimauve, mais la seconde partie manque cruellement de rythme de magie et paradoxalement de folie... Quand on se rapproche du climax espéré un peu dommage...

W
06/01/2024 à 19:01

C'est un bon film même si les musiques sont meilleures en anglais, un délice à voir

Fou Dubulbe
23/12/2023 à 07:02

La générosité de Paul King donne toute l'âme d'un film dont le simple nom faisait craindre un bête coup mercantile. Malheureusement, outre des chansons peu mémorables, j'ai surtout trouvé que le défaut majeur de Wonka est son image très laide baignée dans une bouillasse numérique qui donne l'impression que les acteurs n'ont fait que jouer sur des fonds verts alors qu'on aurait aimé voir quelques beaux décors colorés.

Ozymandias
17/12/2023 à 14:13

Film sympathique mais pas inoubliable, trop générique par moment. Le doublage en VF (je suis allé le voir avec ma fille encore très jeune) ne m'a pas fait du bien aux oreilles, surtout lors des chansons. Bref je préfère Paddington !

Eusebio
14/12/2023 à 22:15

Un moment très sympathique, et un vrai plaisir de voir Timothée Chalamet dans une luminosité et un sourire qu'on ne lui avait pas encore vus. De bonnes idées, d'excellentes trouvailles de mise en scène, un côté un peu tire-larmes qui n'était pas nécessaire et des cabotinages un peu gênants par moments... mais un esprit bon enfant et un montage au cordeau sauvent l'ensemble et en font un film réjouissant à partager en famille.

Wooster
14/12/2023 à 14:21

@Marc
Disons que donner un avis sans aucun argument critique, cela te soulage peut être, mais ne présente pas grand intérêt pour la communauté des lecteurs de ces pages.

Jojo
13/12/2023 à 15:34

J'ai passé un bon moment, j'ai ri et pleuré, pari réussi pour Wonka !
Agréablement surpris que ça chante, j'étais pas au courant.
Timothée Chalamet et le cast sont très bons.
La pépite de Noël !!!

Marc
13/12/2023 à 00:05

@Tek_paf

Je donne que mon avis mon impression des films. Je défend les films qui mon surpris et des films qui vaut le prix d'une place de Cinéma. The Creator , Le Garçon et le Héron et Mars Express . Et je défonce les films surtout quand je suis sortie avant la fin ! Perdu une place et 1 heure Conann .

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