Critique : Pelo Malo

Christophe Foltzer | 2 avril 2014
Christophe Foltzer | 2 avril 2014

Le second film de Mariana Rondon part d'un postulat qui ne donne pas franchement envie : un gamin des quartiers défavorisés veut ressembler à son chanteur préféré et avoir les cheveux lisses. Et pourtant...

 

Pelo Malo est un très grand petit film. A travers le combat que livre Junior contre sa mère, c'est tout le destin du Venezuela qui semble se jouer. En situant son histoire dans le Caracas des derniers jours de Chavez, Mariana Rondon dresse un véritable état des lieux du pays que nous, occidentaux, sommes loin d'imaginer. Un Venezuela crépusculaire, miné par la misère où la survie redevient de mise. Finalement pas si éloigné de chez nous (toutes proportions gardées évidemment). En s'intéressant avant tout à l'humain, la réalisatrice fait le bon choix puisque plutôt que d'entrer dans un discours fortement didactique, elle préfère se limiter à nous en montrer les conséquences sur les hommes.

Le film fascine, d'une part par son exotisme, mais surtout par sa galerie de personnages, tous plus justes les uns que les autres. Dans Pelo Malo, pas de gentils et pas de méchants, juste des gens normaux qui essayent de s'en sortir et qui, guidés par leur psychologie et leurs traumatismes, sont parfois amenés à faire les mauvais choix. On pense beaucoup à la mère de Junior, livrée à elle-même depuis la mort de son mari, ambivalente au possible et qui aime son fils tout en le détestant pour le fardeau qu'il représente. On a rarement vu récemment de portrait aussi franc et exact de ce type de caractère, donnant à son fils toutes les armes pour qu'il réussisse dans la vie mais ne comprenant pas que cela lui enlève en même temps toute liberté et personnalité. On se souviendra aussi de la « petite amie » de Junior, une boulotte forte tête obsédée par l'idée de se faire prendre en photo comme une Miss. Dans Pelo Malo, chacun a son rêve, tout le monde se démène pour y parvenir mais personne ne semble pouvoir le réaliser tant la situation est dramatique.

La mise en scène est au diapason. Réaliste, discrète, crue, elle colle au plus proche des personnages et emmène le spectateur à son insu dans cet univers sordide. Pourtant, il y a de la beauté dans Pelo Malo, de l'espoir, de l'amour. Son univers est saisissant et passionnant, Caracas est un vrai personnage tentaculaire, affamé, et le contexte politique délicat ne fait que renforcer cette impression que l'on se trouve dans le ventre de la bête, risquant d'y être digéré.

 

EN BREF : On ne peut qu'applaudir un film comme Pelo Malo. Doté d'une grande sensibilité et d'énormément d'humanité, le film bouscule, pose son empreinte sur le spectateur et ne semble pas vouloir le lâcher. Ce film est à découvrir absolument.  

Résumé

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