Fiasco : critique qui évite la catastrophe avec Pierre Niney sur Netflix

Owen Carrel | 4 mai 2024
Owen Carrel | 4 mai 2024

Peut-être au sommet de sa popularité dans l'Hexagone, Pierre Niney fait feu de tout bois ces derniers temps, s'essayant à une large variété de registres. Alors, forcément, on était curieux de découvrir sa série Fiasco sur Netflix, qui marque son retour aux côtés d'Igor Gotesman, huit ans après le sympathique Five. Et malgré un casting de qualité (Géraldine NakacheFrançois CivilVincent Cassel...) et de vrais bons moments de rigolade, le projet laisse quelques regrets à l'arrivée.

L'art du malaise

On serait tenté de dire que Fiasco porte bien son nom. Pas parce qu'il s'agit d'une mauvaise série, mais plutôt car elle respecte à la lettre la promesse de son titre dans son récit. En l'occurrence, celui du tournage d'un premier film qui vire à la catastrophe absolue, avec des péripéties qui repoussent sans cesse les limites de l'absurde. 

Une idée amusante qui repose sur la formule du "mockumentaire", qui a fait la gloire des grandes sitcoms américaines des années 2000-2010 (The OfficeParks and Recreation...). L'inspiration The Office est d'ailleurs évidente, notamment au niveau humoristique. Dans Fiasco, tout passe par la gêne, le malaise, et il faut dire que Pierre Niney et sa clique sont particulièrement experts en la matière. 

 

Fiasco : photo, Pierre Niney, Géraldine NakacheUne belle bande de losers magnifiques

 

Que ce soit au détour d'un jeu de mots pourri ou d'une diarrhée fulgurante en plein direct, la série construit ses meilleures séquences humoristiques sur une surenchère permanente et de longs silences pesants. Le tout s'accompagne d'une cascade de mensonges de la part de tous les personnages, qui aboutit évidemment à des quiproquos parfaitement grotesques (le fameux Bartabé, au hasard). Forcément, cet humour omniprésent est à double tranchant, et toutes les blagues ne font pas mouche. Cela dit, le timing comique des acteurs porte régulièrement la série.

Ce n'est pas tant le cœur des vannes qui fonctionne (elles sont bien souvent volontairement ratées), mais les situations qu'elles provoquent, dans un assemblage aussi stupide que jouissif à suivre. Faire rire par le silence amène son lot de ruptures de ton et de rythme, ce qui peut plomber quelquefois l'énergie de Fiasco. Cela dit, son absurdité est sans aucun doute sa plus grande force, et la série comporte plusieurs scènes vraiment hilarantes (la scène du Viking avec François Civil). Néanmoins, derrière cette sympathique façade, Fiasco peine à convaincre complètement.

 

Fiasco : photo, Leslie Medina, Pierre Niney, Marie-Christine BarraultCeux qui savent, savent

 

Au (petit) cœur du fiasco

Dans Fiasco, tout est sujet au rire, ou presque. Quasiment l'intégralité des scènes, quelle que soit leur nature, trouve son épilogue dans la blague ou le malaise (ou les deux). Le problème, c'est que contrairement à La Flamme par exemple, qui assume de bout en bout ce concept, Niney et Gotesman ont une vraie ambition de développer des personnages sincères et attachants. 

Ils le sont, du moins en partie, mais on a comme l'impression que l'écrin humoristique de la série finit par étouffer son vrai cœur : des personnages tragiques unis par leur drôle de passion pour le cinéma. Sur le papier, des archétypes qu'on pourrait rapprocher de ceux d'une autre œuvre récente avec Pierre Niney : le touchant Le livre des Solutions de Michel Gondry. 

 

Fiasco : photo, Pierre NineyPierre Niney, attachant et excellent

 

Sauf que là où Gondry ne perdait jamais de vue son objectif (ou presque, c'est un autre débat), Fiasco ne sait jamais trop sur quel pied danser. Un équilibre maladroit bien résumé dans le dernier épisode, qui met aux prises les personnages de Pierre Niney et d'Igor Gotesman, pierres angulaires à leur manière du faux documentaire de la série (vous avez dit méta ?). 

D'un côté, le loser attachant mais passionné, assurément un miroir de beaucoup de réalisateurs aspirants, avec de grands rêves et peu de moyens. De l'autre, l'incarnation du cynisme du divertissement de masse, comble de l'ironie quand on sait que la série est produite par Netflix. Un paradigme que Fiasco effleure seulement.

 

Fiasco : photo, Pascal DemolonUn personnage qu'on aurait aimé voir plus développé

 

En marge de cette confrontation, une myriade de personnages dont la série ne sait pas trop quoi faire, qui sont surtout là pour rebondir sur les délires de Niney. On pense notamment à la pauvre Leslie Medina, dont l'histoire part sur les chapeaux de roue avant d'être progressivement laissée de côté, ou à une Géraldine Nakache qui fait de la figuration

Le producteur de Pascal Demolon est sans doute (et de manière assez étonnante) celui dont le potentiel est le mieux exploité, mais, là encore, il apparaît comme une petite frustration. Au contraire, François Civil est un comic relief complètement assumé et, passé des débuts tonitruants dans la peau de "Bartabé", son humour répétitif tend à s'essouffler. 

 

Fiasco : photo, François CivilÀ quand le spinoff sur Bartabé ?

 

Satire ou grosse blague ?

