Critique : Election 1

Jean-Noël Nicolau | 2 janvier 2007
Jean-Noël Nicolau | 2 janvier 2007

Débuter l'année 2007 avec une œuvre titrée Election semble devoir engendrer d'inévitables comparaisons avec l'actualité politique française. Mais mis à part son nom, le film de Johnnie To s'avère pour le moins très éloigné de la description d'un processus démocratique visant à désigner un dirigeant dans les cadres de la loi. En effet, en contant le difficile passage de pouvoir au sein d'une triade, lorsque deux parrains jouent du cash et des menaces pour obtenir des voix, le réalisateur s'inscrit évidemment dans la chronique mafieuse et non dans le pamphlet politique. Néanmoins, on pourra toujours trouver moyen de dresser des parallèles, plus ou moins justes et audacieux, mais on admettra que l'on imagine assez mal nos candidats présidentiels régler leurs comptes de manière aussi musclée.

La mise en scène de Johnnie To, ainsi que son style narratif, sont devenus immédiatement reconnaissables. Mouvements de caméra généreux, photographie contrastée peu avare en superbes clairs obscurs, et un rythme reposant sur un habile mélange de suspens nerveux et d'amplitude descriptive. On cause beaucoup au sein de Election, moins en promesses qu'en intimidations. Une guerre au sein de la triade se prépare, elle est imminente, tellement prévisible que le scénario ne cesse de l'esquiver, enferme les principaux protagonistes dans des cellules de prison pendant les deux tiers de l'histoire, digresse vers la poursuite d'un petit bâton sculpté, symbole dérisoire de l'autorité.

La première, et unique, scène d'action intervient au bout d'une heure, brutale et belle, à la machette, où peinture et sang viennent dessiner les masques d'une tribalité originelle. Rare, pas un seul coup de feu ne sera tiré, la violence d'Election culmine dans sa dernière séquence, où le conflit, repoussé, calmé, mais finalement nécessaire, explose dans un minimalisme intense. Les coups font mal, d'autant plus que la virtuosité de la caméra de To aura détourné notre attention. On admirait un ballet de travellings brillants et de dialogues ciselés, la conclusion nous ramène vers l'âpreté des polars les plus réalistes. Ces élections trouvent leur source dans les rites barbares, la société moderne peut essayer d'intervenir avec sa technologie, sa police, ses lois, les codes sont ancestraux, le pouvoir doit être absolu et les pactes s'envolent aussi vite que les paroles.

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