Critique : Permanent vacation

Nicolas Thys | 31 juillet 2008
Nicolas Thys | 31 juillet 2008

Souvent, voir le premier film d'un cinéaste dont la réputation n'est aujourd'hui plus à faire, donne l'impression peu agréable d'assister à un brouillon de l'œuvre à venir, de voir essentiellement un style qui se cherche. Etrangement Permanent vacation, film liminaire de Jim Jarmush, procure l'effet inverse. Tout en lui, malgré, ou plutôt grâce à ses conditions de production assez faibles, rend compte du style du cinéaste, déjà affirmé et qui ne se démentira jamais réellement.

 

Cette production indépendante tournée à New-York au début des années 80 dans une ville qui ferait presque figure de cité post-apocalyptique avec ses rues désertes, ses immeubles au mieux vétustes au pire en ruine, et ses sonorités sacrées, belliqueuses et mortifères, marque l'entrée du cinéaste dans un univers décalé, qu'il ne quittera plus : celui de la marge. Ici la masse galopante des hommes est devenue fantomatique et ne semble plus survivre que quelques rares individus sans but ni vie réelle, fous à cause de leur solitude et seuls à cause de leur folie.

 

L'un d'entre eux, au nom étrange : Aloysius Parker, sorte d'hommage double à l'auteur des Gaspard de la nuit et au célèbre saxophoniste, parcourt ce délabrement urbain et humain avant un départ imminent. Sorte de road movie à pied dans une ville morte, le réalisateur inspecte le lieu où vivent ceux qui sont hors de toute réalité quotidienne, qui voient dans le monde une erreur. Sa fenêtre sur cet univers est Aloysius et sa nonchalance, son incapacité à s'attacher et son désir fou d'entrée en contact avec des gens pour qui toute communication est rompue.

 

Comme Kaurismaki, qui a débuté la même année, et qui a lui aussi souvent dressé des portraits de marginaux, Jarmush privilégie les longs plans fixes et la lenteur pour faire entrer le spectateur dans ce monde hors du monde où tout ne cesse d'arriver et de repartir et où l'action importe moins que le temps qu'elle dure. Œuvre magnifique, parfois difficile aux références multiples, Permanent vacation s'intéresse aux oubliés d'une civilisation qui laisse de côté sans remord ceux qui ne peuvent ou veulent s'y adapter. La citation très appropriée des Chants de Maldoror est là pour le confirmer.

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commentaires
Spleen Jarmuschien
16/10/2014 à 14:34

Aussi irritant que les notes biaisées d'un saxophone rouillé et délaissé par la solitude mais pourtant harmonieusement décalé dans une marge vagabonde époustouflante.

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