La Permission : critique privée de sortie

Chris Huby | 29 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Chris Huby | 29 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

A l'heure où la question de la place de la femme dans la société, et les luttes contre les inégalités, est au coeur du débat au niveau international, un film comme La Permission arrive à point nommé. Découvert au dernier Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz, c'est aussi un pari très risqué pour son équipe.

PERMIS DE SORTIR

Afrooz joue au football dans l'équipe féminine d'Iran. Au moment d'embarquer pour la finale en Malaisie, elle apprend que son mari lui interdit de sortir du territoire. Le cinéma iranien continue d'être actif malgré la pression que subissent nombre de réalisateurs localement. A ce titre, Soheil Beiraghi, livre un film qui lui vaudra sans doute l'ire des autorités de son pays. Le sujet traite effectivement du problème fondamental de la liberté des Iraniennes. Ici, le metteur en scène a choisi de développer un fait divers réel qui a touché le monde du sport. 

 

photo La permissionBaran Kosari

 

L’héroïne du film (superbement interprétée par Baran Kosari) est la capitaine de l'équipe de football. Elle se retrouve à devoir négocier avec son mari avec qui elle ne vit plus depuis longtemps, ce dernier ayant choisi vicieusement de l'empêcher de vivre son rêve en l'interdisant de voyager à l'étranger. On découvre alors la face cachée d'un Iran où les hommes ont tous les pouvoirs sur les femmes et sa justice directe, injuste au possible, qui les défend.

Son mari est un présentateur télé dans ce qu'il y a de plus lisse en apparence et donc de plus dangereux. Responsable d'une émission de talk, il se révèle être absolument retord dans sa vie privée. Manipulateur, machiste, assoiffé de pouvoir et martelé par une rancune affective, il ne peut s'imaginer laisser sa femme vivre ses désirs. D'une certaine manière, il s'agit là du message envoyé par le réalisateur : derrière des signaux de modernité et d'ouverture, le conservatisme est toujours présent dans une société qui agit dans l'ombre.

 

photo la permissionNégocier avec son mari, même pour faire ce que l'on a envie

 

RISQUES ET PÉRILS

Ce qui est particulièrement intéressant dans ce deuxième long métrage, c'est la finesse avec laquelle l'histoire est traitée. Nombre de petits détails font un écho régulier avec les réflexes quotidiens d'une société qui peine à changer. Tout est surveillé, des tatouages à l'accoutrement général, en passant par un dépeçage de la vie privée qui pourrait pourtant exister à travers les messageries des réseaux sociaux.

 

photo La Permission

 

Même au sein des groupes de femmes, il n'y a pas beaucoup d'entraide : les religieuses, gardiennes des comportements féminins, dictent et conseillent, jusqu'à la menace. C'est tout le propos d'un film courageux. Il n'y a en réalité guère d'espace de liberté pour les femmes alors que paradoxalement l'Iran brandit de plus en plus son envie d'évolution, notamment sur cette question. 

En purs termes de cinéma, on sent que La Permission n'a pas été simple à tourner. Autant les scènes d'intérieurs sont absolument bien découpées et maîtrisées, autant les scènes de rues, de foules et en public, subissent la comparaison. Elles ont toutefois été rendues possibles grâce à une urgence de filmage. C'est un film clandestin. Il en reste une oeuvre riche, pressée et urgente avec des séquences impressionnantes à bien des égards. L’implication des comédiennes y est totale et on en sort bluffé.

 

photo

Résumé

En conclusion, un film qui rappelle que le cinéma n'est pas qu'un espace de détente. Il s'agît aussi d'une vocation à la fois profonde et philosophique. Au fond, ce genre de film veut toucher la réflexion et vise au changement.    

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