Au visionnage, in fine, difficile de savoir si Fiasco connait vraiment son objectif. Nul doute que la série vise la case "satire acide qui tape sur tout ce qui bouge", mais, bien souvent, elle ressemble surtout à un bon gros délire entre potes à la fois drôle et incapable d'exploiter (ou trop peu) son brillant potentiel. Un vrai regret puisqu'à plusieurs reprises, la série touche juste

Il y a derrière les rires une critique parfois acide et inspirée du cinéma français. Au travers du jeu malsain des producteurs, dont certains dépensent à corps perdu des budgets qu'ils n'ont pas. Mais aussi de cet acteur expérimenté qui est tout bonnement insupportable en plateau (joué par Vincent Cassel, évidemment), ou de la question de l'utilisation des animaux sur un tournage.

Tout le final de la série, qui se déroule pendant l'avant-première d'un faux documentaire produit par Netflix, était même l'occasion parfaite d'appuyer la satire. Mais, là encore, Fiasco s'interdit d'aller complètement au bout de ses ambitions, et c'est assurément la plus grosse frustration que l'on ressent à la fin du visionnage. 

Fiasco est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 30 avril 2024 en France

 

 

Fiasco : Affiche française

Résumé

Jusqu’à son dernier plan, Fiasco s’adonne à son passe-temps préféré : une plongée dans l’absurde, partout, tout le temps. Le résultat est certes souvent hilarant, mais la série laisse malheureusement de côté ses quelques beaux ressorts émotionnels.

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commentaires
Grohonk
14/05/2024 à 00:56

Wow pitin la torture...
On essaie, on voudrait mais on ne peut pas supporter.
Et on mesure que de tels moyens leur ont été allouer pour être diffuser sur ze big N !
Du nombrilisme à la french touch dans toute sa splendeur crasse.

Estragon
11/05/2024 à 09:50

J'ai jeté l'éponge.

Morcar
07/05/2024 à 14:51

Je viens de terminer avec les deux derniers épisodes ce midi, et franchement selon moi c'est plutôt une réussite cette série. Pourtant même si l'idée du mockumentaire à la "The Office" me semblait plutôt bien trouvée, les deux premiers épisodes ne m'ont pas vraiment convaincu. On est souvent mal à l'aise face aux situations traversées par le personnage principal. Mais la série s'améliore et m'a même franchement donné plusieurs fous rires comme le passage de l'interview de Claire Chazal ou le simple petit passage où le traitement fait effet sur le cuistot. "Ca change la donne !" ^^
Au milieu de toutes ces séries dont la forme se ressemble toujours, l'originalité de "Fiasco" est à saluer, jusqu'au dernier épisode très meta.

Minthara
07/05/2024 à 08:59

C'est à des années lumières de The Office niveau écriture et interprétation. Ça m'a donné envie de regarder à nouveau The Office du coup ^^

Geoffrey Crété - Rédaction
06/05/2024 à 17:31

@Jiib

"on ressent une forme d'indulgence"
Chaque mois (si ce n'est chaque semaine), on nous accuse d'être trop indulgent, trop gentil, trop politiquement correct... et d'être trop méchant, trop négatifs, trop radicaux. Donc on va simplement vous répondre : ce n'est pas parce qu'on est moins négatif que vous, qu'on est trop indulgent. C'est simplement un désaccord, et c'est très bien.

Jiib
06/05/2024 à 14:50

Je suis déçu de votre analyse, je l'attendais en me disant qu'elle allait être un peu piquante au regard de la faiblesse de cette série, mais comme toute la presse on ressent une forme d'indulgence. Un plagiat des américains et en beaucoup moins bien, le casting Niney Civil semble intouchable et c'est dommage car là c'est mauvais.

Carole 49
06/05/2024 à 09:49

Rarement vu une série aussi nulle j ai regardé en totalité pensant qu un mieux allait arriver et bien non nul nul nul et grossier en totalité.
Rire .... On n a pas les mêmes valeurs .. c est affligeant
Il n' y a dans ce film d' autres expressions que "putain" dit un nombre incalculable de fois ça en devient écoeurant
Triste film

RoroLy
06/05/2024 à 09:41

J'en suis au dernier épisode, et c'est vraiment poussif en effet (peut-être pas nul, mais franchement pas indispensable).
Une sorte de croisement entre Tropic thunder et the Office, mais sans le talent d'écriture.
Dommage car Niney (et Civil aussi) ont un vrai potentiel comique. Mais ça manque de folie pour en faire un truc vraiment drôle (type la Flamme ou le Flambeau pour les afficionados de J Cohen).

Lolopop
06/05/2024 à 06:44

J'ai tenu 2 episodes...
Que dire?
- il en faut pour tout le monde.
Fiasco porte bien son nom sauf pour ceux qui ont de l'amour pour certains acteurs et donc vont adorer.
Non franchement série sans intérêt.

Neuneu
06/05/2024 à 02:39

Franchement ce que j'ai vu de plus nul depuis un bout de temps. Jeu d'acteur pas naturel pour un sou, on se croirait dans petits secrets entre voisins, pour les connaisseurs :D. Tout sonne complètement faux, les situations se veulent drôles, mais ne le sont pas une seule seconde (voir les explications foireuses de niney à la cascadeuse, la tristesse des dialogues et juste après l'annonce à la famille du pied coupé, nullissime ...) bref... Y'a trop de trucs à regarder pour perdre son temps avec ce genre de daube. Deux épisodes c'est suffisant. Next.

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